CINÉMA

Exodus, Gods and Kings – Vrai péplum ou farce biblique ?

Adapter l’Ancien Testament à l’écran, c’est tentant… Dès les premières lignes, on y entend parler de frères qui s’entretuent, de déluge apocalyptique, de jugements divins fatals, bref, tout ce qu’il faut pour faire un bon blockbuster. Et qui peut mieux nous raconter tout ça que ce cher Ridley Scott, grand maître des sensations fortes ? Le dernier film de Scott n’a pourtant pas fait l’unanimité et a d’ailleurs été interdit, au nom de valeurs religieuses et politiques, dans les salles de trois pays au Moyen-Orient.

Ramsès et Moïse, deux princes de l’Egypte ancienne ont été élevés tels des frères depuis leur naissance. Un jour Moïse apprend son appartenance au peuple hébreu, esclave de l’Empire égyptien depuis quatre siècles. Dénoncé, il est exilé dans le désert de Madiah, où il rencontre un messager de Dieu qui lui ordonne de retourner à sa terre natale et de libérer son peuple.

Quand on voit que l’eau du Nil n’est plus changée en sang par l’opération du Saint Esprit mais résulte d’une fringale géante d’alligators enragés, on a plus envie de rire qu’autre chose, non ? A l’identique de Ridley Scott, le conseiller du pharaon livre sa propre interprétation des fléaux qui ravagent les rives du Nil. Selon lui, elles ne seraient pas le résultat prodigieux d’une colère divine mais plutôt le produit d’une sorte de chaîne alimentaire exubérante. Faire de Dieu un petit garçon capricieux, qui hurle sans arrêt et ne sort jamais sans sa théière nous fait un peu douter du sérieux du cinéaste.

Certes ce péplum pourra indigner et horrifier les puristes. Mais en vain, car Ridley Scott propose ici un film complètement athée, affranchi de toute valeur religieuse, et à trop insister sur le caractère blasphémateur d’Exodus, on risquerait de se priver du plaisir d’un bon péplum comme on les aime. Ridley Scott ne s’est pas contenté de réécrire directement l’Ancien Testament. Sa caverne d’Ali Baba à lui, c’est son imagination et le résultat plutôt perché surpasse de loin les tribulations bibliques.

L’Empire de Pharaon : bling-bling ou sublime ?

L’Egypte d’Exodus n’a rien à voir avec l’ambiance guillerette et malicieuse de celle d’Hubert Bonisseur de la Bath dans OSS 117. Le ciel qui mange la moitié de l’écran tout au long du film est décliné dans les tons les plus glauques. Dans l’esprit de l’Ancien Testament, les forces divines ont toute leur place dans la nature et les sublimes images de synthèse d’Exodus réussissent avec brio à illustrer cette idée, comme si la modernité permettait de réconcilier le monde mythologique avec la rationalité de l’homme d’aujourd’hui.

Comme un air d’Isengard

On devine sans peine la dimension politique du film. Le parcours de Moïse est une lutte pour la liberté et contre la démagogie. Classique. Cependant Ridley Scott se permet aussi de développer des sujets très actuels. Citons entre autres la colonisation israélienne en Jordanie et les détournements d’argent massifs des dirigeants politiques.

Les plans larges en plongée sur les chantiers du nouveau palais de Pharaon ont quelque chose de tout à fait comparable à ceux de l’Isengard de Saroumane dans le second volet du Seigneur des anneaux. Ça fourmille, ça sue, ça pue… Seulement, là, il n’y a plus les gentils elfes pour adoucir ce monde hostile.

Délit de faciès

Certes, deux ou trois figures féminines apportent un peu de couleur et de romance au tableau. Cette fonction est notamment donnée au visage de Séphora, décliné en une ribambelle de gros-plans. On comprend d’ailleurs pourquoi l’actrice Maria Valverde a gagné en 2005 le prix du plus beau visage espagnol. Sera t-il possible un jour de voir dans un péplum une femme qui ne soit ni résumée à ses desseins, ni une potiche écervelée, ni une déesse castratrice hystérique ? Mais ce n’est pas le seul personnage qui excite nos nerfs de spectateur. Ramsès, avec sa figure de bébé bouillonnant sur le point d’exploser mais qui reste mou comme une chique quoiqu’il arrive, n’est vraiment pas le personnage le plus réussi du film. Seul son maquillage lui donne cet attrait un peu méchant qu’il ne mérite même pas. On voudrait le détester, mais on ne peut que lui tendre une lingette démaquillante.

« It’s Big » : voilà le commentaire de l’architecte de Ramsès lorsque celui-ci présente la maquette de son palais surplombé d’une gigantesque statue, un genre de Colosse de Rhodes à l’Egyptienne. Cette remarque qui jette un froid sur l’assemblée royale semble pourtant bien résumer Exodus. C’est gros, c’est même un poil mégalo. En somme, c’est du bon Ridley Scott.

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