LITTÉRATURE

Le classique du mois : Les Caprices de Marianne

Musset, Alfred, de son prénom, le dramaturge malheureux sur la scène, au point qu’après l’échec de sa Nuit vénitienne il créa le « théâtre dans un fauteuil », libéré des contraintes de la mise en scène. Musset le romantique. Musset le passionné, Musset le rêveur. Musset qui aima plusieurs fois, et ce toujours passionnément. Et cela se sent dans ses œuvres. Il y parle d’amour, de devoir, de cruauté, avec un lyrisme diffus et parfois complètement débridé. Les bacheliers de la filière littéraire ont travaillé sur son célèbre Lorenzaccio en 2013, drame situé à Florence. Ce mois-ci avec un classique plutôt original, nous restons en Italie avec une action située cette fois à Naples : nous nous intéressons à une pièce moins connue de Musset, Les Caprices de Marianne.

Malgré le titre, le personnage qui semble être le principal est Coelio, et n’apparaît pas immédiatement. Le premier élément que l’on apprend à son sujet est son amour pour Marianne, une femme mariée et qui le repousse sans cesse, ce qui conduira à un tragique dénouement. Il s’aide de quelques entremetteurs après l’échec de ses déclarations, dont Octave. C’est bien là toute l’intrigue : Coelio aime Marianne, mariée, et demande à son ami de l’aider. Mais Marianne va n’en faire qu’à sa tête. Octave résume ainsi la situation en s’adressant à Marianne :

« OCTAVE : Il vous a écrit, et vous avez déchiré ses lettres ; il vous a envoyé quelqu’un, et vous lui avez fermé la bouche ; il vous a donné des concerts, vous l’avez laissé dans la rue. Ma foi, il s’est donné au diable, et on s’y donnerait à moins. »

En deux actes, cette pièce faite pour être lue et non pas pour être jouée se prête bien à la rêverie provoquée par le lyrisme tragique de son principal personnage. Coelio est mélancolique, doux et sensible, tandis qu’Octave, son meilleur ami, se pose comme son contraire ; libertin, bon vivant, gai et plein d’un esprit moqueur. Il joue avec les mots, ses échanges incisifs avec Marianne amusent. Mais loin d’être superficiel, Octave se révèle plus complexe que ne le montrent ses apparences de frivolité. Quant à Marianne, elle semble faire mentir le titre lorsqu’elle explique son point de vue et sa situation plutôt difficile, ce qui renverse les tons de la pièce. On n’assiste plus à la seule histoire malheureuse de Coelio, mais à celles de trois personnages qui se croisent, échangent, et finissent par se détruire. Cette pièce, qualifiée de « comédie » par Musset lui-même, s’apparente ainsi plutôt au drame, où différentes actions conduisent à une fin qui aurait pu être évitée, si seulement Marianne n’avait pas été si capricieuse. Ou si Octave avait été, d’une manière paradoxale, moins fidèle à son ami. Ou encore si Claudio, le mari, n’avait pas été si jaloux. Mais ce sont des « si », et ils ne suffisent pas à changer leurs malheureux destins.

La marque du poète qu’est Musset s’est imprimée dans son œuvre, ainsi que sa vie amoureuse, ce qui explique la cruauté de l’amour d’On ne badine pas avec l’amour, et le caractère capricieux de Marianne ici. Cette pièce écrite en vers semble glisser facilement sous la plume d’Alfred de Musset, adaptée au caractère profondément poétique de celui-ci. Pour autant, on ne s’y ennuie jamais : pour une raison simpliste et pratique tout d’abord ; cette pièce est très courte. Et puis on saute allègrement d’une lamentation touchante de l’amoureux à une réplique plein de de vivacité d’Octave. Les personnages, sont variés et touchent plusieurs types. On retrouve ainsi quelques caractères comiques ou pathétiques. Voilà encore un exemple d’échange vif entre Coelio et Octave, qui se rencontrent au début de la pièce :

« COELIO : – Quelle vie que la tienne ! Ou tu es gris, ou je le suis moi-même.
OCTAVE : – Ou tu es amoureux, ou je le suis moi-même.
COELIO : – Plus que jamais de la belle Marianne.
OCTAVE : – Plus que jamais de vin de Chypre.
COELIO : – J’allais chez toi quand je t’ai rencontré.
OCTAVE : – Et moi aussi j’allais chez moi. Comment se porte ma maison ? il y a huit jours que je ne l’ai vue. »

Cette pièce de théâtre, aux thèmes multiples et aux tons variés, est donc à lire pour connaître un peu mieux Musset, pour s’enrichir, ou pour le plaisir.

Aime la culture, TOUTE la culture, et l'anonymat. Pas facile d'en faire une biographie, dans ce cas. Rédactrice et Secrétaire de Rédaction pour Maze. Bonne lecture !

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