Surnommé ainsi par le président américain Barack Obama, Lee Kuan Yew, ex-Premier ministre de Singapour, est décédé dans la nuit du 22 au 23 mars dernier à l’âge de 91 ans.
Figure historique de l’Asie, Lee Kuan Yew (ce qui signifie « gloire », « honneur » en chinois) portait un nom qui le prédestinait à une grande carrière. Né en 1923 à Singapour dans une famille chinoise, il fait de brillantes études (London School of Economics, Cambridge, Middle Temple) avant de devenir avocat. Étudiant déjà, il appartient à un groupe réclamant la fin de la domination britannique de son île. Mais c’est lorsqu’il participe à la fondation du Parti d’Action du Peuple (PAP) qu’il s’engage véritablement dans la voie politique. Il devient secrétaire général du parti en 1955 alors que Singapour appartient encore à la fédération des États de Malaisie. En 1959, il devient Premier ministre. Lorsque Singapour obtient son indépendance, il est toujours à la tête du gouvernement et le restera jusqu’en 1990. Goh Chonk Toh, son bras droit, lui succède en 1990 et en 2004, c’est au tour de son fils aîné Lee Hsien Loong de devenir Premier ministre.
Le nom de Lee Kuan Yew est indissociable de celui de la cité-état de Singapour. Et pour cause, cette île de 700 km2 pour cinq millions d’habitants, qui ne possède pas d’industries, pas de ressources naturelles et quasiment pas d’agriculture, est passée du statut d’entrepôt britannique à celui de centre régional financier, de services et de haute technologie, essentiellement grâce à ce « bâtisseur visionnaire ». L’île jouit d’un emplacement stratégique, au cœur de l’Asie, et d’une gestion semblable à celle d’une entreprise depuis son indépendance. Les secrets de cette réussite économique exceptionnelle sont en effet les suivants : un niveau d’éducation de la population élevé (avec notamment une maîtrise parfaite de l’anglais), un nombre de fonctionnaires minimal mais des salaires élevés pour éviter la corruption, ouverture commerciale, peu d’impôts et une flexibilité du travail. Bref, tout pour attirer les investisseurs étrangers. Comme se plaisait à le dire Lee Kuan Yew lui-même, cette transformation exceptionnelle peut se résumer en un mot : « capitalisme ». Et les résultats semblent être là, puisque c’est à Singapour qu’on observe la richesse individuelle la plus forte d’Asie avec un taux de chômage faible (à moins de 2 %). Cependant le système bancaire de l’île est très opaque, et le fait est que la cité-état est un paradis fiscal – de plus en plus prisé depuis que la Suisse est devenue moins « sûre ».
Cet essor exceptionnel peut en faire rêver plus d’un. Mais il ne faut pas occulter qu’il s’est fait au détriment des libertés individuelles. En effet, il n’y a qu’un parti au pouvoir, la presse est contrôlée, la liberté d’expression quasiment inexistante et la peine de mort toujours en vigueur. Alors, Singapour est-elle une dictature discrète ? Il faut avouer qu’en comparaison avec ses voisins, comme la Chine ou la Malaisie, la situation globale semble relativement « meilleure » à Singapour. Les ONG Amnesty International et Reporters sans frontières gardent un œil sur les évolutions quand à ces questions sur l’île.
Des dizaines de milliers de personnes ont assisté aux obsèques de Lee Kuan Yew. Malgré les désaccords qui peuvent les diviser, les habitants reconnaissent tous qu’il est le « père fondateur » de Singapour. Assistant à un moment historique, les personnes présentes souhaitaient lui rendre un dernier hommage.