SOCIÉTÉ

Représentation du prophète Mahomet : la bonne question ?

Alors que de violentes manifestations ont éclaté concernant la une du magazine des survivants de Charlie Hebdo, le débat public s’est cristallisé autour de la question du droit à la représentation du prophète Mahomet dans l’Islam. Mais prendre position en faveur d’un oui ou d’un non catégorique, cela peut être en fait oublier que tout comme pour la religion chrétienne, il convient de parler d’Islam au pluriel, et que ce culte a évolué à travers les âges.

50 nuances de traits

Le Coran tranche la question fermement, il n’interdit en aucun cas la représentation du prophète Mahomet. Il s’agit de la condamnation, ferme et précise, de l’utilisation dans le cadre du culte d’images de divinités, peintures, statues ou statuettes afin de mettre fin aux pratiques idolâtres des religions tribales de l’Arabie préislamique. L’IFPO rapporte d’ailleurs un épisode célèbre de la biographie de Mahomet qui met en scène le prophète de l’Islam détruisant les centaines d’idoles contenues dans le sanctuaire de la Kaaba, lorsqu’il entra victorieusement à la Mecque en l’an 8 de l’Hégire.
De nombreuses représentations de Mahomet voient le jour sans susciter de débats dans des enluminures d’ouvrages du Moyen Age. Le prophète y est souvent représenté nimbé de flammes ou avec un halo lumineux autour de la tête, l’épisode le plus célèbre étant celui de son ascension au ciel. L’IFPO note cependant « qu’à partir du XVIe siècle, les portraits figurés du prophète de l’islam devinrent plus rares, et une iconographie particulière se développa, qui consistait à voiler le visage de Mahomet ou à le symboliser par une flamme, ou parfois par son nom calligraphié. Les historiens de l’art ont même mis en évidence certains cas où des peintures anciennes, sur lesquelles figuraient visiblement ses traits, ont par la suite été grattées, effacées ou, plus discrètement, recouvertes d’un voile masquant son visage »

Cependant le Coran n’est pas le seul livre sacré de la religion musulmane.

Islam pluriel

La religion musulmane est divisée en deux branches majoritaires, les Chiites et les Sunnites – qui sont majoritaires dans le monde musulman. Si le schisme entre ces deux branches remontent à la mort du prophète Mahomet et à la question de sa succession spirituelle pour diriger la communauté musulmane, ses conséquences n’en sont pas moins actuelles. En effet, bien que les Sunnites considèrent le Coran comme une œuvre divine, ils considèrent également pour sacrée la Sunna, « la loi immuable de Dieu » qui est le recueil des enseignements du prophète, qu’il s’agisse de ses dires ou de ses actes. Bien qu’il ne soit pas question de l’image comme question centrale du recueil, l’IFPO note « qu’une certaine méfiance s’y fasse jour envers ceux qui fabriquent des images, suspects de vouloir se comparer au Créateur. Certains récits sont cependant ouvertement hostiles aux images, affirmant qu’une maison qui en abrite ne sera jamais visitée par les anges. » Enfin pour les Sunnites, l’imam y est vu comme un guide désigné par les hommes, entre le croyant et Allah pour la prière.
En revanche pour la communauté chiite, l’imam, descendant de la famille de Mahomet, est un guide indispensable de la communauté, tirant directement son autorité de Dieu. C’est la raison pour laquelle leur clergé est très structuré, et très puissant. Dans l’Iran chiite, l’Ayatollah, qui est le guide suprême, n’exerce pas les pouvoir exécutifs, mais autorise par ailleurs à notre époque que des portraits imaginaires de Mahomet décorent les rues en temps de festivités religieuses.

Erreur sur la question

Derrière ce débat sans fin il n’est évidemment pas uniquement question de la représentation du prophète mais de la caricature du sacré, ce qui concerne toutes les religions. La responsabilité de ces déversements de haine, en incombe notamment aux autorités religieuses de tous les cultes, qui, bien que formées à la question de la liberté de culte, se retrouvent démunies face à la désacralisation de leurs idoles. Comment ne pas rire jaune en regardant la vidéo de ce pape légitimant l’usage de la force face à une attaque envers ce qu’il considère comme sacré ? Aurait-on déjà oublié les débats suscités par la sortie du film de Martin Scorsese, La dernière tentation du Christ, les cinémas brulés ? Les manifestations violentes ? Déplorons que l’Islam serve encore une fois d’épouvantail, sans que nous ayons pu tirer leçon d’une question qui transcende les religions. Plutôt que de chercher une réponse dans le passé, inventons-en une pour demain.

Pour aller plus loin :

La représentation figurée du prophète Muhammad

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