Nos cœurs saignent, aspirants journalistes ou bien simples amoureux de la culture qui écrivons pour vous chaque mois. Sidération, horreur, mutisme, les symptômes sont là mais nous continuerons d’écrire librement ! « Ecrire c’est hurler en silence » disait Marguerite Duras, eh bien aujourd’hui voici quelques uns de nos cris, sauvages, maladroits et blessés. Un peu de notre encre pour ces hommes et ces femmes assassiné.e.s lâchement.
2015. À peine a t-on eu le temps de tirer une bouteille de champagne que d’autres tirent dans les rues. Les coups ont résonné, sur des hommes qui riaient de tout. Ivres de vivre et de clamer leurs idées, brillants aujourd’hui par une absence loin d’être méritée, ils ne dessineront plus aux pays des Lumières. Alors qu’aujourd’hui le rideau semble tombé, la France s’indigne “mais qu’avaient-ils donc fait ! ?”. La population endormie que l’on crut presque éteinte s’est pourtant relevée, des crayons plein les mains. De la compassion, de la rage, de l’incompréhension mais un goût de révolte plane tel un nuage. À Charlie Hebdo je lève mon verre ce soir, messieurs par votre grandeur, et tristement votre mort, vous nous l’avez prouvé : l’espoir existe encore.
Enora Héréus
« Heureux sont les hommes libres et libres sont les hommes courageux », Périclès.
Il est dur de mettre des mots sur ce que l’Histoire retiendra de ce 7 janvier 2015. Une attaque terroriste en plein Paris contre un journal, contre des journalistes, des forces de l’ordre, des humains. Une attaque contre la liberté, somme toute. Parler à chaud d’un si grave évènement est une tâche délicate. Il s’agit d’évoquer avec discernement une situation qu’on n’aurait jamais imaginée, une situation qui touche la France au plus profond d’elle-même en quelques heures à peine. Des cris, des larmes, des vidéos, des messages, des rassemblements… C’est bien plus qu’un pays qui s’est révolté spontanément et qui a laissé parler ses émotions après tant de barbarie. Préserver la liberté ne passera pas (seulement) par une dénonciation hâtive de ceux qui l’ont bafouée. Cela passera par un regard plus approfondi, et surtout un comportement plus prudent. Plus prudent, idéologiquement parlant, surtout. Prudent, car au fond, cette attaque a rappelé à un peuple tout entier que la liberté ne tenait à pas grand-chose, de quoi glacer les esprits et en ouvrir certains à une psychose qui semblait n’attendre que ça. D’autres tombent dans une sorte de confusion qui saura être nourrie de toutes parts. Après avoir fait parler ses sentiments, exprimé sa haine et son désarroi, la France doit retrouver sa raison. Sa raison pour préserver la liberté que le monde a vu blessée. Sa raison pour continuer d’alimenter cette même liberté, surtout. Conserver ce recul et cette sagesse d’analyser le plus posément possible faits, idées et opinions, car c’est aussi cela la liberté d’expression. Et enfin, conserver cette insolence d’esprit, ce trait railleur et dénonciateur, et cette faculté de rire. De rire de tout.
Thomas Philippe
Je suis Charlie
J’ai les entrailles qui caillent, ce matin noir,
En écoutant les pleurs étouffés par nos pas.
Se perdent dans les dalles en fleurs, des souvenirs
Unis qu’un silence ramasse à coups de cœurs
Incessants. Et – là – on les entend se casser,
Sous le ciel qui, seul, continue de pulser.
C’est un peu comme entendre un oiseau qui s’éteint.
Hèle dans la brume blanche un homme esseulé
Arrimé à deux mondes, par des bougies sombres.
Rien ne peut l’entendre, rien ne peut le toucher
L’on aura beau écouter, il n’y aura plus,
Intérieurement, que ce silence lourd,
Et ces cris étouffés en un tir sans une valse.
Tom Lévêque
Des murmures. Un téléphone vibre, j’apprends la nouvelle. Des mots si simples capables de causer un tel choc, ce n’est pas normal. Pourtant il y a bien du rouge sur le sol, de l’intolérance plein la vue et de l’effroi dans les cœurs. « Je ne comprends pas. Je ne comprendrai jamais. Pourquoi ? C’était des idées, de l’encre et du papier, de l’humour. Une touche de rigolade et de polémique, rien de plus. Une petite mouche du coche, c’est drôle. Et puis ça fait réfléchir.
– Tu sais, on dit qu’on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui.
– Oui, mais de là à… Je veux dire, ce n’est pas comme si un dessin…
– Tu sais, quand la haine commence à se répandre…
– Mais on pourrait discuter ! On pourrait débattre, convaincre, argumenter ! Partager des idées avec passion. Vivre, rire, exister.
– On pourrait… On devrait… »
Non, décidément je ne comprends pas. Et je ne suis pas la seule. La France ne comprend pas. Le monde ne comprend pas. Depuis quand c’est dangereux de dire ce qu’on pense ? Depuis quand c’est un crime d’être libre ?
Alors, au milieu des drapeaux dont les larges bords caressent les pavés, je regarde autour de moi et, blottie dans la foule silencieuse, ma foi en l’humanité reprend le dessus. J’ouvre les yeux sur ce pays qui se rassemble, se soutient. Je vois mes propres émotions se peindre sur les visages de milliers d’autres et je reprends confiance. A ce moment seulement, je comprends. Je comprends qu’il nous faut nous battre pour défendre ce que l’on veut nous prendre. Je comprends que le sacrifice de Charlie ne sera pas vain. Car notre liberté, nous la garderons. Et la violence ne l’emportera pas sur le stylo. Pourquoi ?
Parce que nous sommes tous Charlie.
Mary Laduoad
La tragédie de Charlie Hebdo représente la consécration de la menace qui se construisait contre les libertés et les consciences individuelles de la France. En tant que jeune journaliste, il est évident que je me suis senti incontestablement visé et blessé par cet acte odieux et inhumain. Comment peut-on s’attaquer aux magnifiques valeurs de la République et de la démocratie ? Comment peut-on oser affronter les droits de l’Homme ? Comment peut-on affecter au plus haut point soixante-six millions de citoyens, sans compter les soutiens internationaux ? Aujourd’hui, l’amour de l’humour s’est sentie bafouée, mais en aucun cas l’humour ne disparaîtra. Et c’est lorsque l’on voit une union nationale si forte que l’on peut être fier de la France, être fier d’être Français. Et quant aux deux tireurs, il ne serait pas convenable de les qualifier de fous, ce serait insulter les fous.
Baptiste Erondel
Je sortais du lycée en riant aux blagues de mes potes, aux alentours de midi, comme tous les mercredis. Et j’ai reçu une petite alerte sur mon téléphone : des tirs au siège de Charlie Hebdo. Stupéfaite, j’ai tendu l’écran à ceux qui étaient à mes côtés. Ils m’ont regardée incrédules avant de dire qu’ils espéraient qu’il n’y aurait pas beaucoup de dégâts. Nous nous sommes séparés. Puis sur le chemin, une autre alerte : des morts. Soudain j’ai eu peur, vraiment peur. Charlie… Des dessins, du texte, des idées, et des rires… Je me suis précipitée sur la télévision et là c’est une douleur concrète, une douleur physique qui s’est emparée de moi. Mon estomac s’est noué, les larmes me sont montées aux yeux, je sentais que mon cœur allait exploser. Le bilan s’est alourdi. Les réseaux sociaux ont commencé à réagir. Les premiers noms sont sortis. Et, petit à petit, la colère et la grande tristesse m’ont envahie toute entière. J’ai laissé tomber mes affaires, j’ai oublié tout ce que j’avais à faire et j’ai pleuré. J’ai pleuré parce que j’avais l’impression d’avoir perdu une bande de copains. J’ai pleuré parce que j’étais heurtée, choquée, blessée. Une atteinte à la vie, à la liberté d’expression, à la démocratie. L’intelligence, la sensibilité, le courage et l’humour face à la barbarie et l’ignorance. Une pensée à toutes les victimes et leurs proches. Je suis Charlie.
Astrig Agopian
Des stylos brisés. Voilà l’image qui me vint à l’esprit. Rien ne me semblait alors aussi absurde et aussi vain qu’un stylo qui n’écrira plus jamais. J’avais mal. J’avais mal pour ceux qui n’étaient plus, pour tous ceux qui devraient désormais parler d’eux au passé et pour toutes ces existences qui s’effondraient. Et puis, j’avais mal pour toi, Liberté. J’avais oublié à quel point tu étais fragile ; une flamme vacillante, seule, au milieu de la nuit. Je voudrais que tous les hommes te connaissent, je voudrais hurler ton nom, Liberté, je voudrais te chanter, t’écrire. Eux, voulaient simplement te dessiner, et ils sont morts pour cela. A travers eux, c’est Toi qu’on a voulu tuer, et j’ai mal pour eux, et j’ai mal pour Toi. Ce sont douze cœurs qui ne battront plus. Mais Toi, Liberté, je t’entends toujours battre en moi, peut-être même un peu plus fort, un peu plus vrai. Et le jour où je m’endormirai pour la dernière fois, j’espère partir avec cette certitude qui, je veux le croire, fut la leur : Tu battais dans le cœur qui aujourd’hui s’éteint, mais Toi, Liberté, tu brûlais avant moi et brûlera après moi, et jamais personne ne t’éteindra.
“Le flambeau rayonne ; si on l’éteint, si on l’engloutit dans les ténèbres, le flambeau devient une voix, et l’on ne fait pas la nuit sur la parole ; si l’on met un bâillon à la bouche qui parle, la parole se change en lumière, et l’on ne bâillonne pas la lumière.” Victor Hugo, Les Châtiments.
Anaïs Alle
Si nous ne nous rattachons pas aux idées de Charlie Hebdo, défendons vivement cette liberté d’expression et de presse, qui est un des droits les plus justes et les plus fondamentaux que la France, et à travers elle la démocratie a toujours tenté de garantir. Ainsi certains, qui n’adhèrent pourtant pas aux messages que transmettaient les caricaturistes dans leur journal, par goût ou parce qu’ils en sont touchés, joignent leur voix à celle des autres, dans un grand mouvement de réaction face à cette violence démesurée. On ne défend pas une opinion particulière mais un droit auquel chacun peut prétendre. Des manifestations se sont très vite organisées, les dessins et articles se démultiplient sur les réseaux sociaux sans frontière, dans de multiples langues, et des chaînes circulent. Tout cela en signe de soutien aux familles des victimes qui deviennent le symbole de la lutte contre la tyrannie. Et c’est beau. C’est émouvant, car cela montre que la solidarité est toujours présente et se reforme lorsque des libertés fondamentales sont menacées.
Une minute de silence pour prendre conscience de la mort de ceux qui se sont vus répondre à l’humour par le sang, et pour se rappeler que la défense des libertés transgresse les barrières d’opinion, de religion, ou de nationalité.
Maraban Dju’
La liberté vient de mourir.
Ce matin, Charlie se baladait dans les brumes ténébreuses de mon cerveau.
Charlie me disait des choses.
Me les murmurait, me les criait.
Il me donnait des raisons de me lever demain matin.
De continuer la lutte.
Contre l’obscurantisme.
Contre la peur.
Contre la terreur.
Contre le fanatisme.
J’étais là, seul.
Je pensais.
Je pensais à ces gens, à ces personnes.
Certains qui n’avait pas peur de mourir pour avoir exprimé leur opinion.
Les autres, là, morts eux aussi. Dans la souffrance et la terreur.
La liberté vient de mourir d’une balle à la poitrine.
La liberté vient de mourir mais elle renaît.
Elle renaît grâce à cette foule.
Ces gens.
Ces femmes.
Ces hommes.
Ces jeunes.
La liberté vient de mourir d’une balle à la poitrine.
La liberté vient de mourir, mais elle renaît.
Elle renaît instantanément.
Comme le phénix qui renaît de ces cendres.
Comme l’homme à genoux qui se redresse.
Comme la mémoire quand ses souvenirs sont attaqués.
Je suis Charlie.
Nous sommes Charlie.
Crions-le au monde, mes amis.
Crions-le et ne les oublions pas.
Car la Liberté est la clé de notre société.
Thibaut Galis
Les assassins de Charlie Hebdo ne sont pas des terroristes.
Ces lâches cagoulés et lourdement armés, qui ont assassiné des humanistes affichant leurs convictions au grand jour, en tenant de simples crayons, ne m’inspirent pas la terreur. Ces lâches, qui fuient toujours et se terrent, après avoir ôté la vie à un dessinateur pacifiste de 80 ans qui les moquait, ne m’inspirent pas la terreur. Ces monstres, qui ont achevé à bout portant un gardien de la paix déjà blessé et au sol, ne m’inspirent pas la terreur. Ces fous qui croient verser le sang au nom d’une religion, qui bannissent l’idée même de la haine qui les habite, ne m’inspirent pas la terreur. En revanche, ils inspirent à des millions d’hommes et de femmes partout dans le monde la volonté irrépressible de lutter pour préserver notre liberté. En synchronisant brusquement tous ces cœurs bouillonnants et unis, ces assassins viennent de donner vie malgré eux à un corps contre lequel les balles ne peuvent rien. Un corps habité par l’esprit de Charlie Hebdo.
Fabien Randrianarisoa
La tragédie du 7 janvier nous a tous ébranlés, tous, nous avons été touchés par celle-ci. Malgré cela, ce sont différentes émotions que nous ressentons chacun. Ce texte, c’est ce que je ressens au plus profond de moi-même, c’est un message pour montrer aux victimes de cet attentat qu’elles ne sont pas mortes en vain : Consternation, Tristesse, Fierté, Détermination, ces émotions, ce sont celles que je ressens en pensant a cette tragédie. Consterné, du fait qu’aujourd’hui encore, la liberté d’expression puisse être remise en cause, que l’on puisse tuer des personnes, talentueuses de surcroît, pour leur œuvre. Triste, de la perte de toute une génération de caricaturistes, de talents, de symboles devrais-je dire. Fier, de la France, des hommes, du monde pour cette mobilisation qui a su montrer que rien ni personne ne peut faire plier la liberté, que nous sommes tous unis, quel que soit notre pays, notre religion ou nos convictions politiques. Fier, que même morts, ces caricaturistes continuent à véhiculer un message. Déterminé, déterminé à ne jamais me taire, à continuer à m’exprimer, le plus librement possible, car c’est cela l’esprit de Charlie, cet esprit qui a guidé ce journal, cet esprit qui nous a été légué. “Ils veulent nous réduire au silence. Ils n’auront obtenu qu’une minute” Reporters Sans Frontières.
Dorian le Sénéchal
En écrivant ce texte, j’ai d’abord été incapable de lui donner un titre. Tout a déjà été pris, tout a déjà été fait par les grands médias. Et puis, j’estime que la catastrophe à laquelle nous assistons aujourd’hui est sans nom. Tout se bouscule dans mon esprit. J’ai l’impression d’être touchée de toutes parts par cet événement. Je me sens membre du monde journalistique depuis un an, depuis mes débuts dans Maze. Grâce au magazine, j’ai acquis la sensation d’être libre de pouvoir exprimer ce que je souhaitais partager au monde entier. Je n’aurais jamais imaginé que de tels événements d’oppression et de terreur puissent entraver ma pensée. Maintenant j’ai peur, pour tout. Même si je n’écris à priori rien de scandaleux, les événements actuels devraient déclencher dans mon esprit la fameuse question « est-ce que mes dires rentrent dans le cadre que l’on m’a imposé ? ». Puis, je pense à tous ces dessinateurs de talent, et je me rends compte que c’est une erreur de vouloir correspondre à un moule de bienséance. Voila pourquoi je réalise aujourd’hui une chose importante : jamais, au grand jamais je ne pratiquerai l’auto-censure. Charb nous l’a dit. Il aurait préféré mourir debout que vivre à genoux. Alors en son honneur, en l’honneur de tous ces malheureux, morts pour la vie de notre liberté, je continuerai d’affirmer ma pensée, qu’elle plaise ou non, qu’elle choque ou passe inaperçue. Mes sentiments face à ces jours mouvementés sont multiples. Il y a tout d’abord la tristesse et le désespoir de voir que le symbole sur papier de la liberté d’expression ne sera plus jamais identique à ce qu’il était. Les plus grands nous ont quittés. Vient ensuite le dégoût de ces personnes qui confondent des notions religieuses et politiques et qui ne maîtrisent absolument pas les sujets dont ils se permettent de parler. Enfin, c’est un sentiment de fierté patriotique qui émane de mon âme. Et dieu sait si la patrie s’étend au monde entier. L’émotion est très certainement vive en France, mais moi, belge, je peux vous assurer que la tristesse et l’émoi sont tout aussi présents dans l’air du Plat Pays. Et c’est ce qui rend le monde beau. Se serrer les coudes en temps de crise, s’entraider, se rappeler que l’on s’aime quand on en a le plus besoin. Socrate disait que nous étions chacun citoyen du monde. Aujourd’hui, les citoyens mondiaux qui partagent ma douleur m’ont aidée à savoir que je n’étais pas seule et que l’on surmonterait tous ensemble cette épreuve. Merci à Charlie Hebdo de m’avoir inculqué des valeurs fondamentales à ma vie. Merci aux dessinateurs de n’avoir jamais dévié de leur pensée pour plaire à une majorité. Merci à eux d’avoir été les perpétuels révolutionnaires de notre monde. La liberté est plus forte que la mort. Je suis Charlie.
Sofia Touhami
On ne comprend pas forcément. On ne réalise pas. Mais on est tous abattus. Surtout, il ne faut pas céder à la haine, à la violence et encore moins à l’amalgame. Il ne faudra jamais oublier pourquoi ces douze personnes sont mortes. On leur doit au moins ce devoir de mémoire. Et on doit continuer à s’exprimer, librement, fermement, avec respect, pour continuer à défendre notre liberté, celle de la presse et celle de l’expression. Pour eux, pour nous et pour les générations à venir, car rien n’est jamais acquis.
Philippe Husson
Maman, j’ai mal. Plus de 24 heures après le drame, je ne résiste pas, je me sens mal, vide et éreintée. Pourquoi je suis née dans un monde pareil, maman ? Dis-moi, je ne comprends pas. On est le 8 janvier 2015 et hier, des gens sont morts pour avoir fait rire. Mais maman, faire rire, ce n’est pas un crime si ? Je pense à leurs familles et j’ai mal. L’autre jour, j’énumérais des métiers à risques. Aujourd’hui, je dirais journaliste. Je dirais dessinateur. Et je dirais aussi agent d’entretien. Je suis blessée parce que des ignorants ont pris la vie de gens intelligents, des gens qui savaient rire des choses dont on ne rit pas. Je suis blessée parce qu’aujourd’hui le mot « attentat » résonne dans ma tête. Je suis blessée, je suis meurtrie, parce que je souhaite devenir journaliste. Et ce n’est pas ça être journaliste. On ne risque pas sa vie en étant journaliste, normalement. C’est pas ce qu’on m’a dit moi, ce n’est pas ce qui est écrit dans les livres d’orientation. Je ne crains pas pour ma vie, mais je crains pour ma liberté, maman. Pourquoi je suis née dans ce monde maman ? Si le monde d’aujourd’hui, c’est celui-là, alors je n’ai pas envie d’y vivre. Je regarde les infos, et je n’arrive pas à retenir mes larmes. Je ne peux pas m’empêcher de penser à tout ça. Maman, tu sais comme je suis pleine de vie, mais aujourd’hui je suis remplie de mort. J’aurais aimé en me levant ce matin, que tout ça ne soit qu’un terrible cauchemar. Quand mon réveil a sonné, j’ai écrit ces quelques lettres « charlie hebdo » dans le moteur de recherche. Naïve, je pensais qu’ils avaient réussi à arrêter les assassins. Assassins, ce mot fait si mal. Hier, c’était le début d’une apocalypse. Je ne sais pas pourquoi je suis si mal maman, je ne sais pas si c’est pour la mort de ces gens, pour la blessure de la liberté ou pour cette prise de conscience sur la bêtise humaine. Ils parlent tous de religions, mais maman, je sais qu’ils ont tort, j’aimerais le leur dire. Cette attaque est le début d’une longue liste, je le sais, je m’en rends compte. Combien de mosquées seront ravagées ? Combien de policier-e-s seront tué-e-s ? Combien de gens vont encore mourir, souffrir, périr ? Je vois toutes ces phrases, plus belles les unes que les autres, fleurir sur les réseaux sociaux : « Ils ont voulu tuer Charlie Hebdo, ils l’ont rendu immortel », « 12 morts, 66 millions de blessés », « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang ». Maman, je lis toutes ces phrases, et je me dis qu’il est trop tard. Le mal est déjà fait. Cet attentat, ce n’est pas seulement la mort de personnes, c’est aussi la mise à mort d’un journal. Maman, pourquoi ils font ça ? N’ont-ils pas compris combien les médias sont importants ? N’ont-ils pas compris que ce que faisaient ces gens, ce n’était pas mal ? N’ont-ils pas compris que leurs dessins n’étaient pas qui ils étaient ? Pour beaucoup, Charlie Hebdo était islamophobe, homophobe… Peut-être. Mais il s’agissait de Charlie Hebdo. Pas de Stéphane Charbonnier. Pas de Jean Cabut. Pas de Georges Wolinski. Pas de Bernard Verlhac. Pas de Philippe Honoré. Pas de Bernard Maris. Pas d’Elsa Cayat. Pas de Mustapha Ourrad.
Pris pour cible au siège même de leur rédaction, un vrai carnage comme l’écrivent si bien les journaux. Ils sont morts dans la dignité, mais surtout dans le respect de toute une France endeuillée. Mais je pense aussi à toutes ces victimes dont on ne parle pas, dont on parle moins. Michel Renaud, invité à la rédaction ce jour-là, Frédéric Boisseau, agent d’entretien, Franck Brinsolaro, un policier qui assurait la protection de Charb, et Ahmed Merabet, policier abattu de sang-froid, tristement connu pour être au cœur d’une vidéo effroyable.
Maman, j’ai vraiment mal. Je me sens vide, je me sens déshumanisée, je ne me sens plus. Certains disent qu’il y avait la France avant ce 7 janvier 2015 et qu’il y aura la France d’après. Je crois que j’étais quelqu’un avant ce 7 Janvier 2015, et que je serai quelqu’un d’autre après. On peut mourir pour la liberté ? Il faut croire que oui. Mais maman, je prends la liberté d’écrire, je me bats pour cette liberté d’expression, trop souvent bafouée, et j’écris comme je l’écrirai encore : Vive la liberté.
Amélie Coispel
Quelques mots paraissent bien dérisoires pour exprimer la douleur face à cet attentat à l’encontre des valeurs républicaines et de la vie de journalistes courageux et investis. Après ce lâche attentat, en tant que journalistes-amateurs, nous ne pouvons répondre que par une seule chose : nous continuerons sans relâche par la satire et d’autres moyens d’expression à défendre la liberté d’expression en France, la plume au poing.
Emma Pellegrino
A l’aide de l’humour, Charlie Hebdo voulait transmettre pacifiquement un message pour la défense de la liberté. Quand on a tenté de les faire taire, la France s’est levée comme un seul homme. Sûrement la meilleure réaction… Ces héros du crayon n’aimeraient pas nous voir pleurer alors qu’ils faisaient tout pour nous faire rire aux éclats.
Arthur Sautrel
Il y a des choses que même des armes ne peuvent pas tuer. Des hommes ont été abattus pour avoir eu de l’humour, du talent et de l’audace, triste jour. Je suis Charlie.
Julia Ctn
On ne sait quoi dire après ce qui s’est passé hier. Soutien à tous bien sûr, mais surtout aux proches des victimes et à la rédaction de Charlie Hebdo. C’est dans ces moments-là que, plus que jamais, il faut être fiers de ce qu’on fait, fiers de faire partie du monde du journalisme.
Thomas Sanchez
Il y a comme un goût de cendre. Un goût de cendre dans l’air. Flottant, il pénètre par tous les pores de notre peau. Que dire ? Que dire de plus que ce que l’on sait déjà ou que l’on ne s’ose s’avouer ? Cela serait trompeur à mon sens de considérer cet événement comme un « accident », au contraire, ce genre d’horreur manifeste le baromètre de la santé de la société actuelle. Alors restons vigilants, car aucune liberté n’est jamais acquise, c’est un combat quotidien.
Les attentats terroristes sont devenus les nouvelles tragédies urbaines contemporaines. Dans l’absolu, il faudrait une minute de silence tous les jours pour tous les crimes et les douleurs du monde, et surtout à l’adresse de ceux dont la presse ne parle pas ou peu, la pire : l’horreur banalisée, déjà acquise, comme celle qui déchire les pays en guerre. Si le soleil pleure et que le jour est noir, il est notre devoir de ne pas laisser la haine triompher de l’amour. Ce sont dans les périodes de crise que la flamme de l’humanité elle, a le plus besoin de nous tous.
Alors, ici et là, partout à travers le monde, tâchons d’être ses gardiens.
Lisha Pu
Chers douze, vous êtes partis trop tôt. Vous avez été des personnes incroyablement courageuses. Vous avez été de belles personnes. Et vous n’êtes pas morts en vain. Ils ont voulu tuer Charlie Hebdo, mais à la place, ils ont fait se lever les Français, et avec eux, des milliers de personnes partout dans le monde. Ils ne nous auront pas. La liberté d’expression est une liberté fondamentale et ils ne pourront pas nous l’ôter. Nous continuerons de nous exprimer, de publier nos opinions, nos sentiments. Nous le ferons avec encore plus d’ardeur qu’auparavant : pour Charlie Hebdo, pour vous. Je suis Charlie. Nous sommes tous Charlie.
Marie Puzenat
Tu te lèves en pensant que ce sera “moins pire”, que la nuit et le sommeil auront joué leur rôle antalgique. Mais ta tête chauffe encore de la folle journée d’hier : quand l’esprit est blessé, il faut laisser faire le temps.
Les Unes des journaux à la gare forment un monochrome de deuil, qui rompt brutalement avec le kaléidoscope d’usage. Ces Unes sont collector : tu voudrais toutes les acheter pour ne jamais oublier. Et en même temps, tu voudrais pouvoir oublier.
Dans les wagons les regards s’interrogent. L’innocence est brisée. Les mines du matin sont devenues des mines de chagrin et personne n’apprécie aujourd’hui la beauté dévastée des vignes sous le givre à la fenêtre. Elle fondra. Notre colère jamais.
Plus loin dans le temps, la cafétéria est silencieuse. On se passe le Midi Libre du jour, froissé par les lectures successives et frénétiques. On le lit sans mots, d’une traite, en sachant ce qu’on va lire. On est horrifiés. Certains ne vont pas au bout de la lecture et découvrent qu’envoyer valser le journal ne modifie pas le passé.
Puis vient la minute de silence. La foule fait bloc : c’est le talent qu’on a tué, ce sont tes clowns – nos clowns – qui sont devenus des martyrs avec ceux qui les protégeaient. La foule se disperse après soixante secondes sur un vibrant “merci pour eux” coincé dans une gorge.
Il faut bien continuer à vivre, c’est la plus belle des nécessités. Mais tu sais en t’éloignant que ce ne sera plus pareil.
Le sol de nos villes se parent de mausolées de fortune. Hier, le ridicule a côtoyé l’horreur et la colère avant que la tristesse ne recouvre le tout. Tu sais que ce ne sera plus pareil, et tu rentres dans la librairie : un dessin de Cabu, sans doute exécuté d’un trait, peut-être en moins de temps qu’un tir de Kalash, t’attire l’œil, au mur, fier, fougueusement collé. Trois pin-ups, une légende “À Montpellier les filles sont les plus jolies”, de mémoire quelque chose comme ça. Tu approuves le message de cet homme tué la veille.
Quel hommage lui rendre ? Quel hommage leur rendre ? Tu te dis qu’ils aimaient la vie, cette plus belle des nécessités qui te fait te répéter. Ils aimaient la vie, ils aimaient l’amour.
Ils aimaient la vie, alors vivons !
Basile Imbert
Il est avant tout nécessaire pour chacun d’entre nous de se rappeler qu’on ne peut répondre à la colère par la colère. Ce serait même la ruine de l’ensemble du travail qui fut fourni, une grande partie de leurs carrières, par les journalistes assassinés mercredi à la rédaction de Charlie Hebdo. Je tiens à encourager tous les journalistes, correspondants, dessinateurs, caricaturistes, artistes à continuer leur travail de la manière la plus honnête possible. Le geste de ces trois hommes est incompréhensible, brutal et froid. Pourquoi ces trois hommes en arrivent là ? Quel est leur parcours, quelles rencontres ont-ils faites ?
À tous les niveaux, les événements du 6 janvier impliquent de profondes remises en question. Ils ne sont pas nés monstres. Ils sont à mon sens le produit du repli, de la peur, des stigmatisations. Leurs actes sont bien sûr inexcusables. Mais ils ne nous feront plus peur. Je voudrais citer Hassen Chalghoumi, Imam de Drancy : « On ne répond pas à l’encre par le sang. » Pour garder espoir, souvenez-vous d’une chose : le message de tolérance et d’égalité pour lequel se sont battus ces journalistes peut changer le monde, car il peut changer la vision des citoyens. En toute humilité, mes pensées sont tournées vers les familles de toutes les victimes de Charlie Hebdo, ainsi que celles des policiers, victimes collatérales de la folie d’une idée.
Jérémy Trombetta
Le 7 janvier 2015, des hommes encagoulés assassinaient le rire à la kalash.
Des hommes perdus, ostracisés, qui avaient trouvé dans le terrorisme l’expression de leur haine à l’égard de l’humanité.
Des hommes qui, déçus par la vie, partirent en croisade contre ses principes les plus absolus.
Des hommes qui tuèrent au nom d’un dieu qu’ils n’avaient pas écouté, rendus sourds par la rancœur.
Des hommes témoins d’une société gangrenée par elle-même.
Des hommes témoins d’un monde malade.
Des hommes ? On peut se demander s’ils l’étaient encore.
Pablo Moreno
Au début, je ne savais pas trop quoi dire. Puis je me suis dit : “Putain, c’est pas normal.” Non, ce n’est pas normal ni admissible de tuer pour une pensée. Non, on ne doit pas réagir de la sorte. Car oui, nous sommes souvent en désaccord les uns avec les autres, mais non, on ne s’entre-tue pas pour autant. Demain j’irai pleurer sur leurs tombes mais jamais je n’irai tuer, assassiner de sang-froid des personnes sous prétexte que leur discours ne me plaît pas. Non, Mahomet n’a pas été vengé et oui, vous méritez d’être punis, vous, les assassins, vous qui avez encore une fois raté votre coup. Vous deviez penser que Charlie allait mourir avec son équipe. Eh bien non ! Non, nous ne vous laisserons pas détruire ce qu’il nous a fallu, à nous peuple libre, bien trop longtemps à construire. Oui comme vous nous nous sommes battus, mais notre bataille n’était pas sanglante. Nous nous sommes battus pour notre liberté, pas seulement en tant qu’êtres, mais en tant que peuple. La liberté de la presse, de pensée sont plus fortes que ces armes froides et ternes. En tuant ces hommes et femmes vous en avez fait des Martyrs de la Liberté, car oui, nous sommes la France, oui, nous sommes la Liberté et oui, nous sommes Charlie !
Hugo Lamare
Un événement tel que l’attentat de Charlie Hebdo survenu le 7 janvier est bien difficile à vivre de l’étranger. Il est déjà compliqué de mettre des mots sur ce que l’on ressent en français, alors quand un ami étranger vous demande pourquoi vous pleurez il est encore plus difficile de l’expliquer dans une langue qui n’est pas la vôtre. Cependant, même si ces amis ne sont pas toujours atteints de la manière que nous pouvons l’être, citoyens français, ils sont aussi mobilisés pour défendre la liberté de la presse, la liberté de penser, de rire, et pour soutenir Charlie Hebdo. Il faudra bientôt remplacer les larmes de tristesse et de colère par les larmes de joie et de rire. Ils ne nous auront pas. Le dessin, le rire, la liberté de pensée sont aujourd’hui nos plus belles armes. #JeSuisCharlie
Aude André
Elles pressent sans faiblir le garrot et la plaie,
Ces mains sans couleurs, anonymes et précieuses,
Elles retiennent les flots inondant le pavé,
Le sang de la France et de la liberté.
Parce qu’on a cru peut-être pouvoir briser le géant
On a coupé ses mains, troué son corps et craché sur sa face,
Mais derrière chaque coups portés, il y avait un enfant,
Un esprit juste né et de la vie garant.
Aujourd’hui c’est une même idée dans mille corps déployés,
Une hydre géante, impossible à tuer.
Bien des mains assassines pourront essayer,
La France, toujours, sera Liberté !
Marine Roux
Vous aussi, rendez hommage à ces hommes de liberté en leur adressant quelques mots, eux qui nous en ont adressé tant !