Encerclés de curieux, Arnaud et Madeleine se rencontrent pour la première fois. Leur combat commence. Madeleine a le dessus mais Arnaud remporte la victoire grâce à une morsure déloyale. L’air douillet d’Arnaud affronte le regard bourru de Madeleine. La terre tremble.
Simple animation apportée par la caravane de l’armée de terre chargée des recrutements, ce premier acte lance le début d’un long combat. Premiers tirs décorés de couleurs froides, le cadre est posé et le portrait déjà brutalement attirant. Sans lourds décryptages psychologiques ou airs mélo-dramatiques, ces premières scènes annoncent la réplique franche et les personnages fracassants.
Arnaud a planifié son été entre ses amis et l’entreprise de menuiserie familliale. Il vit comme s’il ne pouvait pas contrôler son avenir, sans frissons ni surprises, semblant empreint d’une léthargie doucereuse. La construction d’un cabanon de jardin le mène à nouveau à Madeleine. Leurs retrouvailles rancunières au souvenir de leur combat mènent ensuite à une touchante curiosité. Les yeux innocents d’Arnaud s’écarquillent lorsque Madeleine plonge dans une piscine, des tuiles dans son sac à dos. Le dédain dans la voix de Madeleine s’égare petit à petit. Puis, la caravane de l’armée s’en va, mais Madeleine n’a pas eu le temps de s’inscrire. Arnaud l’invite sur son scooter à la poursuite des militaires lorsqu’au retour, une pluie torrentielle les inondent. Scène d’orage majestueuse qu’a sublimé Thomas Cailley de son regard, ces spectacles de nature sortent Les combattants d’un film uniquement centré sur l’homme. Le spectateur peut alors souffler, laissant l’ébahissement le gagner.
L’armée, Madeleine place en elle tous ses espoirs de survie. Persuadée d’une fin du monde proche, elle ne vit que dans le désir de savoir sauver sa peau coûte que coûte. Elle décroche un stage d’initiation à l’Armée et Arnaud lui fait la surprise de la suivre. Ici commence une autre facette de leur relation. Arnaud, faisant le pas de quitter son “chez-lui” entre dans le mouvement. L’action qui lui semblait étrangère vient soudainement l’habiter. Malheureusement, Madeleine va découvrir que l’armée n’est pas ce qu’elle avait escompté. Arnaud et elle vont alors décider de partir seuls pour essayer d’apprendre à survivre. Les saisissant dans ce qu’ils ont de plus brut, Les combattants évolue comme une décongélation et, en subtil adéquation, l’esthétique se métamorphose de même. Arnaud et Madeleine se mélangent, s’inspirant chacun de l’autre et la chaleur vient percer le froid. Puis, l’oranger d’un coucher de soleil tamise leurs sourires et l’eau brille d’un éclatant doré. Assez symboliquement, la chaleur vient avec la recherche du bonheur.
Les combattants est une œuvre épurée. Sans prétention et d’une grande simplicité, le film embarque dans sa belle épopée sans nous laisser repartir. L’équipe de tournage a su instaurer une alchimie certaine entre ses personnages et l’esthétique, tout en gardant quelques ovnis visuels. Notamment lors des scènes filmant la nature : splendide prouesse que de filmer le creux d’un bel incendie d’été ou de tumultueux nuages agencés dans des plans d’une beauté rare. Quant à Adèle Haenel, elle nous avait déjà étonnée dans la Naissance des pieuvres de Celine Sciamma et revient en force. Moins stylisée que les jeunes actrices en vogue, son jeu est garni de sollicitations physiques importantes. Aucune rupture entre son personnage et sa vraie personnalité. Laquelle influence laquelle ? Le rire est pur, le ton est brut et les yeux sincères, c’est la force qui enflamme le film. Arnaud, joué lui par Kevin Azais, est magnifié par un regard transcendant. Sans failles de jeu manifestes, il est de par son personnage plus calme mais il existe justement dans cette douceur une puissance singulière. Une scène où il appose sur le visage de Madeleine du maquillage militaire révèle l’acteur. Les courbes de son visage éclairées d’une lumière dorée ombre les creux de son profil lorsque ses yeux sont captivés par Madeleine. L’osmose entre les deux personnages autant par leurs rôles que par leur jeu apporte au film une bouleversante sincérité.
Alors laissez-vous emporter dans l’osmose de Thomas Cailley, le feu d’Adèle Haenel et la douceur de Kevin Azier. Laissez-vous bercer par ces plans magnifiques et vous empreindre de leurs éclats de vie.
[Pour les curieux : D’une rare clémence envers les spectateurs, l’équipe du film a disposé un dossier de presse sur le site du film. http://www.unifrance.org/film/36589/les-combattants]