Clément, professeur de philosophie profondément attaché à Paris est muté à Arras. La province l’horrifiant, il passe son temps dans des TER pour retrouver ses anciennes liaisons dans des soirées mondaines. S’il n’est pas bien à Arras, Paris ne semble pas mieux lui réussir. Élément du décor au sourire faible et à l’air apeuré, Clément n’est pas plus à son aise dans ce monde de champagne, accompagné de Chopin et de Proust. Sa vie semble donc en perpétuelle recherche du détachement des clichés, méprisant le schéma du couple et les projets professionnels que ses parents lui réservaient. Se remettant constamment en question, le bonheur est une chose abstraite qu’il ne voit que dans ses livres. C’est dans un salon de coiffure d’Arras que Clément va rencontrer Jennifer, fière de sa ville, fière de sa vie et fière de ce qu’elle est. Ensemble, ils vont parler un peu, lire souvent et faire l’amour, beaucoup. Elle veut quelqu’un de sérieux, de respectueux, un homme de confiance. Mais leurs deux philosophies de vies divergent trop. Lui vit constamment dans la réserve et la défense et elle, dans le don et l’amour. C’est donc là, dans la peur contemporaine du couple, qu’ils vont tenter de faire survivre le leur.
L’histoire d’un amour entre deux personnalités opposées n’est pas une première. L’amour a toujours fasciné les artistes et aujourd’hui la tendance est à ce que représente le couple. Pas son genre développe bien cette mode, exprimant les deux points de vues envisageables. Jeune maman séparée, Jennifer rêve de stabilité, lasse des flirts. Clément lui, a peur de l’engagement, peur de se livrer. C’est une histoire donc, malgré son apparente originalité, bien commune. Qui n’a jamais douté de l’amour et de la faculté de l’humain à aimer ? Scénario bateau nourri par quelques anecdotes bien trouvées, la complexité de leur romance peine à être correctement abordée.
Il y a quelque chose d’inexplicable dans le décalage flagrant entre les acteurs et leurs rôles. Quelque chose d’inexplicable dans l’inconsistance de ces personnages et dans leurs dialogues à l’énonciation robotique. Jennifer et Clément sont deux personnages où seul le superficiel de leurs personnalités est abordé : le parisien trop parisien et la super nana trop Super Nanny. Le problème ne se situe non pas au niveau du jeu des acteurs mais bien plus dans la construction des personnages. Leurs caractères sont survolés, trop peu nuancés, trop esquissés. Quant à l’apparente volonté de briser l’aspect sacré de la philosophie en opposant le lucide bonheur de Jennifer au flou blizzard de Clément, elle ne possède aucune originalité, parfaitement conforme à ce qu’a imaginé le spectateur avant même que les lumières ne s’éteignent . Les stéréotypes qui façonnent les deux protagonistes ne font qu’accroître le cliché que représente Pas son genre : Jennifer bien trop généreuse pour paraître réelle et Clément, enclin à un désespoir trop commun pour être intéressant. Encore une fois, la symbolique rencontrée entre une lectrice d’Anna Gavalda et d’un fin connaisseur de Kant aurait pu être une belle idée mais qui, imposée trop brutalement, perd tout son charme. Le sourire de Emilie Dequenne permet malgré tout de s’échapper le temps d’un I will survive et quelques unes de ses répliques sauvent le film du médiocre. Par conséquent, même si la qualité du film s’accroît, il reste figé dans la caricature. Caricature qui aurait pu être simplicité si elle avait était employée avec parcimonie. Mais l’extrême fidélité avec laquelle Belvaux a répété le schéma banal est bien trop lassante. Ce n’est donc même plus une touchante simplicité qui aurait pu permettre un certain éclectisme du public mais simplement de la prétention intellectuelle. Cela peut être, à la décharge de Lucas Belvaux, la simple conséquence d’une adaptation d’un livre aux défauts semblables.
Concentrons nous donc sur la technique, Lucas Belvaux surprend bien plus à ce niveau là. Un montage surprenant aux transitions originales, des scènes pleines de couleurs et de vie, une variété de cadre qui plaît… Si Lucas Belvaux a fait du scénario une caricature, il aura réussi à faire de l’esthétisme quelque chose d’un peu plus atypique. Le film attise enfin notre curiosité. En effet, la scène du carnaval d’Arras, par exemple, comporte de nombreuses qualités, perdant les personnages dans la foule pour les retrouver en gros plans quelques secondes plus tard. On retiendra simplement les tons IKEA quelque peu marketing mais qui collent assez bien aux personnages et ne posent donc aucun souci au bon déroulement de l’histoire.
Finalement subliment mitigé, Pas son genre est un beau portrait de vie, se perdant dans la complexité, s’exaltant dans la joie de vivre, s’écrasant à cause de l’universel doute humain. Mais restant malheureusement superficiel, Pas son genre aurait réellement pu être intéressant si il ne s’était pas noyé dans des traits trop grossiers.