« Hey… Do you know what today is ? It’s Armageddon day. The day the world’s supposed to end. » – Tirée de Nowhere (1997) de Gregg Araki cette réplique donne directement le ton et l’ambiance du film, à la fois pessimiste et fantastique, qui est le volet final de la trilogie des Teenage Apocalypse après Totally Fucked Up (1993) et The Doom Generation (1995).
Mais, à plus forte raison, en lieu et place d’une réelle et matérielle destruction de notre planète – thème auquel le cinéma catastrophe nous a habitué et à laquelle peut s’attendre de prime abord le spectateur au vu de la phrase sus-citée -, Araki, réalisateur américain, souhaite davantage pointer du doigt et dénoncer les effets nocifs du capitalisme et de nous montrer l’effet hyperbolé du capitalisme et de la consommation abusive de notre société occidentale. Encore une fois, Araki se situe dans une critique de mœurs, assez « classique », que nous retrouvons d’Houellebecq à Fight Club. L’idée anticonformiste de la critique de la société est en effet elle-même rentrée dans les mœurs.
Mais entre couleurs vives et rythmes rock ultra rapides, la réalisation d’Araki arrive à mettre son film sous tension et à lui donner une ambiance apocalyptique assez kitsch, à l’esthétique très « tape à l’œil » ; tout cela rend la dytospsie en elle-même si ironique, si consciente de sa réalité.

Nowhere – Araki/Droits Réservés
Dans un monde où l’individualisme, le capitalisme et la consommation abusive sont devenus fondements de base, nous suivons au quotidien dans ce film les aventures sentimentales, sexuelles et sociales d’un groupe de jeunes adolescents, en transition vers l’âge adulte, et qui, perdus, échouent dans la société de consommation et son « absurdité »…
Destructeur, décadent et déshumanisé : ainsi est présenté le monde, monde dans lequel les valeurs et la bonne conscience semblent avoir disparues et où la défonce, le sexe, la vie de luxure et le pêché semblent être l’ordinaire. A la manière d’une tragédie grecque antique, dont la fin est déjà connue dès le lever de rideau, Nowhere parvient à aspirer le spectateur et à le faire sombrer dans la lente descente aux enfers des protagonistes. La vacuité des dialogues frôle le surréalisme et participe largement à cette immersion sans retour…
Psychédélique tant dans le fond que dans la forme, Araki n’a aucune limite et n’hésite pas à nous mettre en scène viol, suicide ou mort pour mieux nous atteindre, nous mobiliser… Pourtant, Nowhere ne plonge pas dans un pathos larmoyant – et bien paradoxalement pousse au rire, ou au moins au sourire… Complicité coupable ?

Droits Réservés
L’un des principaux attraits de Nowhere réside également dans sa bande son originale, éclectique, pointue et qualitative : Slowdive, Portishead, Sonic Youth, Nine Inch Nails, soit un beau mélange de « classiques » ambiancés et parfaitement adaptés au film.
Nowhere, malgré sa lucidité et sa violence, est un chef d’œuvre qui, à contrario d’autres superproductions (Projet X ou autres Spring Break), s’attache à représenter une réalité effrayante sur certaines non-valeurs de notre monde contemporain. Le ton est juste, même si la réalisation témoigne de partis pris parfois exacerbés…
Reste à chacun d’entre nous d’y trouver ce qu’il veut : un amusant film de science fiction ou, à la manière de Stendhal, un miroir dans lequel se projette notre société…