SOCIÉTÉ

Travesti, transgenre, transsexuel : L’amalgame des trois T

Avec cette société qui veut tout catégoriser, il est bien souvent difficile de s’y retrouver. Entre sexe, genre, sexualité, les confusions vont bon train. Et si l’identité sexuelle est déjà un phénomène complexe, comment appréhender toutes ces notions et variables de l’identité de genre ? 

Costume : avec ou sans cravate ?

Projet "Half-Drag" du photographe Leland Bobbé esquisse la frontière entre les deux personnalités des travestis.

Projet “Half-Drag” du photographe Leland Bobbé esquisse la frontière entre les deux personnalités des travestis. // Tous droits réservés

Lors de la victoire de Conchita Wurst, des dizaines d’articles émergeaient, une vraie prolifération de masse. Nombre d’entre eux évoquait la lauréate en utilisant les termes de Drag Queen. Pourtant, même si cette notion, par sa définition, induit une certaine subjectivité, l’emploi de ce terme est bien loin d’être adéquat quant à la candidate autrichienne. Car dans sa définition, cette notion comprend bien sûr l’action de se travestir, de se déguiser, afin de créer la confusion sur son identité sexuelle. Mais la notion de Drag Queen induit aussi, et surtout, une idée d’exagération, d’exubérance et d’excessivité. Les hommes se déguisent ainsi outrageusement, arborant des couleurs le plus généralement vives, usant et abusant de maquillage et d’accessoires frivoles. Conchita Wurst est bien loin de l’excès des Drag Queens. Avec un maquillage doux, modéré, et bien loin de la disproportion que l’on connaît aux Drag Queen, dans son habit de lumière, une robe pailletée, certes longue et brillante, mais que l’on légitime par les circonstances, Conchita Wurst n’était en rien à associer à ces pratiques. L’aspect frivole en moins, la barbe en plus, la candidate était plutôt l’incarnation de l’abolition des limites entre les deux sexes, sans prise de partie pour les caractéristiques féminines, comme peuvent le faire les Drag Queens. Rappelons par ailleurs que même si à l’origine, ce concept désignait les hommes homosexuels qui se travestissaient, aujourd’hui, des personnes hétérosexuels peuvent aussi être des drag queens. Et bien souvent, on a tendance à l’oublier !

On distingue aussi les Drag queens (ou drag kings) du transformisme, où ici, il s’inscrit dans l’art et désigne un homme qui interprète un rôle féminin, comme le fait actuellement Guillaume Gallienne à la Comédie Française dans Lucrèce Borgia de Victor Hugo où il interprète le rôle éponyme.

Finalement, le travestisme est le fait de porter des vêtements du sexe opposé pendant une partie de son existence, de façon à se satisfaire de l’expérience d’appartenir au sexe opposé, mais sans désir de changement de sexe plus permanent moyennant une transformation chirurgicale.

Transidentité : Je ne suis pas mon sexe.

transicon1Remplissez n’importe quel formulaire et vous pourrez constater qu’on vous demande de vous définir soit comme un homme, ou bien comme une femme. Cette procédure administrative est bien le reflet de la société : il faut se définir, il faut pouvoir être catégorisé, et effectivement, rentrer dans des cases. A la naissance, on nous attribue donc soit le terme d’homme, soit celui de femme, en fonction de nos organes génitaux. Mais parfois, entre le sexe et le genre – et même entre le sexe et la sexualité – un gouffre se creuse. Ainsi, pour ces personnes, leur identité de genre est en contradiction avec leur sexe biologique. Naît alors un besoin de s’identifier physiquement au genre opposé à celui de naissance, c’est ce que cache les termes de transgenre et transsexuel.

On dit de quelqu’un qu’il est transgenre s’il ressent cet antagonisme entre son sexe anatomique et son identité de genre. Pour cette personne, le besoin d’être reconnu autrement que par son sexe biologique se manifeste par le travestisme, en portant des vêtements ou des accessoires que l’on attribue à un autre genre, comme a pu le faire la lauréate du concours de l’Eurovision.  Il n’y a aucune revendication par des démarches médicales – hormonales ou chirurgicale – ou légales.

Le terme transsexuel implique une autre dimension, celle du changement du corps. Grâce à un traitement à base d’hormones et/ou une opération chirurgicale, le but pour les personnes transsexuelles est de faire coïncider leur sexe avec le genre auquel elles ont le sentiment d’appartenir. Les personnes transsexuelles ressentent cet interversion comme un besoin impératif et vital, une manière d’être socialement identifiées selon le genre de leur transition. Des démarches légales sont bien souvent entreprises, afin d’être reconnu comme homme ou comme femme.

Ce qu’il faut retenir, c’est que le transsexualisme n’est en aucun cas une forme de sexualité. De nombreux médecins et associations  insistent bien sur le fait qu’une identité de genre (se sentir homme ou femme) existe indépendamment de l’identité sexuée c’est-à-dire d’être biologiquement un mâle ou une femelle, ainsi que de l’orientation sexuelle (hétéro, homo, bisexuelle). Par ailleurs, l’orientation sexuelle n’est pas affectée par ce processus : une personnes transsexuelle peut être homo, hétéro ou bisexuelle.

Il est bien difficile parfois de connaître les frontières entre certaines notions. Mais dans un horizon plus large, il est aussi parfois délicat de les définir. Mais ici, la vraie question n’est pas de savoir comment définir travesti, transgenre, ou transsexuel. La vraie question, c’est de savoir si ça se définit vraiment.

 

Journaliste en terre bretonne, je vagabonde entre les pays pour cultiver ma passion de théâtre, de musique et de poivrons (surtout de poivrons). J'essaie tant bien que mal d'éduquer à l'égalité entre les sexes, il paraît qu'on appelle ça le féminisme. J'aime bien les séries télé dans mon canapé et passer des soirées dans les salles obscures. Bref, peut-être ici la seule personne normale.

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