A l’heure où nous écrivons ces lignes, une nouvelle victoire électorale vient d’avoir lieu pour le Front National, qui dispose désormais de deux représentants à la haute assemblée. L’événement historique a surtout valeur de symbole puisqu’il s’agit en réalité de l’onde de choc des municipales, les délégués des conseils municipaux représentant 95 % des 150 000 électeurs. Alors que samedi 13 septembre Odoxa publiait un sondage pour I-télé-CQFD et Le Parisien-Aujourd’hui en France indiquant que 35 % des français pensent que le FN pourrait gouverner, Maze vous donne les raisons de ne pas désespérer.
De la beauté des sondages
Alors que les sondages pullulent comme des champignons, consacrant le Front National comme LA force politique sur laquelle il va falloir compter durablement dans le paysage politique français. Il convient de regarder de plus près la pertinence des questions. En effet le 5 septembre un sondage Ifop publié dans Le Figaro, et largement repris dans la presse par la suite, donne Marine Le Pen vainqueur au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017…. si elle avait lieu le dimanche suivant le sondage ! En septembre 2014 donc, vous suivez ?
Mettons l’accent sur l’éthique journalistique à géométrie variable de nos confrères du Figaro en mettant en gras les qualificatifs employés : « Le sondage Ifop réalisé pour Le Figaro les 3 et 4 septembre est sans appel : si l’élection présidentielle de 2017 avait lieu dimanche prochain, Marine le Pen serait en tête au premier tour. Largement, dans tous les cas de figure et quel que soit son adversaire à droite. » Alors que la question du candidat de la droite est loin d’être tranchée, et que nous sommes à la moitié du quinquennat actuel. Le Figaro a néanmoins raison sur un point, le sondage est « sans appel », il est d’une inanité abyssale. A quand un sondage pour 2022 si l’élection avait lieu dans deux semaines ?
Pénurie de candidats
Face à sa soudaine popularité avec désormais 14 maires, 2 sénateurs, 2 députés, et 24 eurodéputés, sous le pavillon bleu marine, la présidente du parti est désormais bien en peine pour trouver suffisamment de cadres compétents, et maléables, à présenter à chaque élection. En particulier suite aux premiers déboires des maires nouvellement élus, Hayange en tête. Dans le Nouvel Obs du 18 au 24 septembre on retrouve ainsi cet aveu de faiblesse inespéré d’un responsable FN du Grand-Est, analysé par Hervé Algalarrondo « le FN n’a soigné le choix de ses têtes de liste que dans la trentaine de villes où il espérait vaincre. Ailleurs, il a fait avec. » Même si le parti enregistre un nombre d’adhésions en forte hausse, les régionales s’annoncent être une partie tout aussi difficile pour le parti que la formation hypothétique d’un gouvernement pour 2017, quitte à passer son tour ?
Le monstre en ombres portées
Le FN fait peur, la France est en grand danger, c’est du moins ce que nous entendons régulièrement dans la bouche des partis traditionnels, quand il s’agit de mettre tout le monde d’accord ! Quoi de plus pratique qu’un grand méchant ennemi commun aux portes de la République pour fédérer ? Face à un vote de confiance, face à des députés frondeurs, face aux affaires qui poursuivent un ex-président déchu en quête d’immunité présidentielle à nouveau… Le Front national se contorsionne en fonction des besoins. “La gauche peut mourir” clame Manuel Valls, “l’UMP est au bord de l’implosion” déplore Juppé, quitte à légitimer le discours de Marine Le Pen concernant la complaisance des élites de « l’UMPS » ? Quand les leaders concurrents deviennent les principaux VRP d’un parti extrême quitte à parler sans cesse en son nom, et à l’agiter en épouvantail, ne fausse-t-on pas les cartes ?
Qui pour faire face ?
Le risque est-il pour autant inexistant ? Non, le climat politique actuel est un terreau parfait pour faire lentement pousser la menace que représente le Front National. Le simple fait que le principal opposant de Marine Le Pen admette son incapacité à la contrer, en quittant la présidence du Front de Gauche en est même un signe alarmant. Avec le retour de Sarkozy le risque est aussi grand de voir la gauche se focaliser sur son meilleur ennemi, plutôt que de s’employer à terminer un mandat de la meilleure des façons possibles, le tout sur fond de trahison idéologique… Enfin comment l’alternative pourrait-elle venir de la droite qui a pour objectif de rejouer le match perdu de 2012 ? Pour ces raisons, la vigilance reste de mise, avec le risque que la présidente du FN n’ait plus qu’à se pencher et à ramasser les restes en 2022.
Une femme présidente ?
Malgré la tristesse qu’il y a à appuyer sur ce point sensible, la question doit être posée. Les français seront-ils capables le moment venu de dépasser leur misogynie et d’élire une femme à la tête du pays, pour leur préférer le racisme ancré dans l’ADN même du parti d’extrême droite ? Il y a là une question dont nous ne préférons pas connaître la réponse.