SOCIÉTÉ

Mort de Rémi Fraisse : les leçons à en tirer

On dit souvent des Français qu’ils manifestent pour un rien et ne sont jamais satisfaits. Mais la France possède une véritable culture de la manifestation, de la liberté d’expression et de la démocratie. Rémi Fraisse est le premier manifestant tué en France depuis 1986.

Rappel des faits

Dans la nuit du 25 au 26 octobre dernier, Rémi Fraisse, un jeune homme de 21 ans, manifeste avec des proches contre le barrage de Sivens dans le Tarn. Selon les dires de son amie, après avoir passé la journée auprès des pacifistes dans une ambiance de fête, il a décidé de se rendre sur les lieux des affrontements, un peu plus éloignés. Il a alors crié « Allez, il faut y aller » en courant, avant que les forces de l’ordre ne tirent. Ses proches ont ensuite cherché à le retrouver avant d’apprendre le lendemain son décès. L’autopsie a révélé qu’une grenade offensive a tué le jeune manifestant.

Le silence de l’Etat

Les conversations des gendarmes pendant les événements ont été publiées par Le Monde le 12 novembre et ont révélé que ces derniers ont d’abord cru que la victime était simplement blessée. Puis affolé, l’un d’entre eux annonce « Il est décédé, le mec ! Là, c’est vachement grave… Faut pas qu’ils le sachent ! ». « Ils » étant les manifestants, dont une partie était déjà agressive et très irritée par la présence des forces de police. Les gendarmes ont donc rapidement pris conscience de la gravité de la situation  et de la mort d’un homme. Mais le gouvernement a mis plus de 48 heures à réagir… Selon Médiapart, le gouvernement savait tout depuis le début. Mais Manuel Valls, François Hollande et Ségolène Royal ne se sont exprimés que le 28 octobre. Ont-ils cherché à « feindre l’ignorance » et « minimiser le drame » comme l’avance le site d’information ? Si c’est vrai, si le gouvernement a couvert le gendarme, c’est extrêmement grave. Si la même chose avait eu lieu sous un gouvernement de droite, la gauche en opposition n’aurait-elle pas crié au scandale ? Oui, elle l’aurait fait et aurait eu raison, car c’est extrêmement grave. Alors pourquoi la gauche au pouvoir garde-t-elle le silence ? Christiane Taubira, Garde des Sceaux, s’est indignée en apprenant que le policier ayant abattu le jeune américain Michael Brown à Ferguson ne serait pas poursuivi en justice. Mais y aurait-il deux poids de mesure ? La mort d’un innocent, jeune militant écologiste, en France n’indigne-t-elle pas aussi la ministre ? Une enquête doit aussi avoir lieu en France, car il y a mort d’homme. Cela ne veut pas dire qu’il faut aveuglément accuser et condamner le gendarme qui a lancé la grenade qui fut fatale au jeune homme ; c’était peut-être un accident. Mais il faut chercher à savoir la vérité. Quand on dénonce les crimes des autres, on ne cache pas les siens. Le 13 novembre, Bernard Cazeneuve a annoncé l’interdiction des grenades offensives et le durcissement des modalités d’emploi des gaz lacrymogènes. Des mesures qui semblent superficielles.

Les manifestants

Des manifestations ont eu lieu à travers toute la France. On peut distinguer les manifestants « convaincus », qui ont manifesté pacifiquement et pour défendre leurs idées et leurs valeurs. Les « professionnels » de la manifestation, qui sont de toutes les manifestations, toujours en opposition mais qui le font pacifiquement. Des activistes, des syndicats et des partis politiques étaient ainsi présents. On retrouve aussi des lycéens, qu’on peut accuser de vouloir tout simplement « rater les cours » – et c’est vrai seulement dans certains cas. Il y a aussi, toujours, des débordements et des violences provoquées par des casseurs. « Autonomes », « antifascistes » : loups solitaires ou membres de partis extrémistes, ils sont de toutes les manifestations. Leur objectif ? « Casser du policier ». Ils sont armés, cagoulés et attaquent les forces de l’ordre sans hésiter. Chaque manifestation leur fournit un prétexte et une occasion de vomir leur violence, en venant se greffer aux autres manifestants. Ils décrédibilisent parfois ces derniers, mais peu leur importe, ils veulent de la violence. Ce phénomène n’est pas nouveau. Mais il est d’autant plus scandaleux quand il y a eu mort d’homme et que la famille de la victime a demandé des manifestations pacifiques.

Secrétaire générale de la rédaction du magazine Maze. Provinciale provençale étudiante à Sciences Po Paris. Expatriée à la Missouri School of Journalism pour un an. astrig@maze.fr

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