SOCIÉTÉ

Beaucoup de bruit pour rien

Jamais une élection législative partielle n’aura autant déchaîné les passions dans les mondes politique et médiatique. La 4e circonscription du Doubs est passée du jour au lendemain d’un territoire désindustrialisé oublié de tous à un vaste terrain de jeu électoral qui concentre l’attention générale. D’autant plus que, miracle, le candidat du Parti Socialiste est au deuxième tour ! Personne n’y croyait, voyant déjà s’affronter les droites, celle de l’UMP face à celle du Front National. Il n’en est rien. Dans cette circonscription ancrée à gauche, l’UMP a été balayée, laissant la place au FN, menée par une candidate qui en 1996 voyait comme évidente l’inégalité entre les races. Sophie Montel affronte au deuxième tour le candidat socialiste Frédéric Barbier, qui a certainement profité de la montée en flèche de la côte de popularité de l’exécutif, a accueilli quatre jours avant le scrutin Manuel Valls, et a vu Bernard Cazeneuve se déplacer à l’entre-deux tours. Rien que ça. Le Doubs serait donc devenu “the place to be” ? Que nenni.

Cette vaste mascarade politicienne arrange tous les partis politiques. Cela permet d’éviter de parler des vrais sujets, de passer son temps à commenter cette élection législative partielle qui, quel que soit le résultat, ne changera rien à l’avenir du quinquennat de François Hollande. La 4e circonscription du Doubs est un laboratoire. D’abord pour les médias et les instituts de sondage, qui croient pouvoir mesurer un « effet Charlie », l’impact des attentats que nous avons connus le mois dernier. Autant dire qu’on ne voit aucune décence dans l’attitude de ces gens qui pensent pouvoir tout mesurer, dans le seul but de vendre du papier. Mais passons. Un laboratoire également pour le Front National, qui grignote petit à petit dans toutes les élections, mais qui a encore du mal à s’imposer lors du scrutin majoritaire uninominal, du fait de l’alliance objective “UMPS”. En effet, le FN et sa candidate ont peur du mirage que représente ce que l’on appelle le Front Républicain, ou le regroupement des démocrates et des républicains derrière le candidat qui affronte l’extrême-droite. Comme si chaque parti était propriétaire de ses électeurs. Cette vieille tradition des consignes de vote, qui infantilise les citoyens, participe depuis des années au désenchantement des Français envers leur classe politique. Les logiques d’état-major n’intéressent plus personne, sauf ceux qui en vivent, et ceux qui les commentent.

Dimanche dans la 4e circonscription du Doubs, toutes les caméras de France seront braquées sur les deux candidats, et leur résultat. Lundi, tout le monde commentera ce résultat, l’analysera comme une victoire pour François Hollande si le candidat PS est vainqueur, comme une effrayante droitisation de la France si la victoire revient au FN. Mardi, on n’entendra plus parler de tout ça. Ni de la 4e circonscritption du Doubs. Et les problèmes de ce territoire n’auront jamais été abordés, encore moins réglés. L’attention politique et médiatique trouvera un autre os à rogner : 2017, le service national, le Patriot Act à la française… Et inlassablement, on recommencera le même schéma.

Et franchement, ça commence sérieusement à fatiguer tout le monde.

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