CINÉMA

The Homesman – Arides Rédemptions

Déchiré par les couleurs vives du soleil et apaisé par un voile nuageux, le ciel du Nebraska nous rafraîchit les yeux. Dans un mouvement de caméra, le retour à la terre aride labourée est un retour à une réalité laborieuse : Mary Bee Cuddy vit seule dans sa ferme, travaille seule dans son champ et un mal plane dans la plaine. Une folie étrange et inexpliquée empoisonne la vie de trois jeunes femmes ; une personne doit les emmener vers l’Est pour y remédier. Face à la misogynie ambiante, Mary Bee crie haut et fort qu’elle en est capable. A l’heure du grand départ, elle sauve George Briggs de la sentence de mort. Frôlant la pendaison imminente à un galop nerveux de trop, cet homme aussi bourru que barbu accepte de les accompagner. The Homesman, un des meilleurs films de la sélection cannoise 2014, conte leur périple.

5 semaines ; 35 jours, c’est long trente-cinq jours. C’est plus d’un mois de galère, c’est plus d’un mois de fatigue, c’est plus d’un mois d’ennui et d’insupportables gémissements de folie. Avant même de partir, Georges Briggs, interprété par l’acteur-réalisateur Tomy Lee Jones, est persuadé de cela. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que ces trois dizaines de journées en route vers l’Iowa lui réserve de belles surprises. Entre l’enlèvement d’une des jeunes femmes et l’incendie d’un hôtel perdu en passant par une rencontre avec une tribu indienne, George en oublie qu’il avance seulement pour récupérer 300 dollars et se recentre sur ce qu’il souhaite vraiment : avancer dans un but de repentance. Mais ce chemin n’aurait pas été possible sans Mary Bee, incarnée par l’exceptionnelle et obstinée Hilary Swank. Ce personnage « rude comme un vieux pot et autoritaire » est le centre de gravité de The Homesman. C’est elle qui tient tête à des hommes violents en sortant le fusil, c’est elle qui gère la détresse de ses passagères tout en essayant de garder la plus grande lucidité, c’est elle qui sacrifie une nuit entière pour refaire une tombe saccagée. Ses valeurs priment sur le reste, son altruisme et sa générosité ne se mesurent pas ; Mary Bee est un personnage auquel on s’attache, qui nous fait oublier la fiction tellement on souhaiterait croire à sa réalité. Si l’exposition nous amenait plutôt à penser que le film se concentrerait sur la dimension de la folie d’une partie des personnages, celle-ci apparaît finalement comme un prétexte au périple, à la confrontation entre un homme et une femme et à celle entre deux Amériques, éloignant le propos de ceux des westerns habituels. Mais l’inhabituel plaît et Tomy Lee Jones est aussi bon devant que derrière la caméra.

The Homesman de Tomy Lee Jones / cinématon.fr

The Homesman de Tomy Lee Jones / cinématon.fr

La première partie du film est une peinture impulsive de la folie qui menace la plaine. Le spectateur reste pourtant dans d’hypothétiques réponses concernant la source de cette névrose. Le cinéaste la montre s’exprimer à travers des scènes difficiles à supporter qu’il met en écho avec la scène où Meryl Streep, jouant Altha Carter, exprime le souhait de ne pas savoir ; lors du périple, la folie la plus grande est celle qui vient de l’extérieur. A travers les décors et costumes choisis minutieusement et les compositions de Marco Beltrami, cette folie va servir d’étau pour resserrer les liens entre George Briggs et Mary Bee. The Homesman est finalement une œuvre didactique et la peinture d’un pan entier de l’Histoire américaine portée par des interprétations remarquables. Pour George qui ressemblait à un enfant lorsque la corde menaçait de lui ôter la vie, le chemin vers l’Est va être, outre les danses et refrains chantés à tue-tête, une expérience d’apprentissage. Pour Mary Bee, c’est la sortie de l’isolement, la vie avec un autre et l’expression de l’affection altruiste qu’elle gardait en elle depuis de longues années. The Homesman n’est pas un western traditionnel ; cinéphiles friands du genre, sachez que les influences de John Ford sont souvent en filigranes et public anti-western, n’oubliez pas que l’œuvre de Tomy Lee Jones est d’abord un grand film qui mérite d’être vu, où l’humanité déchirée est aussi somptueuse que le ciel du Nebraska lorsque le soleil se couche.

 

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