ART

Retour vers le futur

Sans mauvais jeu de mot, la rédaction Art vous livre en ce début de janvier 2015 un article un peu particulier. Original ? Pas forcément, puisque chaque rubrique s’est livrée au même exercice mais selon ses propres règles. Nous pourrions même dire que le jeu a été joué par les rédactions de multiples magazines. Eh oui, vous l’aurez sûrement compris, vous allez avoir droit à un retour subjectif de la part des rédacteurs art sur 2014.
Notre particularité ? Chaque rédacteur a choisi un évènement de l’an dernier et l’a commenté pour vous. Si le début de l’année dernière semble avoir été un peu oublié, l’année à venir ne l’a pas été. En effet, qu’est-ce qui va être excitant en 2015 selon un mazien ? À vous de voir !

Retour, 2014 :

Septembre : 

Sous le prisme de Laure, septembre 2014 a été synonyme de Street Art. Pourquoi ? Parce que celui-ci s’est exporté en Tunisie pour un évènement bien particulier.

“Djerbahood, dernière conquête de la planète Street Art :

Tout se passe à Erriadh, un petit village de l’île de Djerba, en Tunisie. Petites ruelles étroites, maisons typiques, tout y est beige, brun ou sableux. Ce village à moitié délabré fut le terrain de jeu d’une centaine de street artistes durant l’été dernier. Le lieu est paradisiaque et les murs parfaits pour recevoir des œuvres de Street Art : certains murs sont à moitié en ruine, beaucoup sont déjà blancs. L’homme derrière tout ça est Mehdi Ben Cheikh, directeur de la galerie Itinerrance à Paris (ce même Mehdi Ben Cheikh à l’origine du projet de la Tour 13). Il invita plus exactement 150 artistes à venir peindre les murs d’Erriadh. On y a retrouvé des artistes tels que C215, Faith47, Inti, Jace, Logan Hicks, Roa, Swoon ou bien encore Amos et El Seed, des personnalités reconnues par toute la planète Street Art venues du monde entier pour participer à l’événement.

Capture d'écran du Teaser / Roa / Djerbahood

Capture d’écran du Teaser / Roa / Djerbahood

La grande réussite de ce projet tient au dialogue que les artistes ont réussi à instaurer avec les habitants du village. Dans la vidéo teaser, Seth, artiste Français, explique qu’il craignait une « colonisation picturale » de la part de tous ces artistes du monde entier, qui ne seraient venus que pour peindre leurs motifs sans essayer de comprendre le contexte dans lequel ils se trouvaient. Mais c’est oublier ce qu’est le Street art : des œuvres in-situ avec bien souvent une signification particulière par rapport au lieu où elles sont faites : exactement ce qu’il s’est passé pour Djerbahood. Sensibles à l’environnement, à l’écoute des habitants, les artistes ont réalisé des œuvres qui résonnent avec le lieu. « Je leur fais partager une partie de ma vision du monde, à travers mes œuvres. » explique un des artistes dans la vidéo présentant le projet. Et ce partage a fonctionné. Les habitants interrogés répondent tous favorablement à ces œuvres qui ont embelli leur village de façon unique. « On préfère que notre pays évolue, commente un habitant très progressiste pour son vieil âge, je suis pour le changement, l’évolution. »

L’inauguration a eu lieu le 20 septembre 2014. 250 œuvres au total sur les murs d’Erriadh, qui dureront un temps, puis commenceront à s’effacer au rythme des intempéries. Le projet a eu peu de retentissement en France, mais il n’en reste pas moins un événement de réelle ampleur pour le Street Art et sa (con)quête de reconnaissance.”

Laure Chastant

Octobre :

Octobre a été un mois riche pour deux de nos rédacteurs. Marion a décidé de nous parler des clichés venus des conflits du monde entier et primés par le prix Bayeux. Dorian a quant à lui choisi la FIAC.

“La 21e édition du Prix Bayeux Calvados des correspondants de guerre :

Le prix Bayeux Calvados des correspondants de guerre est sans aucun doute l’événement qui m’a le plus marqué en 2014. Ça a été l’occasion de rencontrer de grands reporters, d’apprécier leur travail et de s’informer plus amplement sur des sujets parfois tabous ou peu médiatisés. Le Prix Bayeux Calvados, c’est un peu une leçon de vie. Chaque année, t’en prends plein la gueule. Tu vois des reporters comme Edouard Ellias, âgé de 23 ans, qui te disent « Je ne suis pas téméraire ni courageux. Je sais que j’encours les mêmes risques que les gens que je suis. C’est un choix ».

Le choix de mettre sa vie en péril au service de l’information, le choix de se rendre utile quitte à risquer de se prendre une balle à chaque instant. Et après, ces gens veulent nous faire croire qu’ils ne sont pas téméraires ni courageux ? Non c’est vrai, ils sont bien plus que ça. Ce sont de véritables modèles. « C’est un métier difficile et pour lequel l’argent n’est pas la motivation principale, puisque l’on en gagne très difficilement  ». C’est pourtant grâce à eux que l’on arrive à mieux cerner la réalité d’un pays, les conditions de vies et les conflits qui y règnent.

Prix Bayeux Calvados / http://www.prixbayeux.org/

Prix Bayeux Calvados / http://www.prixbayeux.org/

Cette réalité, qu’elle soit triste, dure ou difficile à voir en face, il est important de la montrer. Sinon, comment pourrions-nous nous forger une opinion ? Comment pourrions-nous être sûrs de ce que l’on nous avance ? Les médias ont tendance à tous nous fournir la même version de l’histoire, « l’intérêt médiatique est cyclique, les grands médias s’intéressent à un sujet, nous en parle pendant deux semaines et après, plus rien  » expliquait Capucine Granier Deferre, photojournaliste indépendante présente en Ukraine lors des conflits et du crash MH17.

Le Prix Bayeux Calvados, c’est un événement dont on ressort changé. On se soucie un peu moins de son nombril après avoir vu toutes les horreurs de l’univers et tous ces gens qui se battent au quotidien pour nous toucher, nous informer et nous faire comprendre les enjeux du monde qui nous entoure. Cette 21ème édition était une fois de plus riche en émotions, en informations et en discussions. Riche, c’est un peu paradoxal quand on voit à quel point le métier de reporter de guerre est difficile aujourd’hui. Il est cependant primordial que ce métier subsiste. « Quand on photographie quelqu’un dans une situation de détresse, on représente une façon de se battre contre cette injustice. Je pense qu’on peut raconter beaucoup plus de choses avec des visages, des attitudes, qu’avec du boom boom ». Le prix Bayeux Calvados des correspondants de guerre c’est « un hommage à la liberté et à la démocratie  ».”

Marion Danzé

FIAC 2014 : Affiche

FIAC 2014 : Affiche

FIAC, toujours plus fort, toujours plus grand, toujours plus loin !

C’est du 23 au 26 octobre que la FIAC, ses œuvres, ses artistes et ses visiteurs ont envahi le Grand Palais.

Cette année fut faste pour la Foire Internationale d’Art Contemporain. Cette dernière a en effet profité du contexte artistique exceptionnel de la capitale : l’inauguration de la fondation Louis Vuitton, La réouverture du musée Picasso, L’exposition Paul McCarthy, « Inside » au palais de Tokyo ou encore les expositions du grand Palais (Hokusai, Niki de Saint Phalle et Haïti).

Cela s’est fait ressentir dès son lancement. En effet, ce sont plus de 17000 entrées qui ont été enregistrées le premier jour. Cela, sans compter la présence de Manuel Valls et de Fleur Pellerin lors de l’inauguration. Après cela, c’est un véritable bal de politiques, de personnalités publiques, mais aussi et surtout d’artistes et de collectionneurs qui s’est déroulé au palais. D’Arnaud Montebourg à Jean François Copé, de Anne Hidalgo à Nathalie Kosciusko-Morizet, mais aussi Bernard Arnault, Xavier Niel, François Pinault, Paul Belmondo, Patrick Bruel, Claire Chazal, et bien sûr la très médiatique visite de François Hollande.

Comme on peut s’y attendre, les ventes de cette année ont été bonnes, voire excellentes, avec des ventes qui sont montées jusqu’à 2 300 000€, pour « Untitled » de Christopher Wool. Le côté foire de l’évènement a également été couronné de succès. 2014 a aussi été marquée par le grand lancement de (OFF)ICIELLE, la foire satellite du FIAC, “tremplin” dédié aux jeunes talents. Réussite supplémentaire puisque cette foire a réuni 68 galeries pour 14 pays représentés, et une belle vente de 90 000€ dès son ouverture.

Enfin, les prix Marcel Duchamp et Ricard ont été remis respectivement à Julien Prévieux et Camille Blatrix. Ces deux prix ont pour vocation la mise en lumière de jeunes talents, tout comme la FIAC. En effet, malgré sa croissance importante, elle a su se renouveler et évoluer, comme on a pu le voir avec l’ouverture d'(OFF)ICIELLE.

Intéressés ? Rendez-vous du 22 au 25 octobre 2015 !”

Dorian Le Sénéchal 

Décembre :

Le dernier mois de l’année n’aura pas non plus laissé de marbre puisqu’un évènement inattendu a fait irruption. Un mur emblématique de Berlin fut recouvert dans la nuit du 11 au 12 décembre.

Autodestruction” :

À Berlin, l’art de rue n’est pas mort, et pourtant le 12 décembre fut une journée de deuil. Une fameuse œuvre du quartier de Kreuzberg s’en est allée.
En 2006, Blu, artiste italien établit en Allemagne, avait créé sur les murs du quartier une fresque qui s’est bien vite entourée d’une aura internationale. Présente sur une façade du Curvy-Brache, l’œuvre représentait sur deux pans trois hommes dessinés aux traits noirs et remplis de blanc. Le squat, lui même emblème d’un Berlin alternatif, jouissait alors d’une illustration à son image. Loin d’avoir réalisé une production anodine et dénuée de sens, Blu délivrait un message anticapitaliste qui collait à la facette particulière de la ville allemande.
Or le 19 septembre dernier, un incendie a attaqué ce havre dans lequel une communauté éclectique se retrouvait. À la suite de l’évènement, le lieu fut récupéré pour un projet immobilier.

Blu / Marc Honninger (https://twitter.com/MarcHonninger/status/543192635490697216/photo/1)

Au cœur de l’espace donné aux investisseurs, les œuvres étaient alors menacées. Forts de leur reconnaissance internationale, les muraux furent dans un premier temps défendus par leurs admirateurs qui ont lancé une pétition ayant pour but de les conserver en les classant. Pas question de laisser à la mairie le soin de choisir le sort qui aurait pu leur être réservé.
Le 11 décembre, leur créateur en a décidé autrement. Déterminé à ne pas voir son travail détruit par un autre, ou utilisé à son insu, Blu a préféré tuer lui même sa fresque. Aux antipodes des idéaux capitalistes, l’italien a refusé que son labeur puisse être utilisé à des fins monétaires par le nouveau complexe immobilier. C’est pourquoi, armé de peintures, il a recouvert ses œuvres de noir. Néanmoins, Blu n’est pas parti sans produire un dernier acte significatif. Le temps de quelques instants, seul un doigt d’honneur est resté sur les parois obscures de Curvy-Brache, comme un dernier pied de nez au système qu’il n’a pas laissé choisir pour lui.”

Louison Larbodie

2015 :

Et qu’est-ce qui nous attend en 2015 ?

Selon Dorian, l’ouverture du Louvre Abu Dhabi est un évènement d’envergure. Il commente :
“Après 5 ans de travaux, des millions dépensés, 2 ans de retard et quelques scandales, ça y est : le Louvre Abu Dhabi ouvres ses portes (enfin, selon le programme). Fort d’une riche collection de plus de 600 oeuvres dont 300 directement issues de musées français, ce musée est censé vous faire voyager dans l’histoire de l’humanité. À vocation universelle, ce sont toutes les époques et tous les continents qui sont ici mis à l’honneur. Vous voulez aller vous cultiver au soleil ? N’hésitez pas, l’île du Bonheur (Saadiyat) vous ouvre les bras !”. Suite à quoi, il n’oublie pas d’ajouter que “Le musée Guggenheim ne saurait lui aussi tarder à ouvrir…”

Laure attend une autre (ré)ouverture en 2015, celle des Bains Douches. À ce propos, elle déclare : “Une bonne nouvelle pour les plus curieux : les Bains Douches font leur retour en 2015 ! Et s’appelleront désormais les « Bains Paris ». Après avoir accueilli le gratin de la jet set mondiale à l’aube des années 80, dans sa période la plus faste où le lieu constituait « the place to be » parisien (David Bowie, Mick Jagger, Andy Warhol, Jen-Michel Basquiat, Kate Moss, Jean Paul Gauthier et tant d’autres), les Bains rouvriront leurs portes. Sans trop de précisions, le site annonce « un lieu hybride, chic, inventif, transculturel, bohème… » qui pourrait être à la fois un hôtel, une maison particulière ou un club…. Rendez-vous dans quelques mois pour voir le résultat !”

Selon Louison : “Pour moi, l’évènement que j’attends le plus en 2015 est le MURAL, festival de Street Art montréalais. En effet, après avoir arpenté en long, en large et en travers le boulevard Saint Laurent, une seule attente se crée, celle de découvrir en direct la fabrication de ses immenses créations. Les muraux sont fous et une question s’est immiscée, comment en quelques jours de juin, autant de murs peuvent-ils se colorer, et se parer de tout ces nouveaux atours ?”

Sinon, le Grand Palais nous réserve encore quelques belles surprises : Velasquez, Picasso et Lucien Clergue pour ne citer qu’eux. Le centre Pompidou nous propose Le Corbusier, et le musée d’Orsay une exposition sur les femmes photographes en 39-45. En effet, le 8 mai cela fera 70 ans que la Seconde Guerre Mondiale a pris fin, ce qui nous promet de nombreuses rétrospectives un peu partout dans le monde. 2015 nous promet une belle année en somme, sur laquelle il faudra également revenir.

En amour avec la diversité artistique, immergée dans les images et les sonorités, en quête d'une fameuse culture hybride, à la croisée des idées. Sur la route et sur les rails, entre la France et les festivals.

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