Deuxième volet de la toute nouvelle franchise du tisseur de toile qui ne fait que confirmer la division du public : hérésie absolue pour certains ; étendard d’un cinéma pyrotechnique cool pour d’autres. Alors pourquoi, à l’occasion de sa sortie ce mois-ci en DVD et Blu-Ray, revenir sur ce film déjà oublié de tous ? Finalement, l’un des intérêts de cette suite est de rendre compte d’une certaine évolution du cinéma Hollywoodien : entre opportunisme et réflexes consternants chers à notre temps.
Panique chez Sony Pictures Entertainment. Alors que le 3ème volet (890 millions de dollars de recettes mondiales) de la saga Spider-Man de Sam Raimi est sorti en 2007, le studio doit à tout prix remettre un film sur les rails avant 2013, s’il ne veut pas que les droits repartent à la maison-mère Marvel. A la suite du départ du projet de Sam Raimi, suivi de Tobey Maguire et Kristen Dunst en janvier 2010 par solidarité, le studio lance alors un reboot de toute urgence. On l’aura compris, la spontanéité artistique est très vite sacrifiée sur l’autel du profit économique à tout prix. Il est alors mis à la tête de ce nouvel opus Marc Webb, réalisateur de la comédie romantique 500 jours ensemble, inexpérimenté à une superproduction de cette envergure. Moyen pour la production d’avoir un plus grand contrôle sur le produit ? C’est alors que The Amazing Spider-Man sort l’été 2012. Sans être un ratage artistique complet, tout juste divertissant, ce reboot peine à justifier son existence. Mais qu’importe, ses 750 millions dollars de recettes sonne le coup d’envoi d’une nouvelle franchise pour le meilleur, mais surtout le pire.
Deux ans plus tard sort le second volet au nom des plus subtils : The Amazing Spider-Man : le destin d’un héros. L’affiche nous le garantit, notre tisseur de toile va devoir sauver la ville de New York, non pas d’un méchant, mais de trois ! Oui, enfin, dans le principe seulement, puisque dans les faits nous avons surtout Electro (Jamie Foxx –Django Unchained ), puis un Bouffon Vert (Dane DeHaan Chronicle) qui a le droit à ses deux minutes lors de la bataille finale, et l’apparition in extremis du Rhino (Paul Giamatti) dont la seule utilité est de permettre de teaser le prochain opus. L’accroche placardée sur les affiches “ses ennemis vont s’unir” prend des allures d’escroquerie mercantile, ce que le film en lui-même ne fera que confirmer.
Dès les premières minutes, Spider-Man se retrouve métamorphosé, devenant soudainement un étendard de la “cool attitude” banalisée par les autres super-héros Marvel, Iron Man en tête. Il faut alors le voir baisser le pantalon ( !) d’un ennemi en public, ou arriver à la remise des diplômes en embrassant sa copine Gwen Stacy à la manière d’un épisode des Frères Scott. Une chose est sûre, le sérieux ainsi que le premier degré rafraîchissant, toutes proportions gardées, du Captain America : The winter soldier sont définitivement écartés pour laisser place à un héros totalement décomplexé et malvenu. Toute la problématique de cette douloureusement ridicule transformation est là : comment croire à ce super-héros, à son sacrifice et à son courage s’il ressemble à n’importe quel type lambda avec des super-pouvoirs qui en fait n’importe quoi ? Ainsi, lorsque le Bouffon-vert clame que Spidey ne représente pas l’espoir puisqu’il détruit celui des citoyens, nous ne pouvons lui donner tort.
Pire encore, Marc Webb n’ose à aucun moment s’aventurer sur le terrain émotionnel. Les quelques idées intéressantes, comme la renaissance de l’amitié entre Peter Parker et Harry Osborn que tout rapproche, est évacuée en une minute trente et ne trouvera aucun écho lors de leur combat final, dont le potentiel dramatique lié à l’intimité de leur relation ne demande qu’à être exploité. De plus, la problématique d’Electro, sensible et désireux de trouver sa place dans le regard des autres, est traitée en deux plans futiles. Et pour cause, le film se perd dans une narration explicative tout en longueur, qui passe les deux tiers de son temps à mettre en place ses personnages creux et dont l’enjeu principal n’est traité qu’à sa surface (mêler ou non Gwen aux conflits héroïques de son copain-héros). A côté de cela, les scènes d’action, dont les effets spéciaux et la 3D sont redoutables, ne font office que de cache-misère à une mise en scène sans inventivité ou prise de risque, tentant de singer celle vertigineuse de Sam Raimi, et n’impliquant à aucun moment le spectateur car définitivement sans âme.
Reste à savoir vers quel super-héros nous pouvons nous retourner pour espérer une satisfaction. Le futur Batman vs Superman : Dawn of justice de Zack Snyder ? Vu son précédent Man of Steel, il serait plus sage de ne pas en espérer beaucoup. Les prochains Marvel dont Avengers 2 ? Rien n’est moins sûr. Il nous reste alors une franchise qui a, malgré de sérieux écueils, réussi à tenir sur la durée : les X-men dont son dernier Days of futur past de Bryan Singer a pu redonner légitimement espoir. Rendez-vous le 18 mai 2016 pour sa suite ambitieuse : X-men : Apocalypse.