Écrans

Des livres et des jeux

Tandis que les ludothèques ploient sous les nouveaux opus de jeux vidéos que nous apporte cet automne prolixe, nous vous proposons d’observer le monde du jeu sous un nouvel angle, l’angle littéraire. « C’est quoi le rapport ? » vous vois-je déjà rétorquer, et bien pensez-y, un jeu vidéo n’est ni plus ni moins qu’une histoire mise en perspective par des moyens technologiques. Revenir au média premier qu’est le livre -où bien second selon certains cas- peut donc s’avérer absolument fascinant.

Du Stick à la page

Peut-être n’y avez vous prêté que peu d’attention, emporté par le feu de l’action, mais un jeu vidéo repose tout d’abord sur la mise en espace d’une intrigue dans laquelle le ou les héros évoluent, suivant le fil d’un scénario plus ou moins abouti. Les décors traversés qu’ils soient jungle, ville ou désert sont tout autant de descriptions visuelles parfois dignes d’un roman historique d’Hugo comme le révèlent des jeux à la trame vraiment travaillée, comme peuvent en témoigner bien des assassins’ creed (pas tous, nous en convenons !). Traverser les âges, les mondes réels ou imaginaires revient alors à se placer en explorateur, quitte à cingler une myriade de genres différents (survival, fantasy…) pour finalement n’aboutir qu’à une seule et même quête, qu’entame n’importe quel lecteur ou joueur, à savoir, vivre intensément une histoire. Nous vous proposons aujourd’hui de découvrir le pendant littéraire de jeux connus que vous n’avez peut-être jamais feuilletés. Voici un florilège de quatre romans issus du label Milady, qui entretient en plus de livres dédiés à la littérature Bit-lit et à l’imaginaire, un rayon gaming particulièrement fourni.

FABLE – Par les liens du sang de Peter David

Incarner un héros ou une héroïne pour sauver l’Albion des forces du mal, voici en somme l’intrigue principale du jeu vidéo RPG Fable développé par Lionhead et lancé pour la première fois en 2004 sur le marché. Très vite devenu l’une des valeurs sûres du catalogue de jeu de la xbox, l’histoire a désormais son pendant littéraire grâce à Peter David et aux éditions Milady. Auteur prolifique ayant longtemps travaillé dans l’univers des comics, avec entre autres, des collaborations sous l’égide du géant Marvel, Peter David nous livre dans Fable – Par les liens du sang, l’une des possibles histoires qu’aurait pu connaître la bonne terre d’Albion. Basée sur une suite de choix faisant tanguer l’axe du bien et du mal, l’aventure comme le sait qui s’est déjà risqué à affronter les périls qu’elle recèle, ne s’écrit que par la force du libre arbitre du joueur, et à plus forte raison ici, du héros nommé Ben Finn.

Milady - Droits Réservés

Milady – Droits Réservés

C’est avec plaisir que l’on retrouve cet aventurier au sortir de la guerre sans merci qu’à dû mener la ville de Bowerstone pour garder sa liberté et vaincre la terrible menace. Devenu Héros, Ben Finn le rebelle ne peut cependant se résoudre à mener une vie paisible et comblée d’honneurs. Partant où sa bonne – ou mauvaise – étoile le mènera, nous sommes donc conviés à suivre ses nouvelles aventures en nous enfonçant toujours plus dans les terres de l’Albion. A la fois appelé par une soif d’aventure inextinguible et déchiré par le fait de devoir laisser derrière lui sa précieuse alliée Page, Ben Finn s’en remet au destin et accompagné bon grès, mal grès par un gnome absolument infect, va au devant de retrouvailles fraternelles déconcertantes. En ce point, Peter David ajoute des éléments totalement inédits.

L’histoire de Ben Finn et de son frère se dévoile ainsi peu à peu, ménagée par un suspense habile et une plume empreinte d’humour qui ne peut toutefois pas alléger le fardeau qui pèse sur les épaules de William, ce frère revenu d’entre les morts et promis à un destin tragique. Le combat de Ben Finn, autrefois tourné vers la communauté, se concentre alors vers la possible délivrance de son cadet dont la nature, prise dans l’étau d’un sortilège, oscille continuellement entre bestialité et humanité. En filigrane de cette malédiction se dessine l’ombre inquiétante de Reaver, l’industriel assoiffé de pouvoir et d’argent dont il a fallu calmer les ardeurs lors de la lutte pour la liberté de Bowerstone. Pris dans un tourbillon épique, les héros de ce roman vont alors devoir faire preuve de coopération pour parvenir à leurs fins. S’il n’est pas écrit dans un style à en faire pâlir un littéraire, ce roman reste divertissant et plaira sans nul doute aux fans du jeu.

RESIDENT EVIL  par SD. Perry

Développé par Capcom en 1996, Resident Evil fut l’un des premiers jeux de type survival horror à faire son apparition sur les consoles de salon. Constituée de plusieurs opus, la série a connu, et connait encore un véritable essor avec pas moins de 40 millions d’exemplaires vendus à travers le monde. Pour suivre la mouvance d’un tel succès, l’auteure SD Perry est venue fixer les aventures de l’escouade des S.T.A.R.S dans une série de romans dont nous vous présentons aujourd’hui les deux premiers tomes.

Tome 1 – La conspiration d’Umbrella

S’ouvrant par des articles de presse locale relatant les meurtres et disparitions de plusieurs citoyens de la ville fictive nommée Raccoon city, le roman de SD Perry plonge son lecteur dans une atmosphère d’enquête policière très spéciale. Présentant dans un même mouvement l’unité d’élite enquêtant sur le phénomène inquiétant et grandissant de cette tuerie unique, on comprend que des forces étranges sont à l’oeuvre au milieu de ce champ de cadavres à moitié déchiquetés et vidés de leurs entrailles. En effet, le ou les tueurs d’abord appréhendés comme des animaux vont très vite donner du fil à retordre aux agents du S.T.A.R.S (Special Tacticts And Rescue Squads) menés par le charismatique mais mystérieux Wesker.

D’hypothèse en hypothèse, ce n’est qu’en se confrontant à la réalité du terrain que l’escouade policière va comprendre l’ampleur du désastre. Prise au piège dans l’étrange manoir Spencer qui n’est autre qu’un dédale de couloir et de pièces créé par un architecte fou, elle va devoir affronter des monstres et des mort-vivants, victimes d’une fuite de l’effroyable virus T, tout droit sorti des laboratoires expérimentaux de la puissante société pharmaceutique Umbrella Corporation. La narration à la fois vive et sombre correspond parfaitement à l’ambiance du jeu vidéo, à cela près que les descriptions détaillées des monstres rencontrés vous donne le temps d’apprécier toute l’horreur de ces rencontres hors du commun, parfois trop vite survolées lors d’une séance de jeu.

 Tome 2 – La crique de Caliban

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Milady – Droits Réservés

Encore sous le coup du cauchemar vécu dans le manoir Spencer, la fine équipe des S.T.A.R.S tente de reprendre contact avec la réalité et attend anxieusement la décision de sa hiérarchie face au désastre du virus T. Mais force est de constater que la direction tente d’étouffer l’affaire et par le même fait, d’éliminer les témoins de la catastrophe virale. S’ils se pensaient en sûreté, les membres de l’escouade des forces spéciales se trouvent désormais traqués et apprennent l’existence d’un second laboratoire où des expériences similaires à celles du manoir Spencer sont en cours. Similaires, mais encore plus dangereuses pour l’humanité.

Le docteur Griffith, à l’origine du virus T, a en effet continué ses recherches, financé par la société Umbrella, et a mis au jour un virus encore plus performant qui se développe en une poignée de minutes pour infecter la victime, la rendant esclave d’un appétit de chair humaine inassouvissable. Point encore plus frappant cette fois-ci, l’infecté devient un pantin dans les mains du maître Griffith, et une fois armée, devient une véritable machine à tuer. Pour tenter de mettre un terme à cette folie, cinq agents vont infiltrer les laboratoires du scientifique et vont devoir affronter les énigmes et les monstres crées par le fanatique docteur. Pour parvenir à leur fin et détruire une fois pour toute la menace, il ne leur sera accordé que quelques heures, après cela, le virus sera lâché dans le monde et pourra commencer à décimer l’humanité.

Ce deuxième tome reprend le même ton que le précédent : sombre, inquiétant et empreint de suspense. Son défaut le plus sensible, néanmoins, se situe au niveau des fréquentes répétitions des états d’âmes de certains personnages qui semblent au final ne combler que des passages plus lâches dans la trame du roman.

Kings of the Realm – Les moissons de la guerre par Oisin McGann

C’est le coup de cœur de cette sélection de quatre romans. Pour ceux qui n’y auraient jamais joué, Kings of the Realm est un jeu en ligne gratuit, de type MMO développé par Digit Games Studios (Dublin), et qui depuis sa sortie en août 2014, fait un tabac sur le net. Le concept est somme toute assez simple, vous êtes à la tête d’un empire en construction, devez grossir vos troupes et vous protéger des ennemis (orcs et autres rois avides) pour tenter à long terme de devenir LE roi du royaume. Pour ce faire, vous devez enrôler des chefs de guerres appartenant à diverses castes (humains, elfes, changepeaux, nains…) et les entraîner à combattre impitoyablement. Si la trame du jeu est bien tracée pour chaque joueur, il revient à chacun d’écrire son propre scénario en se confrontant aux autres joueurs et en évoluant à son rythme. Cette relative liberté d’intrigue contribue largement à la réussite de la version écrite de Oisin McGann.

Milady - Droits Réservés

Milady – Droits Réservés

Là où le jeu peut paraître froid dans le maniement de multitudes armées impersonnelles seulement dédiées au combat, Oisin McGann s’est ingénié à créer une véritable épopée mettant en scène les différents chefs de combats rencontrés. Créant de toute pièce leurs histoires personnelles, il parvient habilement à relier leurs parcours et leurs espoirs sous une même bannière ; la lutte contre les forces du mal, incarnées par une armée de morts-vivants malencontreusement libérée de catacombes maudites. A l’origine de ce malheur, Giddion Warnock et son avidité exaltée par la possible découverte de la fontaine de jouvence. Mais en ouvrant le tombeau millénaire censé renfermer la précieuse trouvaille, seule la désolation s’offre au valeureux soldat et à ses compagnons, faisant d’eux les premières victimes du génocide futur. La menace éveillée des entrailles de la terre se nomme Amut. Puissante déesse contrôlant des armées de mort-vivants, elle lance ses troupes à l’assaut des vivants pour « moissonner » leurs âmes et se sert des corps morts pour agrandir sans cesse son effroyable armée. Les unes après les autres, les différentes villes et places fortes des royaumes s’effondrent, ne laissant que des champs de désolation derrière elles. Pour espérer défaire ce malheur, les survivants vont devoir s’allier autour d’un objet magique renfermant une puissance méconnue mais convoitée de tous, la dague d’Amut. Risquant sa vie, celle de sa femme enceinte et de ses compagnons de route, Varren Warnock, le frère de Giddion, va se lancer à corps perdu dans cette quête exigeante qui l’emmènera au delà de tout ce qu’il connait et lui fera affronter, comme au reste du groupe, ses démons personnels.

Les points forts de ce roman relativement long (plus de 500 pages) tiennent premièrement en la construction quasi totale du cosmos de l’histoire, que ce soit du point de vue des descriptions très précises sur les lieux de vie et les espaces traversés par les différents héros, mais aussi par les actants ajoutés au scénario de base du jeu : on pense ici au peuple des salamandres qui lui même apporte une réelle nouveauté à l’imaginaire premier. En effet, si Kings of the realm met au premier plan les hommes, ces puissants guerriers, le roman se plait lui au contraire de porter en avant la figure féminine et ce, dans presque toutes les races décrites. Cette répartition des forces entre les personnages permet donc davantage de rebondissements et évite aux femmes des guerriers d’être caricaturées, comme c’est souvent le cas dans les romans de guerre. Un autre point qui mérite d’être salué dans cet écrit est bien évidemment le style de l’auteur qui marie à la fois une écriture sombre et un humour à toutes épreuves. Vraiment, ce roman est une bonne surprise et nous attendons la suite avec impatience !

Maître ès lettres. Passionnée par la littérature et les arts | m.roux@mazemag.fr

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