SOCIÉTÉ

Des Jeux Olympiques à Paris en 2024 ?

Après plusieurs échecs pour l’organisation des Jeux olympiques de 1992, 2008 et 2012, Paris va-t-il revenir à la charge et poser sa candidature pour les JO de 2024 ? C’est en tout cas le souhait de François Hollande qui a déclaré, le 6 novembre, que “ce serait un moment de ferveur et surtout cela fera plein d’équipements avant, plein d’emplois, plein d’industries qui pourront se montrer”. Anne Hidalgo est loin de partager l’ambition du Président, estimant que rien ni personne ne la fera changer de méthode et de calendrier. La maire de Paris souhaite en effet attendre le rapport de janvier 2015 sur l’étude d’opportunité d’une candidature réalisée par le Comité français du sport olympique. Mais alors, l’organisation du deuxième événement le plus regardé dans le monde est-elle possible en France ?

Les retombées économiques réalisées à Londres depuis 2012 ont sûrement donné des idées aux sportifs et politiques français. En effet, en deux ans, les recettes s’élèveraient à 11,4 milliards d’euros, provenant de contrats commerciaux, d’investissements étrangers et de ventes diverses. Sachant que le coût de ces Jeux a été (officiellement) de 10.7 milliards d’euros, il semble que ce soit une grande réussite au niveau financier. De plus, 31 000 emplois ont été créés pour cette occasion, de quoi donner de l’air au gouvernement britannique sur la question du chômage. Il faut également noter l’aménagement urbain réalisé dans les quartiers de l’est de la capitale anglaise, où de nombreux terrains laissés à l’abandon ont pu être réaménagés en parc olympique. Pour Lionel Maltese, économiste spécialisé dans le sport, “Londres a bénéficié à plein de l’effet JO” grâce à la réflexion qui a été menée en amont : le stade de basket temporaire a été démonté comme prévu, le stade olympique sera occupé par le club de football de West Ham à partir de 2016, le village qui accueillait les 17 000 athlètes va être transformé en 2800 appartements dont la moitié à loyer modéré. “L’idée c’est de s’assurer que les infrastructures auront une utilité durable” assure Lionel Maltese.

Paris a-t-elle une chance ?

La Ville Lumière n’a pas vécu au rythme des athlètes depuis 1924 ! Ce n’est pas pour autant que les infrastructures sportives sont absentes de la capitale. En effet, Guy Drut, membre du CIO, faisait remarquer que Paris ” ne part pas de zéro” : le Stade de France peut faire office de stade olympique, Roland Garros peut accueillir les épreuves de tennis, le Palais Omnisport de Paris-Bercy est en cours de rénovation pour l’Euro de basket de 2015 et les Mondiaux de handball en 2016, le vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines a été inauguré cette année et de nombreux stades sont rénovés ou construits pour le championnat d’Europe de football en 2016. Il ne manque “que” une piscine et un village olympique. Mais des solutions existent ! “Rien n’interdit de bâtir aussi des enceintes éphémères qui seront ensuite démontées” explique Guy Drut. Alors que le logement était un des grands axes de sa campagne municipale, Anne Hidalgo pourrait voir la transformation du village olympique en logements sociaux d’un bon œil.
Les dépenses les plus importantes reposent sur les infrastructures aéroportuaires, routières, ferroviaires et sur l’hôtellerie. Le budget estimé est de 12 milliards d’euros. Une somme conséquente en temps de crise où aucune marge de manœuvre ne semble possible au niveau budgétaire.
Pourtant, les Français semblent plutôt favorables à une candidature : selon une étude d’Uniteamsport, le 10 novembre 2014, 60 % d’entre eux se sont déclarés pour l’organisation des olympiades à Paris, 33 % étant contre et 7 % ne se prononçant pas. Le soutien semble encore plus fort chez les étudiants avec 74 % d’opinions favorables, beaucoup moins réticents que leurs aînés, les retraités, qui sont seulement 49 % à se prononcer en faveur du projet.

Un réel engouement semble naître chez les athlètes eux-mêmes pour accueillir les Jeux à Paris. Tony Estanguet, membre du CIO, explique qu’ “il  y a une vraie envie des athlètes de se mobiliser. Ils prennent la parole, dirigent des groupes de travail, ils ont vraiment envie de s’approprier ce projet, c’est un bon signe.” Actuellement, 12 groupes, qui regroupent 286 personnes dont de nombreux sportifs, travaillent sur une éventuelle candidature.

Des erreurs à ne pas reproduire

Tous les Jeux ne présentent pas le même bilan que les événements londoniens de 2012. Comment ne pas citer les JO d’Athènes ? Ils ont coûté 13 milliards d’euros (ce montant peut varier selon les sources), accentuant la dette grecque et ont précipité le pays dans la crise. Symbole des Jeux Antiques, la Grèce souhaitait offrir des jeux inoubliables. Les organisateurs ont manifestement été un peu trop optimistes sur l’impact de ces olympiades : outre les problèmes de coût déjà énoncés, les recettes directes des JO se sont élevées à peine à plus de 2 milliards d’euros. La fête fut belle, les cérémonies d’ouverture et de clôture de qualité, mais au lendemain des Jeux, la Grèce s’est réveillée avec une sérieuse gueule de bois. Après de nombreux retards sur les chantiers, terminés dans la précipitation, l’Etat s’est retrouvé avec des infrastructures trop importantes pour les pratiques sportives du pays. Aujourd’hui, ce sont 70 % des équipements construits pour l’événement qui sont abandonnés :  l’aéroport centenaire Hellinikon d’Athènes n’a pas résisté à la concurrence de la nouvelle aérogare édifiée pour les Jeux, les stades de softball (un descendant du baseball), de hockey sur gazon ou de beach-volley sont laissés en friche… Ces sports ne comptent pas assez de licenciés grecs, et encore moins de professionnels pour organiser des compétitions dans ces lieux.
Les Jeux de 2004 ne sont pas les plus coûteux : Beijing (Chine), avec 30 milliards d’euros en 2008, et Sotchi (Russie) plus récemment, avec sa facture estimée à 36 milliards d’euros, détiennent la palme des Jeux les plus chers. On peut cependant noter que des dépenses comprises dans les deux budgets ont parfois été mal contrôlées. En effet, pour afficher un beau ciel bleu, et pouvoir respirer un air… respirable, le gouvernement chinois a du dépenser plus de 7.5 milliards d’euros, en mettant en place des mesures de circulation alternée ou de fermeture temporaire d’usines à charbon. En Russie, la construction d’une voie ferrée de 50 kilomètres entre le village des athlètes à Sotchi et la station de Krasnaya Polyana, où se déroulaient les épreuves de ski, a été facturée… 6,5 milliards d’euros, une somme supérieure au budget des Jeux de Vancouver (Canada) de 2010, tous frais compris…

L’Exposition universelle un an plus tard ?

Dans la même interview, François Hollande a également annoncé la candidature de la France pour l’Exposition universelle de 2025 avançant le chiffre de 50 millions de visiteurs au minimum. Pour Jean-Christophe Fromantin, député-maire UDI de Neuilly sur Seine, qui a lancé le projet il y a 18 mois, les candidatures pour les JO et l’exposition universelle ne sont pas concurrentes. Elles pourraient même être complémentaires, apportant une vraie dynamique au pays. Le politique ne s’empêche pas pour autant de défendre “son” projet par rapport à celui des Jeux olympiques : ” Le projet d’une exposition universelle en France me semble plus adapté au défi que le pays doit relever et est un meilleur moyen de mettre en avant son identité et ses atouts. Sans compter que les Jeux olympiques se déroulent uniquement sur deux semaines, contre six mois pour une exposition universelle dont les effets se font davantage sentir sur le long terme. » Pour Eric Azière, président du groupe UDI-MoDem au Conseil de Paris, il va falloir faire un choix : «  A vouloir courir deux lièvres à la fois, la France risque de repartir bredouille », assure-t-il.

La décision finale pour la candidature aux Jeux de 2024 devra être prise avant septembre 2015, alors que 2016 sera l’année charnière pour le projet de l’exposition universelle. Les choix du CIO et du Bureau international des Expositions interviendront respectivement à l’été 2017 et en 2019. D’ici là, le rêve de vivre deux extraordinaires événements, consécutivement, dans une dizaine d’années, peut exister.

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