Le rendez-vous était attendu. Après une édition 2013 en demi-teinte, le plus grand festival français, événement majeur en Europe, se devait d’offrir à son public quatre jours de folie pour réparer cela. De notre côté, nous sommes partis, comme depuis trois ans, chez nos merveilleux hôtes du site de Kerampuilh à Carhaix (Finistère), pour assister, bien au chaud à l’espace presse mais aussi avec les festivaliers à la 23ème édition An Erer Kozh (Des Vieilles Charrues, pour les non-bilingues). Journal de bord d’Amélie, Basile et Baptiste.
Jeudi 17 Juillet
Tentes, matelas gonflables, talkies-walkies (po-ur-qu-oi ?), crème solaire, eau, chapeaux et autres éléments indispensables du kit du bon festivalier, tout était prêt et minutieusement rangé depuis quelques jours dans d’énormes valises et sacs. Départ de Rennes prévu à 09h45, il était bien entendu nécessaire que Basile rate le départ du train. C’est comme cela que doit commencer un festival. La région Bretagne permet aux festivaliers de se rendre à Carhaix pour 12€ aller-retour à partir de n’importe quelle gare de Bretagne, mais ne prévoit pas de trains assez grands pour contenir les hordes de futurs festivaliers prêts à en découdre avec la programmation dantesque des Charrues. Après plus d’une heure d’attente sous un soleil total, puis une heure de bus depuis Guingamp pour arriver à Carhaix, c’est en un seul morceau que l’équipe Maze (sans Amélie pour le Jeudi), s’est retrouvée devant la gare pour entamer un périple de trois kilomètres jusqu’à notre lieu de villégiature. Enfin on ne va quand même pas se plaindre, on est aux Vieilles Charrues pour 4 jours !
Au programme de cette première journée en forme d’apéritif : The Black Keys, Indochine, Skip The Use, Fauve, Frànçois and the Atlas Mountains, Christine and The Queens, Bakermat, Vanessa Paradis, Hollysiz, Odezenne, Shantel. Le site du festival a été totalement repensé cette année, donnant plus de place à la fois à la scène Grall (hip-hop et rock), et à la scène Gwernig (découvertes) en les échangeant d’espace. Une grande roue, mise en place par SFR Live, accueille les festivaliers juste à côté de l’entrée, autant dire qu’on ne voit absolument rien tout en haut, et nous osons poser la question de son utilité (surtout que ce n’est pas totalement rassurant). Un regret pour les habitués du festival : la disparition de l’espace dédié aux arts de rue, pénalisé par l’inversion des deux scènes, mais l’équipe dirigeante nous assure que cette disparition n’est que temporaire, wait and see.
Fièrement armés de notre bracelet bleu, nous pénétrons dans le périmètre inaccessible et si convoités par les autres festivaliers. Les rencontres avec les artistes se multiplient à l’espace presse. Nous assistons d’abord à la conférence de presse d’Indochine, habitués de l’événement après leur passage en 2010, suivie de celle du phénomène Christine and the Queens.
Et c’est parti, tout commence à s’enchaîner, parfois à nous charmer, ou à nous décontenancer. Sur Grall, HollySiz ouvre le bal avec un show qui fait plaisir aux quelques dizaines de spectateurs massés devant la scène, même si on retiendra une bonne reprise de Jimmy Sommerville, on reste sur un set bien trop clean pour être honnête. Pendant ce temps, Vanessa Paradis (Merciiiiiiiiiiiiiiiiiiii) se présente sur Glenmor, ça nous rappelle notre enfance, c’est cool et on se surprend même à chanter quelques titres, on passe notre chemin pour reprendre nos pérégrinations sur le site de Kerampuilh.
Les choses sérieuses commencent avec Skip The Use sur Kerouac, le groupe lillois livre une performance impressionnante, offre beaucoup au public et se fait largement plaisir. Mais c’est le moment de se rendre à l’espace presse pour assister à la conférence d’Indochine, absolument pas intimidés par l’échéance de ce soir sur la plus grande scène, et pour cause, ils reviennent de leurs concerts joués à guichets presque fermés au Stade de France et un peu partout en France.
Pendant ce temps, Frànçois and The Atlas Mountains s’installe tranquillement sur la scène Grall, un concert vraiment cool quand on s’allonge dans l’herbe un verre à la main et quelque chose d’autre dans une autre. Mais soudain retentit au loin la mélodie facilement reconnaissable d’un titre du collectif Fauve. Toujours bien meilleur en live qu’en studio, le groupe joue ici sa plus grosse date.
Vendredi 18 Juillet
Après une nuit incroyable sur le site, et un repos très élémentaire, nous attaquons cette deuxième journée sous la chaleur qu’on sous-estime trop en Bretagne ! Aujourd’hui, c’est l’arrivée (chaotique) d’Amélie sur le village de Carhaix. Première fois qu’elle s’aventure dans les contrées lointaines de la Bretagne, et c’est avec engouement qu’elle découvre le paysage. Engouement qui lui passera bien vite lorsqu’elle se perdra, quelques minutes après son arrivée à la gare. Se repérer à Carhaix n’est pas chose aisée (on devrait en faire un proverbe) ! Mais heureusement, il n’y a pas que sur le thermomètre que l’on ressent la chaleur ici, les habitants sont tout aussi chaleureux. Le pouce en l’air au bord de la route, Amélie se lance donc le défi incroyable de faire de l’auto-stop. Pari réussi puisqu’elle arrivera bien vite à destination, pour retirer son beau bracelet bleu. Il est tôt, et le site est encore très peu fréquenté. La faim commence à se faire une place dans nos estomac, nous rentrons donc au campement, où nous déplorons une pénurie d’aliments un tant soit peu nutritifs. La corvée des courses ne nous échappera donc jamais ! Nous nous reposons quelques temps, Amélie s’installe et prend ses marques. Il est vite l’heure de se rendre sur le site. De nature pas très vifs, nous prenons notre temps et laissons alors passer le concert The Same Old Band et The Celtic Social Club, non sans amertume. Notre arrivée à l’espace presse est ponctuée par un message : nous décrochons une interview avec les Versaillais de Saint-Michel. Une réjouissance pour Amélie, groupie invétérée (on lui pardonne). L’interview réalisée dans la joie et la bonne humeur, nous assistons à la conférence de presse des Casseurs Flowters, ainsi que celle de Miossec avant de se séparer pour des concerts différents. Alors qu’Amélie s’en va applaudir les Saint-Michel, on s’en serait doutés, sur la scène Grall, Basile et Baptiste partent en direction de la scène Glenmor assister à ce qui sera l’un des plus grands concerts de ce festival : le monument Elton John. Habitués des concerts des Saint-Michel, Amélie se voit pourtant agréablement surprise lors de leur performance : les artistes ont revu leur setlist et ce n’est pas un solo de la part du chanteur-guitariste, mais deux solos qui captivent le public. Des chansons qui s’allongent, des instruments qui se rajoutent, même une casquette qui change de propriétaire (on vous l’avez dit que c’était une groupie !), le show est différent mais toujours aussi incroyable. Comme à leur habitude, une communion avec le public et une bonne ambiance au rendez-vous ! Du côté de Glenmor, on s’enivre du talent de Sir Elton John, qui propose un spectacle à la hauteur de nos attentes, mais surtout très respectable pour un homme de son âge. Pianotant avec envie et enthousiasme, sa majesté est accompagné de musiciens non moins talentueux. Ce concert, c’était un rendez-vous immanquable et très attendu par les festivaliers, qui ont pu apprécier un show mémorable. Nous nous retrouvons plus tard, partageant nos avis sur les concerts que nous avions admiré, avant de nous diriger vers le stand de crêpes. Hé oui, il faut bien se sustenter ! Suivant la file d’attente pour obtenir le saint Grall, Basile se fait bientôt interpeller par Igor d’Hossegor alias Bruno Salomone : “Hé Antoine !” avant de nous faire part de ses élucubrations et de ses louanges sur la barbe de Basile. Hé oui à Maze, on ne va pas vers les célébrités, ce sont elles qui viennent à nous ! Après qu’on nous ai remis notre crêpe (si bonne), nous nous installons tranquillement sur l’herbe devant l’écran géant pour admirer la performance de Miossec. Mais on ne chôme pas ici, alors nous voilà très vite repartis vers la scène Glenmor pour le rendez-vous de la soirée : Stromae. Quand nous arrivons à destination, c’est à peine si on voit devant nous : une foule à perte de vue. Un public très diversifié, transgénérationnel, et prêt à faire “ta fête” apparemment ! Les mains se lèvent, les paroles sont criées par la quasi totalité des gens, et les malaises ne tardent à apparaître ! On en ressort complètement vidés, après avoir vu un grand show malgré une sensation de trop prévisible. Tout semble prévu d’avance. On perd en spontanéité et la fantaisie ne semble pas trouver sa place. Peut-être que cela vient du fait que le spectacle est rôdé, mais la sentence de Basile est irrévocable : “tous les mêmes et y en a marre”. Vidés, mais toujours dans l’ambiance, la foule fait un demi-tour pour se retrouver devant la scène Kerouac, où les Franz Ferdinand se déchaînent sur leurs instruments. Un concert mouvementé, où les écossais font danser une foule entière. Des incontournables aux découvertes du nouvel album, les Franz Ferdinand ont conclu la soirée du côté rock de la programmation avec brio. Mais pour achever cette soirée, quoi de mieux que de l’électro ? Gesaffelstein prend place sur la scène Glenmor sous un orage fracassant. Pourtant, le public reste fidèle et nombreux sont les courageux qui subissent cette pluie battante pour ces prodigieux sons électros. Avec une ambiance apocalyptique, Gesaffelstein s’avère être pour Basile une “révélation humide”. La météo n’aurait pu être meilleure : c’est une parfaite synergie entre celle-ci et l’atmosphère de la musique, un parfait accord avec l’orage qui s’est mis à gronder aux prémices de la performance, et les torrents qui se sont déversés sur Carhaix. Dégoulinants mais épatés, nous quittons le site pour nous reposer pleinement, avant cette grande journée qui nous attend !
Samedi 19 Juillet
L’orage et la pluie nous sauvent de la chaleur insoupçonnable de la Bretagne, et la nuit de Vendredi à samedi se fait fraîche et reposante. On ne crache pas dessus, après ces deux jours d’itinérance et de sensations fortes. Le samedi matin, c’est la corvée des courses qui s’imposent. L’hypermarché le plus près ? A environ 3 kilomètres. Ereintés mais combattants, on se lance dans la randonnée la plus folle, à la recherche d’aliments comestibles. Une sorte de cross-over entre Koh Lanta et Pékin Express. Mais on survit. Notamment grâce à des Carhaisiens qui ne résistent pas à notre appel du pouce. A force de discussions avec nos covoitureurs, nous nous rendons compte de l’importance du festival, localement. Sans parler de l’économie locale, le festival renverse la ville totalement, et ce n’est pas pour déplaire ! Nous arrivons sans trop d’encombre au magasin, où nous nous amusons des grands-titres : tous concernent les Vieilles Charrues. Tiens donc ! Nous faisons donc nos petites courses, nous offrant même le luxe d’un parapluie. Attention, on ne rigole pas avec la météo en Bretagne (excusez le cliché). Mais après l’aller, il reste le retour. Et cette fois-ci, chargés ! Pas trop de problème pour se sortir de cette (petite) galère, on rejoint bien vite le camping. Un peu de grignotage plus tard, et constatant que l’heure tourne effroyablement vite, nous rejoignons le site du festival, juste à temps pour apercevoir Breton sur la scène Glenmor. Le bilan est positif : une présence scénique incontestable, une musique rock dans laquelle ressort toute la joie des musiciens, une joie communicative puisque le public semble heureux devant ce premier spectacle de la journée. Un excellent démarrage donc, sur la scène rock, qui annonçait la couleur gargantuesque de ce samedi. Entre rock, soul et blues, les lauréats du tremplin des Vieilles Charrues 2013 s’imposent sur la scène Kerouac alors que nous nous rendons à l’espace presse pour la conférence des spectaculaires Shaka-Ponk. Toujours dans le rush à l’espace presse, nous apercevons Julien Doré. Basile étant assimilé constamment à Antoine (mais si, la pub Atol !) ou à Julien Doré selon les générations, c’est avec amusement que nous nous approchons du chanteur pour lui faire part de la supercherie. Quelques sourires échangés et des photos plus tard, Baptiste et Amélie retournent à la scène Glenmor pour le retour de Bertrand Cantat avec son nouveau groupe, Détroit. Ce retour est pour nous, peu convaincant. L’ambiance est très fade et nous avons perdu tout le charme de Noir Désir pour retrouver une pâle copie de Damien Saez, le verre de rouge et la clope en moins. Cependant, on ne peut nier le génie musical de Bertrand Cantat et ses compères, qui prend parfois le dessus. Et lorsque le groupe reprend Le vent l’emportera, c’est une complicité ponctuée de simplicité qui s’instaure avec le public, laissant place à l’émotion de ce retour presque inespéré. La faim nous éloigne de Glenmor pour nous guider jusqu’à la scène Grall, où nous achetons de quoi combler ce besoin, devant les prouesses de Fakear. Bientôt, nous retrouvons Basile, charmé par le spectacle de son homologue, Julien Doré. Nous finissons donc cette soirée ensemble, au pied de la scène Glenmor, qui offre deux concerts très attendus par les festivaliers. Une grosse déception de notre côté concernant le groupe Arctic Monkeys. Nous déplorons un manque irrécusable de partage entre les artistes et le public : tout semble calculé, presque machinal et on ne laisse aucune place à la sincérité ou à la communication avec les festivaliers. Aucune extravagance non plus, seulement la réplique de l’album. Fort heureusement, les Shaka Ponk reprennent le flambeau pour venir mettre le feu à la scène. Une habitude presque, pour les show-man de ce groupe dont la réputation n’est plus à faire. Mais même si folie est coutume, le public se voit tout de même surpris par la mise en scène dantesque du groupe. Les festivaliers n’échappent donc pas aux délires loufoques de ces amis des singes, à qui on appliquerait bien la formule de Stromae “Donnez-moi un bébé singe, il sera formidable”. Une heure et demi de show plus tard, et une montre qui affiche déjà 3h00 au cadran, nous rentrons revigorés par cette journée abracadabrante et stupéfiante.
Dimanche 20 Juillet
Sur le chemin qui sépare notre campement du site du festival, nous nous faisons la réflexion : “déjà quatre jours, bordel”. Le site de Kerampuilh nous ouvre ses portes pour la dernière journée. Très tôt, cela commence avec Yodelice, l’artiste, qui nous confiera plus tard être un immense consommateur de séries en tous genres, voire même un binge-watcher acharné, se défonce sur la scène Kerouac et nous propose un concert terriblement empreint de sincérité et de joie. Le plaisir de l’artiste et du public n’est absolument pas gêné par l’arrivée de la pluie, et cette dernière journée s’ouvre sous les meilleurs auspices. Nous décidons aujourd’hui de nous aventurer aux abords de l’entrée du festival. Point de Montgolfière, comme cela était annoncé, sans doute la faute aux prévisions météorologiques qui prévoient des orages. Après nous être faits arnaquer par un vendeur de lunettes de soleil dotées de fausses étiquettes, et ne protégeant par conséquent absolument pas, puis avoir découvert un food truck de burgers merveilleux (notre premier véritable repas depuis notre arrivée à Carhaix), nous rentrons sur le site pour écouter, de loin, Ky-Mani Marley (le fils de Bob) et son reggae puissant.
Nous ratons Girls in Hawaii (nous acceptons vos insultes, réprimandes et autres signes de désapprobation), mais les conférences de presse n’attendent pas, et après voir assisté à celle de Yodelice, ce fut au tour de la direction du festival de se présenter devant la presse. Cette 23ème édition du festival des Vieilles Charrues a comblé toutes les attentes de l’association organisatrice, tant en termes d’entrées que de spectacle offert aux participants. Après la déception de l’an dernier, les 225.000 festivaliers de 2014 ont redonné le sourire à l’équipe dirigeante. La journée n’est pas finie pour autant, et il est rapidement l’heure de se préparer pour aller assister au concert de Lily Allen sur la scène Glenmor. L’artiste pop rafraichît le festival avec les chansons de son dernier album, mais aussi avec ses classiques et même sa reprise de Keane – seule chanson que le public a pu chanter du début à la fin – tout ça accompagné d’une scénographie décalée, un quasi sans-faute. On ne fera évidemment pas de comparaison avec d’autres artistes que nous avons pu applaudir lors des derniers jours, Allen est hors-compétition. Résumons en un mot : c’était cool.
Pas le temps de se poser, Kavinsky entre en scène sur Kerouac alors qu’il ne fait pas encore nuit – situation étrange – et délivre son set devant une foule en délire, ne connaissant parfois que le titre illustrant la bande originale de Drive (avec Ryan Gosling coeur), mais c’est pardonné. Le dernier soleil de notre séjour à Carhaix se couche en cette soirée du dimanche, et nous décidons de nous placer au devant de la scène pour applaudir Jared Leto et 30 seconds to Mars. En effet c’est le groupe américain de l’acteur-chanteur qui a été choisi pour clôturer le festival en beauté cette année. Un concert incroyable, une ambiance de folie, un show de dingue ! Une orgie musicale longue d’1h20 a comblé le public et a laissé un incroyable souvenir.
Cette édition a tenu ses promesses, a gagné ses paris, et a comblé les dizaines de milliers de spectateurs quotidiens, ravis de leur court séjour en Bretagne.
A l’année prochaine Carhaix.
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