A Cannes, on enchaîne les séances. Bon, le problème c’est qu’il y a plusieurs séances en même temps, alors il faut réfléchir et se décider. C’est pas toujours simple. Enfin voilà, pour clôturer dignement ce festival, petit retour sur les films vus en compétition.
Sélection officielle
Il y a d’abord eu Mr Turner, un film qui vaut principalement pour la brillante composition de Spall. Il incarne William Turner, faisant vivre devant nos yeux le génie qui a consacré sa vie à la peinture et que la peinture a consacré (tardivement) comme l’un des plus grands artistes de l’ère moderne. Un peu long, le film ravira les fanatiques de peintures ou de Turner (ça ne court pas forcément les rues). C’est vraiment bon, mais ça a les défauts d’un biopic. Ensuite il y a eu Captives qui s’impose comme la grande interrogation de cette sélection. C’est un film assez banal. Il est efficace dans le rythme qu’il impose et la tension qu’il fait monter grâce à une très bonne mise en scène, mais le reste c’est du déjà vu. Les relations entre les personnages sont parfois caricaturales, le scénario n’a rien de très surprenant. Ça se laisse regarder, mais pas à Cannes. Et puis est arrivé Foxcatcher… une réalisation ultra classique qui a pourtant raflé le prix de la mise en scène. Allez savoir pourquoi. Les performances incroyables sauvent ce film plutôt bancal. C’est assez intéressant mais on peut ne pas voir. C’est alors qu’est arrivé Les merveilles, en présence de l’équipe du film. Être dans la même salle que Monica Bellucci, c’est incroyable. Bref. C’est un récit initiatique envoûtant sur les relations entre une adolescente et sa famille. Sans être mauvais, le film est loin d’être exceptionnel. Il n’était pas favori pour une récompense, pourtant il a raflé le grand prix du jury.
C’est alors que sont arrivés les grands films du festival. The Homesman, Deux jours, une nuit, Maps to the stars, pour ne citer qu’eux. Des grands moments de cinéma. Le lundi c’était Maps to the stars. Impressionnant. Fantastique. Génial. Jouissif. On pourrait voir dans Maps to the stars une critique virulente du système hollywoodien. Mais il y a plus que cela. Il a aussi la complexité des personnages. Les relations qu’ils entretiennent. La distinction entre rêve et réalité car tout se confond. La rédemption. Le pardon. La vie. La mort. Et tant d’autres. Le film ne fait aucune impasse sur les thèmes qui lui sont intrinsèques et c’est ce qui le rend aussi grand. [Comme pour Maps to the stars, The Homesman a mérité un article plus poussé dans ce numéro de Maze.] Le lendemain, on nous présente Deux jours, une nuit. On enchaîne les grands films. Ici, les Dardenne filment avec une justesse rare la lutte, la solidarité, la crise, la vie de Madame Tout-le-monde. Sans se focaliser sur Sandra mais en s’intéressant aussi à ses collègues, ils réalisent un petit chef d’œuvre. Cotillard est impressionnante dans son rôle et elle pourrait bien se réconcilier avec le public français grâce à cela (et ce serait mérité !). L’absence de ce film au palmarès est une incompréhension totale car il s’impose comme un véritable choc dans cette sélection.
Un certain regard
La sélection parallèle, tout de même très prestigieuse et qui offre une sacrée publicité pour des films qui visent au départ un public assez limité. Cela a commencé par Loin de mon père, un film lourd et nauséeux qui ose filmer l’inceste sans aucune limite et ses conséquences sur la vie de la jeune fille. C’est psychologiquement violent. Si on peut regretter que le film n’apporte pas un nouveau regard sur l’inceste, il révèle une grande actrice la jeune Mayaan Turjeman. Mathieu Amalric est venu présenté La Chambre Bleue, un court polar aux allures hitchockiennes qui est sublimé par un esthétisme absolument parfait. C’est vraiment bon, à voir. Et puis soudain est arrivé un petit film, en apparence assez classique, qui était pourtant très drôle, émouvant, touchant, réaliste. The disapearence of Eleanor Rigby livre des instants magiques de pure comédie romantique et d’autres moments dramatiques magnifiques. On est transcendé par l’histoire du couple qui nous fait vivre un véritable beau moment de cinéma. Enfin, la semaine cannoise se termine par Lost River, de Ryan Gosling, l’homme parfait devant et derrière la caméra. Grâce à une réalisation parfaitement maîtrisée, ouvertement inspirée de Winding Refn et de David Lynch, il instaure une ambiance macabre, lourde mais captivante. La mise en scène est superbe même si parfois il y a une volonté un peu trop ostensible de réaliser une avalanche de plans plus somptueux les uns que les autres. C’est une vision sombre de l’Amérique qui nous est montrée, une vision lugubre des conséquences de la crise économique, une vision sanguinaire de l’anarchie, une vision pessimiste du rêve américain, mais une vision sublime de l’espoir qu’il faut garder. Pour un premier film, c’est vraiment impressionnant.
Il y a évidemment des films que l’on a pas pu voir et vu l’accueil impressionnant qu’ils ont eu, on ira les voir en salle. Certains films ont marqué cette sélection et même si tous ne sont pas présent au palmarès, ils resteront dans les mémoires des festivaliers.