CINÉMA

Boyhood : Contre

Avec une telle ambition de départ, Boyhood recelait une vraie possibilité d’embarquer son spectateur dans une œuvre immersive pouvant être le terreau à un rollercoster émotionnel.

Hélas, milles fois hélas, le film s’avère décevant à plus d’un titre. D’emblée, l’œuvre de Richard Linklater est construite d’un enchaînement de scènes (certes assez fluides) comme autant de détails d’une vie qui viseraient à faire avancer l’histoire. Et c’est bien là que le bât blesse : Boyhood ne raconte finalement pas grand chose, ou si ce n’est rien d’autre que la vie gentille et terriblement ordinaire d’un homme en devenir. Que le projet initial ne serve pas à décrire l’évolution d’un être hors du commun est un choix, mais alors aurait-il quand même fallu que le film stimule le spectateur émotionnellement ou intellectuellement.
Voir un individu grandir littéralement sous nos yeux aurait pu être une expérience faisant appel à la propre vie du spectateur dans le but de nourrir l’émotion, comme avait pu le faire David Fincher avec son personnage dans L’Étrange Histoire de Benjamin Button. Or cela s’avère difficile puisque le scénario passe son temps à survoler les étapes-clés de l’adolescent en les enchaînant au plus vite, sans même prendre le temps de les développer complètement. Sur les 2h45 de film, aucun réel pic émotionnel ne se fait ressentir. D’ailleurs, il serait bien difficile de définir où se trouve le climax, car autant du point de vue de la mise en scène, jamais brillante, tout juste efficace, ou même narratif, les scènes sont toutes traitées sur le même ton, donnant l’impression d’un ensemble terriblement tiède. Ainsi, nous voilà avec un film trop sage (le premier et seul alcool est une simple bière, la première fois est totalement occultée), trop consensuel (méchant Bush, gentil Obama). Bref, le film ne prend aucun risque. Du côté de la stimulation intellectuelle, pas grand chose non plus : grandir dans un monde où règne la guerre constante, l’évolution technologique et culturelle, le rapport parfois violent avec les autres (le beau-père ou les petits caïds de l’école) ou, plus généralement, le passage à l’âge adulte et tout ce que cela induit en deuil de l’enfance, ne sont à peine traités en quelques scènes de dialogues vite expédiées.

Le film ne tire finalement à aucun moment pleinement parti de son postulat de départ tant son exploitation s’avère plus que décevante. Dénué de véritable ennui, mais incroyablement creux pour un tel projet.

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