MUSIQUE

Neil Young : Un retour aux sources avec A letter home

Jack White, l’ex-leader des White Stripes a frappé fort en produisant en avril dernier le trente-quatrième album de Neil Young (à sa propre demande). Une offre qu’il ne pouvait pas refuser.

En allant faire un tour au Third Man Store, le magasin – salle de concert (et j’en passe) de l’homme qui se produit désormais en solo, le canadien bientôt septuagénaire fait la rencontre du Record Booth. Son principe ? Inventé par White sur le mode du photomaton, cette cabine en bois permet à n’importe qui (même vous et moi) d’enregistrer un morceau, immédiatement gravé sur un petit vinyle transparent. Il suffit de patienter quelques instants pour voir son disque apparaître, prêt à être utilisé.

Neil Young en est tout enchanté et décide d’enregistrer son prochain album dans cette petite cabine à Nashville, l’antre de White. Le vieil homme n’est pas la première personnalité à inaugurer le Record Booth, le groupe Weezer l’ayant précédé.

crédit : music.cbc.ca

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A letter home suit Psychedelic pills paru en 2012. Les particularités de ce nouvel opus sont les suivantes : il ne contient que des reprises, entièrement acoustiques, et l’on croirait réellement écouter un vinyle. La guitare donne l’impression de n’être pas bien accordée parfois, et cela donne un charme très old school, une certaine authenticité pour une œuvre moderne jusqu’alors jamais rencontrée. Neil Young redevient ici une sorte de primitif, aucun effet n’est ajouté aux instruments, ni aux voix bien entendu, et l’enregistrement absorbe tous les défauts : bruits parasites et voix étouffées. Il y a un désir de revenir à quelque chose de plus simple, minimaliste, sans arrangements. On capture l’instant présent sans faire de retouches, c’est naturel et cela fait plaisir à entendre en 2014. On se croirait revenu soixante dix ans en arrière, aux jours des premiers enregistrements maladroits.

A letter home commence avec une lettre (« A letter home intro ») que Neil Young destine à sa défunte mère. Elle se veut humoristique et touchante. Il dit que grâce à la « boîte » de Jack (le Record Booth donc), il peut lui parler.

La chanson « Changes » la suit. C’est au départ un morceau blues/folk de Phil Ochs. Neil Young en fait une chanson plus émouvante de par sa voix, et plus rapide que son auteur originel, cependant, Ochs la joue en arpège qui apporte un coté plus mélancolique au morceau.

« Girl from the north country » de Bob Dylan (en duo avec Johnny Cash) arrive en troisième position. La version de Young  est plus rapide, de plus, il y ajoute aussi un harmonica, mais les deux chansons restent  très folks.

« Needle of death », que ce soit la version de Bert Jansch ou de Neil Young, reste une très bonne chanson. Si celle de Jansch est rythmée, Young la modifie quelque peu, en la jouant quelques tons au dessus, et la rend plus triste. De plus, il ajoute en début et en fin de chanson un sifflement qui accompagne la guitare. Deux chansons folks très réussies !

White et Young à l'émision américaine On the tonight show crédit : Douglas Gorenstain

White et Young à l’émision américaine On the tonight show
Crédit : Douglas Gorenstain

Young reprend deux chansons de Gordon Lightfoot. La première, « Early morning rain », musique enjouée et country de la part de Lightfoot, accompagnée de cordes, de basse et d’une guitare électrique devient, entre les mains de Neil Young, une chanson plus lente, plus douce, plus mélancolique. Seuls une guitare et un harmonica l’accompagnent.

La deuxième reprise de Lightfoot est « If you could read my mind », une chanson folk/country, où le chanteur renforce le côté dramatique en usant des arpèges et des cordes, tandis que Neil Young se contente de sa guitare et de sa voix qui prend aux tripes et apporte plus d’émotions à cette chanson. Une certaine mélancolie se dégage des deux versions.

La sixième chanson de l’album, « Crazy » est une reprise du cow-boy Willie Nelson. Alors que Nelson se la joue crooner en en faisant une chanson jazzy, avec piano, basse, chœurs, guitare électrique et batterie, le tout joué en triolet, Young se l’approprie en la transformant en une merveille folk, plus rapide que celle de Nelson, et en binaire cette fois. Les deux versions sont des bijoux à écouter absolument !

Young reprend également « On the road again » toujours de Nelson. Cette fois ci, le texan revient à un de ses premiers amours, la country, pour en faire une chanson enjouée et rythmée, tandis que le canadien, accompagné d’une guitare et de l’harmonica, la fait beaucoup plus lente, comme une sorte de slow, avec en guest pour le piano et les chœurs, Mister White en personne. Tout comme pour « Crazy » les deux chansons sont incroyables.

crédit : okayplayer.com

Young dans le Record Booth – Crédit : okayplayer

Au début de « Reason to believe » de Tim Hardin, Neil Young s’adresse de nouveau à sa mère pour lui signaler qu’il avait l’habitude de jouer cette chanson… Alors que c’est un morceau pop-folk-country, avec force cordes et maracas, rythmée mais mélancolique, et Young en fait une chanson plus gaie, sans guitare mais avec pour seul accompagnement un piano et un harmonica.

La soul de « Since I met you baby » d’Ivory Joe Hunter est revisitée par Young au piano, comme l’originale et à l’harmonica. Elle devient cependant plus rapide, plus gaie et rythmée que celle d’Hunter.

« My hometown » du Boss (aka Bruce Springsteen) est une ballade rock très eighties où bien sûr le synthé (entre autres) est de la partie ! Neil Young la fait à la guitare et à l’harmonica, tout simplement. Les voix complètement différentes des deux chanteurs donnent deux versions intéressantes.

Enfin, « I wonder if I care as much » des Everly Brothers clôt l’album. Connus pour leurs harmonies, cette ballade pop des frères Everly (dont un, Don Everly, deviendra le beau-père d’Ozzy Osbourne), est reprise avec Jack White, ce qui donne un duo étonnant mais sympathique.

Si vous n’avez pas encore accordé une oreille attentive à ce nouveau Neil Young, il est temps de vous y mettre car ce petit bijou incontournable est à mettre dans toutes les cédéthèques folk et blues !

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