On caractérise souvent The Horrors par la noirceur de leur univers, leurs mélodies brumeuses ou leurs paroles mélancoliques. Avec un quatrième album intitulé Luminous sorti le 5 mai 2014 sous le label XL Recordings/Beggars, les cinq garçons originaires du Royaume-Unis semblent vouloir arborer fièrement les couleurs d’un tournant esthétique majeur. Travaillant aux côtés du producteur Craig Silvey (The Yeah Yeah Yeahs et Arcade Fire) durant un peu plus d’un an dans un studio londonien, le groupe a su imposer avec succès sa transformation musicale.
C’est certain, entre Strange House, premier album à l’atmosphère gothique sorti en 2007, et les dix nouveaux morceaux que nous propose aujourd’hui The Horrors, le fossé est grand. Mais entre temps, Primary Colors – sacré album de l’année par le magazine NME en 2009 – et le très beau Skying (2011), nous avaient peu à peu habitués à ces changements musicaux, entre garage rock sombre et shoegaze aérien.
S’inscrivant ainsi dans la continuité de ce dernier album, Luminous apparaît comme une œuvre plus épanouie, plus légère. Faris Badwan a laissé de côté sa voix profonde, préférant un chant plus clair et haut perché. De ces mélodies venues tout droit du rock psychédélique, émergent un entremêlement de synthé, agrémenté d’effets flanger et wah-wah à la guitare. L’ensemble est harmonieux, mais ne l’est-il finalement pas trop ?
Après une introduction longue de plusieurs minutes – pendant lesquelles l’univers devenu caractéristique du groupe britannique prend doucement place – Chasing Shadows s’élève enfin dans un mélange synthé/guitare éthéré qui pose les bases de cet album. On retiendra ensuite In and Out of Sight, titre dansant s’il en est un, dont la mélodie aux influences presque discos et au rythme bien marqué, tranche clairement avec Jealous Sun, morceau plus sombre, qui affiche dès le premier riff des guitares au son lourd et saturé. Puis arrive I See You, premier single de plus de sept minutes et pièce centrale de Luminous. Introduit par quelques notes au synthé qui rappellent étrangement « I Feel Love » de Donna Summer, le morceau révèle des échos électros, montant progressivement en tension durant de longues minutes dans une coda modelée d’effets sonores vaporeux. Change Your Mind s’enchaîne et offre un contraste bienvenu, le rythme plus lent de cette ballade laissant davantage de place et de clarté au chant de Faris Badwan. On notera enfin Mine and Yours, ses guitares saturées et leurs effets wah-wah évoquants par moment l’instrumentation des Australiens de Tame Impala.
Luminous marque donc un nouveau tournant dans la carrière du quintette qui semble se chercher, album après album. Les mélodies planantes parfois teintées de pop et la “patte” maintenant familière de The Horrors ne décevront pas les amateurs de cet univers psyché aérien. Cependant, force est de constater que la voix nonchalante de Faris Badwan se trouve souvent étouffée dans le mélange omniprésent de synthés. D’autre part, l’œuvre est cohérente mais manque tout de même de variations, tant dans ses effets que dans son rythme. Les pistes se suivent et se ressemblent, et l’on aura par moment l’impression que cet album n’est au final composé que d’un seul et unique morceau, s’étirant indéfiniment.