Les touristes sont partis de cette petite station balnéaire du Sud-Est, il ne reste plus rien de la tempête qui a balayé le littoral, quelques débris, un ciel bleu. Pourtant des vies ont été bouleversées pendant cet orage, des vies anodines qui vont se croiser.
Ainsi débute l’histoire du nouveau roman d’Olivier Adam, où vingt deux personnages se succèdent pour construire une oeuvre de la révolte et du désenchantement, car dans “Peine perdue” l’auteur prend le tournant du roman social, et écrit son dégoût d’une France enlisée dans l’hypocrisie, le racisme, la violence. Une vision toujours habitée des obsessions de l’écrivain, la marginalité bien sûre, la détresse et la volonté de survie. Ici c’est la portait d’invisibles qui se démènent avec leurs petits salaires, leurs problèmes familiaux que dresse Olivier Adam, tous ne brillent pas par l’éclat du bonheur et c’est cette banalité même qui est mise en avant, un désir de montrer ce que personne ne montre, ce que personne ne voit ou ne veut voir, la misère dans un pays de cocagne. Grâce à sa poésie sèche, faite de phrases brèves, nerveuses, l’auteur décrit la douleur et nous invite à regarder dans la direction de l’autre, à travers ces vingt deux personnages, remués d’amour de peur. Seulement, il y a un malaise… là où “Les lisières” et “Le cœur régulier” étaient traversés d’une lumière, d’une beauté du désespoir, ici “Peine perdue” parait plus terne, moins porté par la passion, les personnages d’écorchés vifs n’ont pas la même ampleur, le tranchant des mots et l’infinie délicatesse des sentiments laisse place à un ton plus lourd, les personnages sont dans la violence, l’amour parfois mais aucun n’est porté par la grâce. Et c’est peut être ce qui manque à ce roman, de la grâce, car à vouloir rentrer dans les problèmes concrets, de tous les jours et à écrire la banalité de façon brute, le livre ne parvient pas à retrouver l’âme des précédents romans, la transcendance, comme la colonne de lumière entre les nuages épais. Tout est gris cette fois tout se ressemble, rien n’emerge de la violence ou presque ; l’espoir s’est enfui, l’écriture trop opaque force à constater la triste réalité sans en apercevoir la tendresse ou la beauté. Même la mer n’est plus ce tissu vibrant du cœur, qui battait et déferlait dans les très belles œuvres de l’auteur, et le ciel semble plié sous le poids de la misère, si bien qu’on assiste là à un replis de l’émotion paradoxal quand le sujet est pourtant celui des “vrais” gens. À vouloir dénoncer les stéréotypes Olivier Adam en a créé d’autres, et coule son histoire dans la noirceur, si bien qu’on sent comme un excès dans le drame. Pourtant certains passages retrouvent la poésie sublime du roman “Le coeur régulier”, des moments d’ouverture vers l’espoir, d’humanité mais retombent vite dans la gravité. On ne peut que se raccrocher à quelques brèves éclaircies, moments de douceur et d’humanité ; pour le reste, espoir joie ou issue, c’est peine perdue.