SOCIÉTÉ

La culture du viol : un fléau quotidien

« T’as vu comme t’es habillée ? » « Tu cherches à te faire violer ou quoi ? » « Faut pas s’étonner si tu te fais violer en sortant comme ça ». Ces phrases récurrentes, adressées à des jeunes filles qui oseraient porter des jupes un peu courtes, ou des décolletés jugés un peu trop profonds, sont partie intégrante de la culture du viol. Mais ce qu’on appelle « culture du viol » est un concept bien plus large, qui soulève de nombreuses questions, mais qui est aussi sujet à de fréquentes indignations.

La culture du viol est un phénomène sociétal qui tolère le crime, voire même le banalise. « La culture du viol documente et décrit un environnement social et médiatique dans lequel les violences sexuelles trouvent des justifications, des excuses, sont simplement banalisées, ridiculisées, moquées, tolérées, voire acceptées » écrit Jocelyne Robert à propos de l’affaire Gab Roy. Plus simplement, c’est l’acceptation d’un viol, d’une agression sexuelle, d’un harcèlement, légitimé par une pluralité d’attitudes. La tenue vestimentaire de la victime, le pseudo consentement de la victime à coups de « si elle n’avait pas aimé ça, elle ne se serait pas faite violée », ou encore la minimisation du viol, constituent une part de la culture du viol.

Un panneau de manifestation qui témoigne de l'absurdité des raisons évoquées pour légitimer un viol

Un panneau de manifestation qui témoigne de l’absurdité des raisons évoquées pour légitimer un viol

La culture du viol, c’est ce que tout le monde conçoit, ce qui enferme les victimes dans leur silence. Un mutisme qui finit par les ronger et qui laisse des séquelles psychologiques conséquentes. La culture du viol, ce sont les barrières d’une prison que l’on construit pour la femme. C’est un tort de penser que la société a évolué. Bien sûr, les femmes ont eu le droit de vote. D’accord, le port de la jupe a été autorisé, des progrès sont à constater. Et pourtant, c’est toujours le même schéma de la société qui se dessine. On nous dresse le portrait de femmes dominées par leur père, par leur mari, leur patron, en somme, par toutes les figures masculines qui les entourent. Alors non, la société n’a pas tant évolué que ça. Et même si le port de la jupe est autorisé, regardez combien de regards se tournent vers une femme en jupe. D’accord, c’est autorisé, mais ce n’est pas pour autant accepté par tout le monde –surtout si la jupe est courte. Des changements de comportements sont à envisager, et cela commence maintenant. Par moi, par vous, par les hommes, mais aussi par les femmes. Hé oui ! Car bien souvent, on attribue aux hommes cette faculté à déshumaniser la femme, à l’humilier. Pourtant, ce n’est pas un comportement typique du chromosome Y, loin de là !

Le slut-shaming en est d’ailleurs une parfaite illustration. Le slut-shaming (en français intimidation -ou humiliation- des salopes ») est une attitude pratiquée autant par des hommes que par des femmes. Vous savez, le genre de commentaires qui s’applique à des femmes qui auraient eu des relations sexuelles jugées trop nombreuses. On colle une étiquette de « salope », de « pute ». C’est aussi des réflexions sur la manière de s’habiller, parce que ceci est trop moulant, ou trop dénudé. Ce comportement est aussi une forme de harcèlement sexuel, à ne pas minimiser. Culpabiliser une femme à cause de son comportement sexuel, c’est le début de ce qu’on appelle le victim-blaming (blâme de la victime littéralement).

Panneau de manifestation qui montre que la société apprend aux filles à ne pas se faire violer, plutôt qu'aux garçons à ne pas violer

Panneau de manifestation qui montre que la société apprend aux filles à ne pas se faire violer, plutôt qu’aux garçons à ne pas violer

Là, encore, il s’agit d’une composante de la culture du viol. Bien souvent, lorsqu’un viol est rendu public, la victime est jugée comme responsable à cause de sa tenue, à cause de son état d’ébriété. Parfois même, on assiste à une réelle remise en cause du non-consentement de la victime. « Elle l’avait voulu » ou bien « elle a aimé ça » sont des phrases couramment prononcées à l’issue d’un viol. Pourtant, dès lors qu’il n’y a pas de consentement réellement établi, il y a viol. Néanmoins, certains problèmes se posent au niveau judiciaire, quant au viol. Contrairement à d’autres crimes comme des homicides, ou des violences  physiques, le viol n’est pas universellement condamné dans nos sociétés.

La culture du viol s’installe, car on la laisse s’installer. Pourtant, la minimisation du viol ne devrait pas être acceptée. Chaque agression est grave, et chaque déposition devrait être prise sans qu’il y ait de commentaires désobligeants ou de questions suspicieuses. La parole de la victime ne devrait jamais être remise en cause.

Ce qu’il faut comprendre à propos de la culture du viol, c’est que ce concept s’inscrit dans la société et ne cesse de développer. Si ce développement est aussi considérable, c’est que tout le monde y participe. Car je suis sûre que vous avez tous déjà été témoins de l’un de ces comportements. Dénoncer la culture du viol, c’est bien plus que dire « ce n’est pas bien », c’est souligner la banalisation et la dédramatisation du viol, la culpabilisation des victimes, la déresponsabilisation des agresseurs. « En cas de viol, la culture du viol permet collectivement de justifier le viol, de le dédramatiser, de le banaliser, de le relativiser en questionnant la responsabilité de la victime, en remettant en question notamment son consentement, supposé par son attitude » comme l’explique Tanya St-Jean, fondatrice du site jesuisindestructible.tumblr.com.

Vous ne le remarquez peut-être pas, mais nous sommes envahis par la culture du viol. Regardez un clip d’une chanson pop à la télé, la violence et l’exploitation sexuelle sont devenues des dispositifs « naturels » de la culture pop. On entend bien souvent parler de viols collectifs, sachez que ça arrive en France aussi ! Mais plus généralement, dans votre quotidien, les réflexions ne se font pas rares et relèvent bien souvent du harcèlement sexuel et de la culture du viol. Pour une jupe trop remontée, pour un décolleté trop peu caché, toutes les raisons sont bonnes. Et il est possible que même sans vous rendre compte, vous soyez aussi l’auteur(e) de certaines de ces remarques. La culture du viol, elle s’entretient, notamment dans les discours délivrés dans la plus grande inconscience. Et si c’est nous, si c’est vous, qui l’entretenez, c’est aussi vous qui pouvez l’arrêter.

Journaliste en terre bretonne, je vagabonde entre les pays pour cultiver ma passion de théâtre, de musique et de poivrons (surtout de poivrons). J'essaie tant bien que mal d'éduquer à l'égalité entre les sexes, il paraît qu'on appelle ça le féminisme. J'aime bien les séries télé dans mon canapé et passer des soirées dans les salles obscures. Bref, peut-être ici la seule personne normale.

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