CINÉMA

Gilles Jacob, le Président

« Mon nom est Gilles Jacob. Petit, je rêvais d’être capitaine de pompier. Ado, j’ai été projectionniste au festival de Cannes, c’est moi qui passais les films en tombant amoureux des belles actrices dans ce palais où l’on célèbre les réalisateurs du monde entier. » Voilà comment se présente Gilles Jacob dans Une journée particulière, documentaire présenté à Cannes en 2012. Modeste, il omet ouvertement de dire qu’il est le Président de l’un des plus grands festivals cinématographiques du monde.

Voilà, c’est fini. Après 36 années passées à Cannes, il s’est finalement décidé à quitter définitivement le festival. La 67e édition sera la dernière de celui qui a contribué à sa renommée. La Croisette doit énormément à Gilles Jacob. Il a fait d’un petit festival un événement cinématographique majeur, d’une ville d’Alpes-Maritimes le centre du monde pendant 15 jours, chaque année en mai. Il a fait construire un nouveau palais, qu’il trouve d’ailleurs lui-même « laid ». Il a réussi la combinaison des quatre piliers du festival que Thierry Frémaux rappelait encore lors de la dernière conférence de presse : glamour, auteurs, professionnels et presse. Et puis bien sûr, il a fait de Cannes un rendez-vous économique fondamental pour le cinéma avec le Marché du film.

Cette grande fête qu’est Cannes aujourd’hui, c’est grâce à lui. Paradoxalement, c’est cet homme de l’ombre, plutôt discret et modeste qui a bâti cet événement médiatique où les plus grandes stars se bousculent sur le tapis rouge. C’est lui que vous retrouvez en haut des marches, observant d’un regard malicieux le bal des égos qui se joue devant les photographes. Mais sa place ici est logique. C’est une personnalité du cinéma. Après une enfance difficile – juif, il a du se cacher pendant la guerre, on le retrouve régulièrement arpentant les couloirs de la cinémathèque à Paris. Khâgneux à Louis Le Grand, il crée la revue Raccords, qui publiera les premiers articles de François Truffaut. En 1964, il assiste à son premier festival de Cannes. Il intègre ensuite Cinéma 64, Les nouvelles littéraires en 1968 puis L’express en 1972. Il sera obligé de quitter la rédaction après une critique virulente d’Histoire d’ O, que Jean-Jacques Servan Schreiber, fondateur de l’hebdomadaire, défend bec et ongles. Il présente alors Le Masque et la plume sur France 3 puis il est nommé délégué général du Festival en 1977.

Il doit visionner un nombre impressionnant de films et valider la sélection officielle. Audacieux, il n’a pas peur de présenter Apocalypse Now en 79, malgré toutes les complications de son montage. Il crée la “Caméra d’Or” et l’autre grande compétition “Un certain regard”. Son objectif est de mettre en avant les réalisateurs et les acteurs, Cannes devient alors une vitrine du cinéma mondial. Il permet aussi l’accroissement de la présence journalistique, ce qui offre une dimension internationale à la manifestation cinématographique. Vient alors la consécration en 2001 lorsqu’il est élu à la présidence du festival de Cannes. S’il n’a plus la charge de la sélection officielle, à laquelle il participe tout de même, c’est lui qui gère les relations avec les partenaires et qui fixe la ligne éditoriale.

Vous l’aurez compris, Gilles Jacob est lié au cinéma. Il écrit un film, en produit un autre, en réalise quelques-uns et apparaît dans plusieurs autres. Mais plus que cela, Gilles Jacob est lié à Cannes. Il a bâti pierre après pierre le festival. Il y a lié sa vie. Claude Lelouch décrivait Cannes comme « un escalier facile à monter… difficile à descendre ». Après avoir passé de nombreuses années en haut des marches, Gilles Jacob peut redescendre, lentement, la tête haute, en étant fier du travail accompli.

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