MUSIQUE

Rencontre avec Cabadzi

Découverte du Printemps de Bourges en 2010, le groupe nantais Cabadzi vient de dévoiler son nouvel album  “Des angles et des épines“. Formé à partir des arts de la rue et du cirque en 2009, ce groupe singulier avait déjà frappé en 2012 avec son premier album “Digère et Recrache“, peignant le portrait d’une violence sociale suffocante. Surfant sur la vague spoken word, le groupe nous offre dans leur nouvel album une histoire qui se déroule et décline tour à tour des thèmes sombres et des réalités poignantes au fil des morceaux. Armé de mots et de textes saisissants, Cabadzi poétise et sublime dans cet album une inextricable douleur. Angoisses et déchirements trouvent ici un détroit à la fois pernicieux et clément. A l’occasion de la sortie de ce nouvel album et du clip du morceau “Féroces Intimes”, Lulu, auteur et interprète des textes de Cabadzi, a accepté de répondre à nos questions.

Peux-tu nous présenter Cabadzi ?

Un rassemblement d’angles et d’épines, un agrégat de mathématiques et de sauvageries.

Dans votre dernir album, au fil des morceaux, on a l’impression que vous voulez nous racontez une histoire, que les morceaux se suivent. Pourquoi ce choix ?

A la base, je m’étais mis au défi d’écrire un album-roman. J’avais envie d’un truc cohérent de la première à la dernière seconde, que l’auditeur ait l’envie d’aller jusqu’au bout, quoi. Et puis, confronté à la réalité de la mise en musique, je n’ai pas pu mettre tous les textes que je souhaitais, l’album aurait duré des plombes et ça aurait été sûrement très chiant. Je n’ai gardé que ceux qui me plaisaient vraiment, même si ça créait des trous dans l’histoire. C’est pour ça qu’un côté narratif se dégage de l’album. C’est pour ça aussi que la « tracklist » est un texte et non une suite de morceaux.

Vous vous êtes formés à travers les arts de la rue et du cirque. Est-ce que cela a une quelconque influence sur vos prestations live ou vos clips à l’esthétique particulièrement soignée ?

Je ne sais pas vraiment, ça transperce sûrement. Pour les live, c’est surtout que l’on n’a, bizarrement, pas envie du tout de refléter la noirceur de notre musique sur scène (ce serait imbuvable) et que, malgré le côté « sad » de ce qu’on fait, on a envie d’échanger avec les gens, de passer avec eux un bon moment, de déconner. C’est une sorte d’exutoire, la scène.

Pour les clips, c’est comme pour les objets que l’on sort, on aime beaucoup les belles choses, bien finies, bien soignées, alors on essaie de faire de même avec les vidéos, dans la mesure de nos moyens.

Vos sonorités oscillent entre le hip hop, le slam et la musique acoustique : où puisez-vous vos influences ?

Dans ce qu’on écoute, et la palette est hyper large. On est vraiment fan de musique, on aime quand ça joue, quand on entend les vrais instruments quoi, bien groovés, mais on aime aussi quand ça tape fort. D’où ce mélange entre culture rock électro et musique acoustique. Pour résumer, ça nous dérange pas d’écouter un orchestre de chambre le matin et Die Antwoord le soir.

Vous avez accueilli un nouveau membre dans le groupe depuis le deuxième album. Est-ce que cela a foncièrement modifié quelque chose musicalement ?

On a réalisé l’album à trois, mais on accueille pour la tournée deux nouveaux musiciens, tous les deux cordistes classiques. C’est une envie qu’on avait depuis longtemps. On trouve ça vraiment beau d’avoir de vraies cordes sur scène. Et vu qu’ils sont multi instrumentistes, ça nous permet également d’avoir des harmonies de cuivre sur scène, de la basse, etc… Pour l’instant, ça n’a pas modifié notre façon de faire les choses, ça a juste décuplé nos possibilités en live.

Votre musique tourne autour des thèmes de la violence sociale. Un autre groupe qui a connu une rapide popularité, Fauve, fonctionne autour de la même problématique. Que pensez-vous de ce collectif ? Qu’est-ce qui vous différencie d’eux, vous singularise ?

On a beaucoup de respect pour ce qu’ils font, après, on a vraiment pas l’impression d’être de la même culture, du même milieu, et je pense que ça transparaît dans ce qu’on fait. Les thèmes sont peut-être plus âpres chez nous, c’est peut être plus « intérieur » ce qu’on fait.

Est-ce que vous vous considérez comme un groupe engagé comme on l’entend parfois ?

On a vraiment du mal avec l’étiquette « groupe engagé ». Personnellement, j’ai toujours été déçu par les « groupes engagés », parce que la réalité rattrape toujours l’idéal, et que bâtir une espèce de « morale » revient toujours dans la face de celui qui l’a édictée. J’ai juste l’impression de parler du réel en fait, et je ne veux pas être pris en exemple. Je ne suis pas un exemple, juste quelqu’un qui donne sa vision sur le monde. Je ne demande pas à ce qu’on y adhère, j’ai juste envie qu’on l’écoute. Après, on en fait ce qu’on en veut…

Vous venez de Nantes, ville où l’on trouve une véritable richesse musicale. Vous sentez-vous appartenir à cette scène nantaise malgré votre singularité musicale ? Que pensez-vous du dynamisme musical qu’on trouve dans cette ville ?

Pour nous, il y a plein de scènes Nantaises qui vont de C2C à Dominique A en passant par les VonPariahs. Alors oui, on en fait partie. C’est une ville qu’on aime beaucoup, où il est assez facile de faire émerger son projet, sûrement grâce à Trempolino et au maillage de salles « musiques actuelles ». Toute la région est dotée d’équipements, de festivals, d’initiatives, bref, il y a une vraie vie musicale. On a l’impression d’y découvrir un nouveau groupe toutes les semaines, c’est vachement agréable.

Après la censure sur Youtube du clip « Digère et recrache », avez-vous envie de refaire des clips provocateurs ?

On a l’impression de faire un clip provocateur à chaque fois. C’est un « ton » que l’on aime beaucoup, qui est présent dans les textes, dans les musiques. Quand on fait le clip de “Le Bruit des Portes“, qui raconte l’auto-enterrement d’un homme, on est aussi dans la provoc’. Comme pour le clip de “Cent Fois” où c’est juste un môme qui danse dans les dunes et qui raconte, en dansant, l’histoire d’un condamné à mort, c’est, dans le fond assez provoc’. C’est pareil pour “Cancre” qui raconte une chasse à l’homme, ou pour celui qui va sortir dans quelques jours pour le morceau “Féroces Intimes”, où l’on découvre deux enfants manipulant un adulte… Pour le clip de “Digère“, c’est juste qu’il est très sensuel, donc qu’on touche un peu au tabou du corps… Et donc, oui, on refera sûrement des clips provocateurs, qu’ils soient sensuels ou non !

Votre titre Cent Fois est le générique de l’émission sur France Inter « Si tu écoutes, j’annule tout », présentée par Charline Vanhoenacker qu’on a aussi en interview pour le numéro de décembre du Maze Magazine. L’occasion pour nous de vous demander si vous êtes auditeur de cette émission et si vous l’appréciez. 

Alors oui, on l’écoute souvent, même si ça fait bizarre de nous entendre toutes les 5 minutes. C’est une émission qu’on aime bien, un mélange d’humour et d’actu qui nous est cher. Et je pense vraiment que c’est indispensable d’intéresser les gens au monde qui nous entoure, et si on le fait en s’amusant, d’autant plus.

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