CINÉMA

Les Hallucinations Collectives, l’alter-native

Un film où deux jumeaux s’en prennent à leur mère parce qu’ils ne la reconnaissent pas, un film à caractère pornographique, un film de hip-hop japonais : Ich Seh, Ich Seh de Veronika Franz ; Bijou de Wakefield Poole ; Tokyo Tribe de Sono Sion. Trois oeuvres que tout oppose, de l’esthétique au propos. Mais trois perles rares rassemblées sous la même bannière, celle de l’Autre cinéma, celle du cinéma de « seconde zone », portée depuis des années par le festival des Hallucinations Collectives et l’association ZoneBis – qui porte bien son nom-, se déroulant chaque année du 31 mars au 06 avril à Lyon. A la clôture du festival, Christophe Chabert, critique aguerri du Petit Bulletin et habitué du festival, rappelait que le cinéma de genre était en voie de disparition. Fausto Fasulo, rédacteur en chef de Mad Movies disait plus tôt dans la semaine que le cinéma d’horreur avait une certaine tendance à être réactionnaire. Si les constats sont pessimistes, ce festival comme le cinéma de genre, sont à préserver et à défendre à tout prix. 

Notre faculté à juger tout, tout le temps et tout de suite nous amènerait, au premier coup d’oeil sur la programmation du festival, à considérer l’événement comme un rassemblement de geeks et autres cinéphages, une semaine très entre-soi. Cette bêtise écartée, les caricatures oubliées, nous nous rendons vite compte que le festival n’a pas volé son nom, reflétant un de ses principes premiers, après l’hallucination des sens : le collectif. Oui, la seule frontière entre les bénévoles, les organisateurs, les critiques et le public, ce sont les accoudoirs des sièges du Comoedia, un cinéma lyonnais. Les t-shirts du festival font offices de costumes, des blagues pourries ponctuent les présentations, personne ne se regarde parler. « Rangez vos égos, venez seulement avec votre passion » nous dit le festival en filigrane. Ici, nul besoin d’interdire les selfies sur le tapis rouge. Ici, si le festival a une cible initiale, il intéresse un public large. C’est avec les autres que nous regardons un Autre cinéma.

© KMBO

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Paradoxalement, la sélection de longs-métrages en compétition – comme l’a très justement souligné l’équipe du Petit Bulletin – n’est pas du tout tournée vers l’autre, le monde extérieur mais plutôt « claustrophobe ». Pour autant, le festival des Hallucinations Collectives défend bel et bien un “autre” cinéma, celui des idées inhabituelles, des expérimentations, des sujets tabous. Et lorsque Fausto Fasulo nous annonce, lors de la dernière séance du festival, que Tokyo Tribe – OVNI cinématographique incaractérisable – ne sera jamais diffusé en France en salles, cela a tendance à rendre légérement sanguin. Le cinéma de genre français et étranger n’a pas besoin de 3D pour avoir du relief et de la profondeur. D’une richesse incroyable, il voit pourtant rarement le jour dans les salles françaises : c’est la raison de vivre de ce festival qui n’a pas peur de l’autre. C’est aussi pourquoi nous l’aimons et souhaitons le défendre corps et âmes.

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