Ou peut-être hier, on ne sait plus. Deux ans après l’élection de François Hollande, l’addition est salée du point de vue des militants socialistes de gauche. Oui car grâce à François Hollande, et maintenant grâce à son premier ministre Manuel Valls, on se sent obliger de préciser socialiste “de gauche”, pour distinguer la majorité des cadres du parti – sociaux-démocrates – qui suivent la ligne du président de la République, de la minorité de moins en moins silencieuse de la gauche du Parti Socialiste, qui donne de la voix contre les mesures jugées trop rigoristes, trop favorables aux entreprises. Si le président de la République n’a pas réussi grand chose aux yeux de ceux qui l’ont élu en deux ans, il a réussi ce que beaucoup espéraient, et Valls le premier : il a tué la gauche française.
On parle toujours de la droitisation de l’UMP qui court après les voix du Front National, mais on ne mesure pas assez la transformation de la gauche française. François Hollande a gagné la présidentielle en deux temps : en déclarant que la finance était son ennemi lors du fameux discours du Bourget, et en se posant comme le président exemplaire, celui des valeurs de la République et de la gauche, face à celui qu’il accusait d’avoir diviser les Français, Nicolas Sarkozy. Seulement il a perdu sur les deux plans. Sur le plan des valeurs, le président a perdu en crédibilité au moment de l’affaire Gayet. Mais cela reste anecdotique. François Hollande, c’est celui qui voulait renégocier le traité européen, combattre la fraude et les paradis fiscaux, celui qui mettait en exergue l’égalité. Résultat, le pacte “Merkozy” a été signé, la fraude fiscale représente toujours 1.000 milliards d’euros par an, et les inégalités sociales n’ont jamais été aussi fortes. La sociale-démocratie tue la gauche de gouvernement traditionnelle : une majorité de députés élue pour soutenir la politique du président de la République sous l’étiquette socialiste d’un parti qui n’en a plus que le nom. Attention, en disant cela, je parle d’abord des cadres, et non des militants, et encore, ils ne sont pas tous devenus sociaux-démocrates. Une poignée d’irréductibles “gauchistes” veut résister encore et toujours aux envahisseurs libéraux, Sapin, Moscovici et autres Cambadélis.
Si je provoque un peu en disant que la gauche est morte, c’est parce que de la même manière que François Hollande s’est coupé des Français, le Parti Socialiste de Solférino a perdu sa base militante. Des dizaines de militants qui étaient là depuis vingt ou trente ans rendent leurs cartes, dégoûtés par tant de mensonges. Les députés se font malmener lorsqu’ils reviennent dans leurs circonscriptions, par des gens qui leur dise qu’ils n’ont pas voté pour ça, tout simplement. Tout le monde se sent trompé, abusé. Ils ont cru mettre Sarkozy dehors, ils prennent la même politique économique inégalitaire en pleine face. Le président de la République est pourtant sûr de son fait, avec une côte de popularité au plus bas (18 % d’opinion favorable), des députés frondeurs dans son propre camp, une défaite sévère lors des municipales. Il ne dévie pas d’un pouce de la ligne qu’il s’est fixé. Il va droit dans le mur, et la gauche avec lui.