Voila maintenant six ans que l’oiseau rare – mais surtout talentueux – Paul Regimbeau sillone les cieux de la techno française, à coup d’envolées éléctroniques et de sorties toutes plus remarquées les unes que les autres. Mais en six ans, le ‘volatile’ a eu le temps d’évoluer, passant du hibou bleuâtre et torturé de Rising Doom, album frénétique et poétique, signé sous son nom habituel Mondkopf, à son dernier projet, sobrement intitulé « I », inauguration de son alter ego Extreme Precautions, et qui quant à lui se verrait plus attribué la couleur du corbeau, première escapade du toulousain dans l’obscur monde du grindcore.
Mélange expérimental d’industriel et de métal, « I » est peut-être le prétendant au titre d’album ovni de l’année en cette fin novembre, s’amusant à appréhender tous les tréfonds d’un genre exploré par l’artiste de part en part : la techno, ici sous ses formes les plus surprenantes et suppliciées, l’éloignant des critères esthétiques habituels.
Poursuivant la longue exploration auditive et musicale qu’il avait entrepris dans son dernier LP Hadès, le jeune fondateur – du reconnu et ô combien intéressant label In Paradisum (Somaticae, Qoso, Insiden..) – nous propose ici un LP de onze « untitled », tous composés en l’espace d’une semaine à peine, d’une brutalité à la limite de l’agressif.
L’artiste emprunte ici le même chemin qu’esquissaient ses dernières sorties : celle d’une noirceur chaotique, quasi-dytopsique, dans laquelle l’auditeur est embarqué – de force, mais avec plaisir. Mais là où il s’était arrêté à une ambient (ndlr : genre de musique électronique ayant émergé à la fin des années 1980 au Royaume-Uni) – drone aux nappes puissantes et lentes, à la rythmique que l’on pourrait qualifier à certains moments de « douces » (Here Come the Whispers), le quasi trentenaire décide ici sous son nouveau pseudo de resserrer l’étau ; il n’est plus du ressort de son public de se laisser bercer par sa musique ou non. Extreme Precautions le prend à la gorge, l’agresse, dès les premières secondes de l’album, après la courte entrée en matière de Untitled 1. Violence et destruction sont en effet les mots d’ordre de ce court album, qui peine à atteindre la demie heure en durée – cela n’ajoutant qu’en charme à ce condensé de ‘démence’. Son format est parfait et ne s’épuise pas dans une longueur qui ne ferait qu’enlever à la bestialité de l’oeuvre. Le résultat est prenant, et si l’on accepte de s’y plonger corps et âme génère à chaque réécoute une nouvelle expérience.
Hors de question cependant d’accuser l’auteur d’un « bourrinage » musical. Les montées en puissance incontrôlées sont comme compensées par l’aspect mélodique que révèlent de très beaux morceaux, sous un prime abord de force et de fureur. En attestent les très belles tracks Untitled 7 et Untitled 11.
Voici donc une belle sortie, s’écartant des chemins battus pour cet artiste reconnu, à laquelle on pourrait cependant reprocher une certaine ‘redondance’. Voulu et conscient, ce leitmotiv souterrain apporte au caractère “ambiantieux” du disque. Difficile à l’écoute de cet album de ne pas souhaiter savoir ce que nous réserve Extreme Precautions à l’avenir. Certainement de nombreuses belles pièces, nous sommes prêts à le parier.