SOCIÉTÉ

Rencontre avec “Osez le Féminisme”

Qu’est-ce que le féminisme ? Selon le dictionnaire, c’est le mouvement militant pour l’amélioration et l’extension du rôle et des droits des femmes dans la société. Cela peut également également désigner l’attitude de quelqu’un qui vise à étendre ce rôle et ces droits des femmes. Que ce soit positif ou négatif, ce mot et ce qu’il représente ne laisse pas de glace. En effet, la condition des femmes reste un enjeu majeur au niveau national avec les 70 ans du droit de vote féminin mais aussi au niveau européen avec le recul du droit à l’avortement en Espagne ou la liste Féministe pour une Europe solidaire. L’enlèvement de 276 nigérianes par Boko Haram parce qu’elles allaient à l’école est un exemple international du chemin qu’il reste à parcourir. Pour soutenir les jeunes filles séquestrées, l’association Osez le féminisme a lancé une campagne de photographies avec le hashtag #BringBackOurGirls, initiée par une représentante africaine lors d’une réunion de l’UNESCO.

A l’occasion de ce nouveau numéro de Maze nous avons pu interviewer Sophie Burlier, responsable de l’association Osez le Féminisme de Charente-Maritime avec E. Hardouineau, l’occasion pour nous de parler féminisme, opinion publique, droits des femmes et européennes.

Maze Magazine : Tout d’abord, pouvez-vous nous présenter le mouvement d’Osez le Féminisme ?

Sophie Burlier : Le mouvement s’est tout d’abord organisé en 2009 autour de militants qui défendaient le planning familial contre les menaces planant sur son financement par l’Etat. Son objectif est de lutter contre une société encore patriarcale pour favoriser l’émancipation de tous les individus, tous et toutes. C’est pourquoi Osez Le Féminisme est un mouvement universaliste, laïc et progressiste. C’est une association mixte.

Pour le moment, quelles grandes actions le mouvement a-t-il mené ? Quels succès ?

En vrac on peut citer les campagnes “Mademoiselle, la case en trop”, “Osez le clito”, “Liberté, égalité, parité”, “Battons nous pour nos retraites”. OLF participe également à des actions avec d’autres associations : c’est le cas de la campagne contre le viol “la honte doit changer de camp”, ou bien sûr contre la prostitution avec “Génération abolition”. Sur toutes ces questions OLF avec d’autres a contribué à des avancées législatives et en tout cas à porter le débat sur la place publique.

En quoi consiste votre rôle de responsable locale du mouvement ?

Les antennes locales d’OLF agissent pour diffuser les campagnes lancées nationalement, mais aussi pour agir sur le contexte local si besoin. Il s’agit dans les deux cas d’augmenter le niveau de féminisme dans la société, c’est-à-dire sa visibilité et sa légitimité. Nous n’avons pour l’instant organisé qu’une première réunion constitutive en décembre 2013 et une action en soutien aux femmes espagnoles face au texte de loi restreignant le droit à l’IVG dans la péninsule. Nous étions une centaine de personnes rassemblées à La Rochelle autour du slogan “Nunca mas” qui rappelle tristement les conditions des avortements clandestins. Il existe également une page Facebook, OLF17, qui permet de diffuser des infos.

Que pensez-vous de la place du féminisme en France et en Europe ?

C’est une place ambivalente. On est tout d’abord tenté de voir les progrès immenses qui ont été faits depuis les années 60 : scolarisation des filles, augmentation du taux d’activité, législation sur la famille et le droit à disposer de son corps avec la contraception et l’IVG, lutte contre les violences faites aux femmes… En même temps, on observe des blocages, voire des régressions. Les slogans de la manif pour tous, les évolutions législatives en Espagne mais aussi en Suisse sur l’IVG rappellent que rien n’est acquis. Plus profondément, on voit jusque dans les cours de récréation comment la société impose encore des rôles stéréotypés aux enfants qui produisent des inégalités.

Comment pouvez vous expliquer la mauvaise image que peut avoir le féminisme ? La réticence de certains citoyen-ne-s ?

Toutes sortes de raisons sont avancées par ceux/celles qui rejettent le mot “féminisme” : on lui reproche de ne pas être la lutte essentielle, principale ou au contraire de vouloir mettre le monde sens dessus dessous. En réalité, je crois que l’idée d’égalité n’est tout simplement pas si facile à accepter : elle met en cause des avantages, des positions sociales auxquels certains ne veulent pas renoncer. La tradition inégalitaire et la division sexuelle du travail offre une vision du monde rassurante pour d’autres, comme quelque chose existant “de toute éternité”. La difficulté vient aussi du fait que le “combat” féministe se joue autant dans la sphère affective qu’au sein des institutions politiques, il bouleverse donc en effet la vision des choses à tous les niveaux. Pour autant, le féminisme a souvent utilisé l’humour et l’auto dérision et… N’a jamais tué personne !

Quelles sont, à votre avis, les mesures à mettre en place aux niveaux national et supranational pour que la condition des femmes s’améliore ?

Il faut garantir l’accès à l’éducation pour les filles partout dans le monde et le droit à disposer de son corps. Cela suppose de lutter fermement contre tous les obscurantismes. Plus les femmes sont éduquées, plus la situation de leurs pays s’améliorent économiquement et socialement. L’enlèvement des lycéennes nigérianes rappelle que l’éducation est la condition de la liberté. Le temps qu’il a fallu pour que médias et politiques s’emparent de l’affaire montre comment la situation des femmes est encore négligée et oubliée même parfois.
Pour ce qui est de la France, il faut mener un effort contre les violences donc contre la représentation qui veut que les femmes sont des objets et leur corps un bien que l’on peut s’approprier. L’abolition de la prostitution, tout autant que l’accès à la contraception pour les mineurs, ou encore la lutte contre le harcèlement à l’université ou au travail sont les campagnes à mener. Bien entendu il y a d’autres dimensions importantes. Celle de l’emploi ne doit pas être négligée : le travail à temps partiel et les emplois précaires sont majoritairement féminins. Le capitalisme et le patriarcat ont souvent des intérêts communs ! D’ailleurs, la situation des femmes sur le marché du travail est intrinsèquement liée à l’inégale répartition des tâches domestiques au sein des ménages.

L’organisation Féministes pour une Europe Solidaire a déposé 8 listes lors des élections européennes, que pensez-vous de cette initiative ?

OLF n’a pas de position particulière sur ces candidatures, ce n’est pas une organisation qui intervient dans la compétition électorale. On trouve des militantes d’OLF candidates sur ces listes féministes et on en trouve sur d’autres listes. D’autres listes mettent également en avant des préoccupations féministes. Donner de la visibilité aux luttes féministes est une bonne chose, cependant les questions migratoires, les questions fiscales ou monétaires sont également des questions essentielles dans le débat européen. L’Europe a plutôt été jusque-là un tremplin pour les avancées des droits des femmes, il faut bien entendu que cela continue. Encore une fois, quand les droits des femmes avancent, tout le monde en profite. Hommes et femmes ont autant à gagner à toujours plus d’égalité.

Nous remercions Sophie Burlier pour nous avoir accordé de son temps, ainsi qu’à l’association Osez le Féminisme. On espère que cet article aura répondu aux questions que vous vous posez secrètement (ou non) sur ce mouvement qui reste parfois mal compris ou mal vu dans nos sociétés. Il est important d’ailleurs de souligner que ce mouvement ne lutte pas contre les hommes mais à leurs côtés pour une société plus égalitaire. Vous pouvez retrouver OLF sur sa page Facebook officielle ici ou sur son site ici.

Étudiante àSciences Po Lille.

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