Il est toujours impressionnant de participer à des rassemblements d’aficionados, d’autant plus lorsqu’il s’agit du milieu, a priori, fermé du tatouage et d’un événement d’une telle ampleur. En trois éditions, le Mondial du Tatouage s’est imposé comme une des conventions les plus réputées du monde. Organisé par la figure emblématique du tatouage français Tin-Tin et parrainé par l’acteur (tatoué, forcément !) Nicolas Duvauchelle, l’événement a rassemblé pas moins de 340 artistes tatoueurs venus du monde entier et quelques 27 000 visiteurs. Pas de doute, le 6, 7 et 8 mars dernier, la Grande Halle de la Villette était the place to be !
La (très très) longue file d’attente devant la Grande Halle de la Villette, avant même l’ouverture des portes, laisse présager deux choses : 1. Il fallait se lever tôt ce matin pour aller au Mondial du Tatouage (sous peine d’attendre au moins 1h. Chouette, il faisait beau.) 2. Le succès est assurément au rendez-vous ! Une fois les portes franchies, c’est un peu la grosse claque : la hauteur de plafond, les stands à perte de vue, la grande scène, les mezzanines qui dominent la halle… Les 20 000 m2 du lieu annoncent tout de suite la couleur : dans le milieu du tatouage, la convention de Paris pèse. A ce moment, la plupart des tatoueurs sont soit en train de manger sur le pouce (le Mondial ouvre à 12h), ou bien de peaufiner les derniers détails de leurs stands. Les visiteurs n’ont pas encore pénétré dans le hall, l’atmosphère est étrangement sereine et détendue. C’est le calme avant la tempête.
Très vite, les visiteurs affluent, les allées se remplissent, les stands s’animent et les dermographes grésillent. C’est un bruit assez surprenant pour un non-initié, surtout lorsqu’on ne connait le tatouage que par internet et que la hauteur de la halle fait résonner une centaine de ces machines en même temps. C’est bête à dire, mais le Mondial du Tatouage, c’est une ambiance difficile à retranscrire par les mots. Cela passe notamment par la composition des visiteurs, très hétéroclite. On ne s’attend pas à trouver une si grande diversité : cela va des amateurs tatoués de la tête au pied aux familles avec leur bébé en passant par les personnes âgées (si si !) et les curieux. Les non-tatoués restent cependant largement minoritaires. Dévisager les visiteurs en devient presque un jeu : tatoué ou pas tatoué ? Car le Mondial du Tatouage c’est aussi une part d’exhibition. Les gens venus se faire tatouer se tiennent à moitié nu à quelques centimètres des spectateurs. Ils sont observés, photographiés, scrutés, comme des œuvres d’art dans un musée. A la seule différence qu’ils sont vivants. On saisit d’ailleurs de part et d’autre, des mimiques crispées, voire des visages contorsionnés par la douleur de l’aiguille.
En tant que néophyte, il faut un (court) temps d’adaptation avant d’être à l’aise avec cette intimité affichée : on photographie timidement, on parle bas pour ne pas déranger le travail de l’artiste, on scrute du coin de l’œil de peur d’être intrusif. Mais très vite, on se rend compte que ce n’est pas le genre de la maison. La convivialité qui règne dans la Grande Halle de la Villette surprend malgré l’ampleur de l’événement. Les signes d’admiration éclatent ici et là, les apostrophes fusent, les conversations en divers langages (le Mondial du Tatouage accueille des artistes de 30 pays différents) s’animent. Peu importe qu’on ne parle pas la même langue, ici on parle le dialecte du tatouage.
La dimension humaine se poursuit à travers la relation entre les visiteurs et les artistes. Il n’est pas rare de croiser des tatoueurs en pleine conversation avec des passants autour de leur passion du tatouage. Si l’ambiance est propice à l’échange et à la convivialité, on en oublie pas pour autant que les artistes présents comptent parmi les tatoueurs les plus renommés de la planète. On est ainsi témoin de certaines scènes touchantes de sincérité, comme ce jeune homme, les yeux brillants d’admiration, qui retrouve l’artiste qui l’avait tatoué il y a quelques années et qui lui exhibe son ventre bedonnant où s’étale la pièce. “Ah oui, c’est vrai, je m’en souviens ! C’était du beau travail.” s’exclame le tatoueur. Ou encore cet autre jeune homme qui engage timidement la conversation avec un tatoueur en train de travailler sur un motif : “Je viens de découvrir tes dessins et je suis tombé amoureux de ton travail…”
Il est toujours appréciable de pouvoir confirmer “sur le terrain” l’évolution d’une tendance omniprésente dans les médias depuis quelques années. Le tatouage n’est pas un phénomène de mode. Il existe depuis des décennies dans différentes civilisations. Cependant, il a tendu à se démocratiser et à se débarrasser de son étiquette “mauvais genre” ces dernières années, en acquérant ses lettres de noblesse et en se distinguant comme un art à part entière.
Si vous voulez en savoir plus sur l’histoire du tatouage à travers une approche historique, sociologique et ethnologique, n’hésitez pas à visiter l’exposition “Tatoueurs, tatoués” encore en place jusqu’au 18 octobre 2015 au musée du quai Branly.
Et si votre curiosité a été piquée par l’article, n’oubliez pas que le Mondial du Tatouage sera de retour l’année prochaine à Paris !