« Sauvage, généreux et mal élevé » tels furent les mots de Nicole Garcia, présidente du jury, vis-à-vis du film Party Girl au moment de remettre à son trio de réalisateurs la caméra d’or du 67ème festival de Cannes. Ceci signe l’entrée fracassante de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis dans le monde du cinéma français, bien que les deux jeunes femmes aient déjà fait leur petit effet il y a quatre ans en remportant un César pour leur court métrage C’est gratuit pour les filles.
Sous les accords de Chinawoman, leur nouveau projet brosse le portrait d’Angélique, fille de cabaret de soixante ans et d’une classe sociale chargée d’histoire que l’on n’a d’ordinaire pas l’habitude de voir sur grand écran. L’histoire d’une femme au maquillage outrancier, restée midinette et qu’un client régulier finira par demander en mariage. Une femme abîmée mais aimante, aux traits marqués, aimant fumer et rire avec ses copines. Une épicurienne pure, pleine de ferveur et chargée de désirs, ne demandant qu’à consumer la vie de manière indomptable. Entre monde de la nuit et préparatifs de cérémonie dans une petite ville de Lorraine, nous voilà donc embarqués dans un récit des plus touchants.
Le défi était audacieux puisque l’actrice principale n’est autre que la mère du coréalisateur et que dans un esprit de cinéma-réalité il l’a fait se livrer, se mettre à nu dans une œuvre quasi biographique où participe toute sa famille. Alors évidement, ce qui nous frappe c’est en premier lieu le jeu des acteurs, incroyable et admirablement juste alors que tous pourtant sont non-professionnels. L’improvisation était de mise et nous ressentons favorablement cet esprit bourré de naturel. Mais outre l’utilisation de la famille de Samuel Theis, l’idée d’ajouter une personne extérieure par le personnage de Michel (Joseph Bour, casté dans un bistrot de Forbach) est une réussite. Il amène cette partie fictionnelle permettant un véritable équilibre et par conséquent au film de fonctionner.
Malheureusement deux faiblesses seront toutefois à souligner. En premier lieu les choix de réalisation, beaucoup trop classiques, sans folie et un peu trop contemplatifs. Les cadrages, des plus répétitifs, manquent en effet sacrément de saveur. Et puis la trop courte durée des scènes musicales accompagnées de transitions un peu négligées et manquant résolument de profondeur. Néanmoins le réalisme est si magnifiquement capté par une caméra tout en simplicité que ces maladresses sont vite oubliées. Nous pourrons enfin souligner la belle retenue, cette absence de misérabilisme, de jugement ou de regard moral dans le traitement final.
Un premier film en définitive réussi, réalisé à 6 mains et que l’on trouvera immédiatement sincère et authentique. Un récit très fort et très beau, doux portrait d’une femme résolument libre. Envoûtant.