SOCIÉTÉ

22, v’la le Front !

Le Front National (FN) frappe de nouveau à la porte des élections en ce début d’année 2015. Aux départementales des 22 et 29 mars prochains, le parti de Marine Le Pen pourrait se maintenir au second tour dans près de la moitié des cantons français. Entre méconnaissance totale de l’existence même du scrutin et flou artistique quant aux futures attributions des conseils départementaux, il semble que la vague UMP (Union pour un Mouvement Populaire) prendra encore une fois des reflets un peu plus foncés.

Le Front National (FN) surfe sur la vague de la partielle du Doubs. Après la quasi-victoire de sa candidate, Sophie Montel, sur le candidat socialiste, Frédéric Barbier, dans cette législative partielle au début du mois de février, le parti lepéniste montre ses muscles avant cette élection départementale où les partis traditionnels, en particulier le Parti Socialiste (PS), risquent de laisser des plumes. La présence d’un candidat frontiste au second tour d’une élection pourrait de nouveau ne plus être une anomalie républicaine.

Une élection sans passion

Déjà, posons une question simple : qui est au courant qu’il y a des élections en cette fin de mois de mars ? A cette question, selon les derniers sondages, près d’un français sur trois répondrait par la négative. En somme, les départementales ne passionnent pas les foules – et c’est un euphémisme.

Les Français sont appelés à voter les 22 et 29 mars prochains pour un binôme de candidats et son binôme de suppléants, qui doit être composé de manière paritaire : deux femmes, deux hommes. Et plus seulement un titulaire avec sa suppléante ! Mais cette élection risque de tourner à la correction pour les principaux instigateurs de la réforme. Le PS part en effet pour encaisser une sévère défaite, par le simple fait que, dans près de la moitié des 2 054 cantons, le FN risque de rafler une des deux places qualificatives au second tour.

Profitant de l’abstention record qui se profile (plus de la moitié des électeurs ne compte pas se déplacer), le seuil de qualification pour un troisième larron au second tour risque d’être trop élevé quasiment partout, pour un PS arrivant troisième. L’accès se fait en effet maintenant avec 12,5 % des inscrits (contre 10 % auparavant) depuis une loi votée en 2011 sous Nicolas Sarkozy visant discrètement à limiter le nombre de triangulaires UMP-FN-PS, tournant un peu trop souvent à l’avantage des socialistes au goût de la droite alors au pouvoir.

L’UMP semble tout de même en bonne voie pour être le parti majoritaire à la sortie des urnes. Mais le triomphe aura sûrement le goût amer de la victoire par défaut, la faute à un FN qui arrive en force avec presque autant de binômes de candidats que de cantons et 30 % d’intentions de vote dans les sondages.

Conseil départemental, c’est quoi ?

Pour peu, ces élections passeraient presque inaperçues. En même temps, ces départementales ressemblent un peu à la dernière parole d’un condamné. En lançant sa réforme territoriale au mitan de l’année passée, le président de la République a crée les conditions parfaites pour une magnifique foire d’empoigne. On ne sait plus très bien si les départements sont voués à disparaître ou à vivre sous certaines conditions. S’ils survivent, il est même difficile de pouvoir évaluer quel sera le périmètre de leurs compétences. Difficile dans ces conditions de faire des promesses pour les candidats… et pour les électeurs de se passionner.

Manuel Valls a ainsi pu annoncer la mort clinique des départements pour 2021, il semble pour le moment que François Hollande suive une voie médiane. Refroidi par les critiques virulentes de ces derniers alliés que sont les radicaux de gauche au Parlement, qui font de la suppression des conseils départementaux un casus belli, et par le simple fait qu’une suppression pure et simple des départements devrait réunir les trois cinquièmes des suffrages au Parlement – sachant que la droite a récupéré le Sénat, cela semble serré -, le discours s’est adouci. La position actuelle serait plutôt en faveur d’une suppression de certains départements sur le modèle de la fusion entre grandes métropoles et départements qui a lieu en ce moment du côté de Lyon, tout en conservant les administrations des départements ruraux.

Pour ne rien arranger, la gauche arrive en ordre dispersé pour ces élections. Selon Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’institut de sondages Ifop, la droite est parvenue à l’union avec le centre dans 54 % des cantons, contre 12 % seulement pour la gauche. Dans 90 % des cantons où il présente des candidats, le PS aura à sa gauche un ticket rouge (Front de Gauche) ou un ticket vert-rouge (Europe-Ecologie-Front de Gauche). Tout cela s’explique par plusieurs facteurs, notamment l’orientation social-libérale du gouvernement, incarnée par l’arrivée de Manuel Valls à Matignon. Cela avait d’ailleurs eu comme première conséquence de voir les écologistes sortir du gouvernement à ce moment-là. La politique gouvernementale divise la gauche sur le terrain !

L’UMP en grand vainqueur

Flou de la réforme des départements, rejet de la politique gouvernementale, division de la gauche : toutes les conditions sont réunies pour voir la couleur bleue à l’honneur au soir du second tour. L’objectif de l’UMP est de reprendre la main sur une vingtaine de départements, elle qui en contrôle une quarantaine. Pourtant, ce qui est annoncé comme un objectif ambitieux est au final quelque chose d’assez modeste. En effet, dans l’histoire de la Vème République, la droite a présidé jusqu’à 80 conseils généraux !

Pourtant, la victoire risque de passer par l’inévitable réouverture de plaies encore à vif, en particulier en ce qui concerne l’attitude à avoir en cas de duel PS-FN. Partisans du ni-ni et défenseurs du front républicain devraient encore avoir une belle occasion de s’écharper.

Un autre problème attend l’UMP aux responsabilités, ce que l’on appelle le troisième tour : l’élection du président du conseil départemental. Le FN devrait profiter de sa capacité de nuisance acquise grâce à sa victoire annoncée dans plusieurs cantons, notamment dans les départements du Var, du Vaucluse ou bien encore du Nord. Pour enlever aux candidats de la droite, ayant une faiblesse sur leur flanc droit, l’envie d’une alliance avec le FN, le président de l’UMP Nicolas Sarkozy a été clair : « tout responsable UMP qui conclura une alliance avec le FN sera immédiatement exclu ».

L’avertissement s’adresse à tous les futurs candidats à la tête des départements qui seraient tentés de se faire élire avec le renfort des voix frontistes. Surtout que, comme le rappelle l’UMP, il n’y a plus besoin de réunir une majorité absolue après deux tours de scrutin pour être élu à la tête du conseil départemental : une majorité relative suffit. Mais la capacité du FN à enquiquiner la droite pourra aussi s’inscrire dans la durée en cas de majorité relative. En effet, toutes les décisions se prennent à la majorité absolue dans les départements. Le choix sera donc cornélien pour les élus de droite : s’acoquiner avec le FN ou instaurer le front républicain avec les voix socialistes ? L’extrême-droite jouera alors le rôle d’un poil à gratter républicain !

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