SOCIÉTÉ

Tous journalistes !

Depuis une dizaine d’années, un nombre important de sites internet, tels que les réseaux sociaux par exemple, se multiplient, permettant aux individus d’être en relation à tout moment. L’émergence de ces derniers et l’accroissement de ses utilisateurs ont permis, entre autre, l’apparition d’un nouveau système d’information et de communication basé sur le partage de données entre internautes. Il s’agit du journalisme participatif et citoyen. Pourquoi citoyen ? Parce que ce système repose sur l’action d’un individu, n’ayant pas forcément de diplôme en journalisme, transmettant à la communauté des actualités, et cela en tant réel. Son implication dans la société et son contact avec l’actualité font désormais de lui un intermédiaire entre une donnée brute et sa diffusion auprès des lecteurs. Le choix du support internet s’est vraisemblablement imposé du fait de sa diffusion en masse de manière simple et rapide. De plus, ce support serait un moyen privilégié pour les rédacteurs d’écrire librement.

Le débat

Le développement de cette nouvelle pratique a fait jaillir un débat autour de sa crédibilité. Le journaliste participatif revendique son indépendance, son impartialité face à un journalisme de masse se calquant sur la ligne éditoriale de son employeur et s’entourant d’élites. Le but est ainsi clairement exprimé : créer un média et des journalistes hors des cadres habituels. De l’autre côté, les professionnels se posent la question de la véracité des informations véhiculées et de la manière dont elles sont traitées. Le débat est tel que la profession craint de voir apparaître “le spectre d’un monde sans journaliste“, comme l’explique Philippe Allienne, dans son article du même nom, dans Le Monde du 11 mars 2007. Ces nouveaux enjeux sont désormais abordés durant les Assises Internationales du Journalisme et de l’Information.

Au cours de la dernière session de ces Assises qui s’est tenue les 5, 6 et 7 novembre 2013, ont été décernées des récompenses à de nouvelles expériences et notamment, le premier prix fut attribué à Enquête Ouverte. L’idée est de faire participer et réagir le lecteur dans l’avancement du projet. Progressivement, il est tenu au courant des recherches et de l’élaboration de l’article. Également primés, Les Voix-Zines. Ce webmagazine fut créé à l’initiative de femmes militant contre la stigmatisation des habitantes des banlieues afin de connaître et comprendre quelles images nous nous faisons des femmes.

À l’origine, les Assises Internationales du Journalisme et de l’Information avaient été créées pour “tenter de définir les conditions de production d’une information de qualité dans la France du XXIème siècle”. Pour se faire, sont organisés des débats publics, des ateliers de formation professionnelle… Désormais, de nouveaux enjeux voient le jour et il est difficile pour la profession d’ignorer ce qu’il se passe en dehors des médias traditionnels. Ainsi, nous pouvons penser que ces initiatives seront à l’ordre du jour durant la prochaine édition des Assises Internationales du Journalisme et de l’Information à Metz les 16, 17 et 18 octobre 2014.

Et les autres projets français ?

Agoravox fut la première initiative française lancée sur le web en 2005 et se dit être “un média 100 % participatif et 100 % citoyen”. On peut également noter l’importance de Rue 89, qui a su, avec l’impulsion de trois anciens journalistes de Libération, se démarquer sur le marché de l’information, tout comme Mediapart. Ce dernier “média à part” invite à “découvrir l’organisation du site, sa partie Journal et sa partie Club. […] Comment découvrir le Journal et ses articles ? Comment participer dans le Club des adhérents ? Comment créer un blog, écrire, insérer photos ou vidéos, comment créer ou rejoindre une édition participative ?”. Le journalisme citoyen et participatif se décline également sur d’autres supports, par exemple à la télévision. Depuis quelques années, on assiste à la multiplication de messages destinés aux citoyens sur les chaînes d’informations en continu. Ces dernières incitent les spectateurs à être acteurs, témoins d’une situation en envoyant des témoignages, des photos ainsi que des vidéos concernant un sujet de l’actualité.

Un secteur en mutation

Progressivement, il y a une diversification de l’offre en matière de projets participatifs : des versions internationales voient le jour, le plus souvent en anglais, et des thèmes sont particulièrement ciblés et abordés. Le portail Vox s’inscrit dans cette dynamique en proposant pour chaque rubrique, un site qui lui est associé. Ainsi on y trouve NaturaVox, concernant la médecine naturelle, l’alimentation et l’environnement, SportVox, CareVox traitant des sujets sur la santé et le bien-être. D’autres initiatives suivent le mouvement, comme Le Plus, appartenant au groupe Le Nouvel Observateur.

Désormais, il apparaît que le journalisme participatif et citoyen ait une double volonté : associer les professionnels et les amateurs autour d’un même travail. Ainsi, obtiendrait-on un système participatif, communautaire, encadré par les normes propres au journalisme professionnel. L’accent est dorénavant mis sur le travail de groupe, plus que sur la différenciation entre professionnels et non professionnels. On imagine alors que dans ce contexte, l’idée d’une disparition de la formation au journalisme, comme le prétendent certains, ne serait plus d’actualité.

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