MUSIQUE

Kid Wise, la quête de l’innocence

Trois années après la naissance de Kid Wise, l’innocence juvénile demeure au cœur de l’univers de ce groupe toulousain. Zoom sur leur album fraîchement sorti, L’Innocence.

Mais avant tout, faisons les présentations. Kid Wise émerge d’abord comme une aventure solitaire, celle du jeune et talentueux pianiste Augustin Charnet, doté d’une voix ténébreuse et pénétrante. En solo, il sort un premier EP, La sagesse. Mais Kid Wise grandit autour de cette candeur sincère et espiègle et évolue, lorsque le jeune artiste accueille en septembre 2012 cinq amis musiciens, cinq frères : Clément (violon), Léo (batterie), Nathan (basse), Théophile et Vincent (guitares). Ensemble, ces enfants sages dessinent les contours d’une musique oscillant entre pop, rock et post-rock, style qu’ils définissent eux-mêmes comme de la « néo pop progressiste ». Ils sortent un premier single, « Kid », bijou de pop sensible. En 2013, le groupe qui se forge une identité singulière, celle d’une jeunesse aventureuse, sort un nouvel EP Renaissance. Les titres et les clips qui composent ce nouvel EP dévoilent des arrangements, une écriture et une esthétique racés emplis de maturité. Leur désir de singularité les poussera même à créer leur propre label, Maximalist Records, afin qu’ils puissent sortir des disques à leur guise.

Après ces années de travail et de jeunesse fougueuse, la sextette toulousaine vient de dévoiler son premier album, L’innocence. Toujours plein d’émotion, cet album nous plonge au cœur de mélodies lyriques, profondes et orchestrales, dévoilant un travail abouti plein de maturité et une architecture musicale recherchée. Avec talent et émotion, ils nous entraînent au gré de longs morceaux (tous les titres dépassent les 4min30) au sein de leur escapade juvénile et fougueuse. Ils nous transportent au cœur de l’écriture des chapitres de leur insouciance, parcourant toute la richesse et la bestialité de l’existence.

Cette insouciance sauvage et romantique s’amorce avec le titre Ocean, dont les délicates touches de piano nous plongent d’emblée dans l’univers onirique et mélancolique du groupe. Le morceau gagne progressivement en intensité, parsemé de nappes synthétiques, d’un violon et d’une rythmique effrénée. Le clip qui accompagne ce morceau révèle avec éclat l’atmosphère froide et ensorcelante du titre puisqu’il se déploie comme un « conte crépusculaire », ténébreux et envoûtant. Le début de ce récit enchanteur se poursuit avec la pop synthétique de « Forest » qui émerge dans un univers moins oppressant, plus rêveur jusqu’à ce que le rythme s’accélère, accompagné de chœurs captivants. On se retrouve alors au sein d’une cérémonie presque sacrée de la tribu Kid Wise, menée par la voix du chaman Augustin Charnet et des chants incantatoires, sur fond d’envolées électriques.

De cet élan cérémonial émerge « Hope », morceau qu’on avait pu déjà découvrir dans leur précédent EP, La Renaissance. Ce titre se déploie comme la promesse d’un espoir venant abattre l’affliction. Au cœur d’une cavalcade orchestrale, la voix du jeune Augustin se fait toujours impénétrable, mais le rythme résolument plus pop et les chœurs lumineux nous permettent d’empoigner cette lumière et de sortir de l’ombre, dans un élan de fraternité. La lumière, on la trouve dans le reflet orchestral de « Miroir », parsemant à chaque mirage les pincées de guitares ardentes, les chatoiements d’un piano délicat et la luisance d’envolées pop.

Minimaliste et tendre, « Blue » se déploie comme une ritournelle poétique domptant les touches de piano. Mais la tendresse laisse progressivement place au mystère nébuleux avec des nappes synthétiques vaporeuses, jusqu’à une explosion quasi suffocante. S’installe une atmosphère marquée par l’ambivalence entre une âpre tendresse et une lumineuse détonation, ambivalence qu’on retrouve plus loin dans le glacial Winter. Véritable escapade de jeunesse, « Child » nous remémore la candeur juvénile et pop de leur premier titre, « Kid ». Mais cette fois-ci la beauté pop s’étend sur une explosion finale, un élan de guitares accompagnant cette fragile escapade, une course instrumentale guidant nos pas d’enfants.

Toujours marqué par un élan d’innovation, les Kids invitent sur « Ceremony » le guitariste iranien Mohammad Mousavi qui réalise une envolée instrumentale en plein cœur d’un désert touareg de psychédélisme, jusqu’à ce qu’explosent les chœurs de Kid Wise. Autre invitée de cet album, Mathilda Cabezas, l’amoureuse d’Augustin Charnet. En mêlant leurs voix, L’innocence devient alors majestueuse.

Avec « Echos », l’album trouve son achèvement sur huit minutes de paysage post-apocalyptique résumant avec beauté la démarche et l’éthique du groupe. Le décor qui s’installe est d’abord sombre et rêveur, bercé par un discours du philosophe Gaston Bachelard, Songes et Pensées. Les mots mêlés aux sonorités résonnent forts, nous plongeant dans une fissure entre rêve et réalité, pensée et songe. « Nous sommes des dormeurs éveillés, des rêveurs lucides  ». Kid Wise ce sont bien ces éternels gosses rêveurs dans des corps adultes, cherchant à ne pas perdre l’innocence. Le calme nébuleux des rêves s’enracinent… jusqu’à ce que la phrase « Il suffit d’un peu de solitude pour que nous tombions dans une rêverie qui rejoint les songes de la nuit  » fasse exploser en un déclic lumières, sons saturés et guitares acérées au cœur de cette nuit dantesque. L’épaisseur s’atrophie, l’âpre quiétude revient, l’innocence n’est pas perdue.

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