Du 21 au 24 Mars 2014 au Parc des expositions de la porte de Versailles se tenait le Salon du livre de Paris. Si l’Argentine et Shanghaï étaient à l’honneur cette année, les évènements, rencontres, conférences, dédicaces étaient nombreux et se comptaient par milliers ! Nous vous livrons un retour sur le weekend intense et passionnant passé là-bas dans 55000m² de stands consacrés à la littérature.
Un lieu entièrement dédié à la littérature
Le salon du livre a accueilli 198 000 visiteurs en cinq jours, soit 8 000 de plus que l’an dernier. Pour Vincent Montagne, président du Salon du livre de Paris et président du Syndicat national de l’édition, ce chiffre exorbitant montre l’impact de la littérature et de la culture dans la société française dont beaucoup de pays s’inspirent. Créé en 1981 et organisé par le syndicat national de l’édition, il a toujours accueilli un grand nombre de visiteurs, variant de 136 046 à 241 000. C’est, aujourd’hui, le plus grand salon du livre européen et sans aucun doute l’un des plus grands au monde.
Ce qui frappe quand on entre, c’est l’immensité du lieu. C’est tellement facile de se perdre pour trouver la sortie. Alors comment ne pas croire en cette affirmation de Vincent Montagne ? En effet, cet espace incroyable rempli de livres est fascinant et nous montre parfaitement que le livre papier, et bien plus, que le livre en général n’est pas mort. Avec pas moins de 1200 exposants et de 3500 auteurs présents, le salon du livre de Paris est un lieu entièrement dédié à la littérature qui vit et palpite à chaque coin de stand.
Mais pourquoi aller au salon du livre ? C’est ce à quoi nous voulons répondre dans cet article.
Au salon du livre de Paris, on avance dans les allées pleines de livres, on se balade dans une forêt de feuilles, ici des feuilles blanches remplies de mots. Ça pétille de rires, d’échanges, de conversations… On achète en se disant que c’est le moment, on croise tellement de personnes tout autant férues de livres.
Quand on interroge les lecteurs quant à leur venue au salon du livre c’est assez simple : « pour rencontrer des auteurs, des lecteurs, pour vivre un week-end basé sur l’amour et la passion de la lecture » dit Jennifer, lectrice. C’est aussi l’occasion « d’assister à des conférences », souligne Alicia, blogueuse, sur certains romans, mais aussi sur la littérature en général et toutes les questions qu’elle se pose aujourd’hui : le numérique, l’auto-édition, et bien d’autres choses… C’est aussi « pour l’ambiance, pour Paris », affirme Iris, lectrice aussi, ou, comme le dit si bien Amélie, lectrice : « pour rencontrer enfin le visage derrière les mots ».
Alors oui, lieu pour les lecteurs et pour faire des rencontres inoubliables, ce dont nous allons reparler, lieu pour les professionnels et assister à des échanges sur les questions que la littérature et l’édition posent et se posent aujourd’hui, lieu pour toutes les personnes liées de près ou de loin à la littérature, le salon attire autant de monde, tout simplement « pour passer un week-end inoubliable », comme le dit si bien Justine, auteure et lectrice.
Il y a une conférence, des questions, des réflexions… Il y a des auteurs qu’on apprécie et qui discutent ensemble, on voit cette alchimie touchante entre eux, des amis. On voit qu’ils ont leurs idées, leurs réflexions. On se met à réfléchir nous-mêmes sur la dystopie, sur la littérature, sur la littérature jeunesse, sur les visées politiques… parce que c’est ça aussi le salon, un rendez-vous pour penser, réfléchir autour de la littérature. Pour s’interroger : derrière les livres, il y a aussi des idées. -Tom
Nous sommes dimanche, il est treize heures trente. C’est l’heure de retrouver mes deux partenaires pour participer au jeu Harry Potter organisé par les éditions Gallimard Jeunesse. Les équipes se forment, les tables de jeu se préparent, les règles sont expliquées… Et c’est parti ! Les questions s’enchaînent, les réponses fusent, les personnages avancent sur le plateau de jeu… Première manche terminée, nous avons réussi et passons en finale. Une nouvelle partie démarre, toujours plus de questions, toujours plus de réponses. La compétition s’intensifie… Par à quelques secondes près de la victoire, une équipe nous rattrape. Égalité ! Départager nos deux équipes est difficile. Après une seconde égalité, nous n’arrivons pas à nous imposer gagnantes. La faute à quelques millisecondes, il fallait lever la main le plus vite possible… – Clémentine
Un lieu de rencontres et de partage
Au salon du livre, il y a des auteurs sympathiques, mais aussi certains qui le sont un peu moins ; il y a ceux qui n’ont pas beaucoup de lecteurs et qui s’ennuient, alors que leurs voisins ne vont pas lever le nez de leurs dédicaces de tout l’après-midi ; il y a aussi les auteurs en avance, les auteurs en retard, ceux qui ont oublié de venir, ou encore ceux qui ne sont là qu’en tant que visiteurs. Mais s’ils viennent, c’est avant tout pour rencontrer leurs lecteurs. Des lecteurs parfois prêts à attendre des heures pour faire quelques mètres, pour faire La rencontre tant attendue. Un sourire, quelques mots, une rencontre souvent trop courte…
On dit parfois que le salon du livre de Paris est trop grand et qu’il y a trop de monde, mais c’est tout de même un évènement important. Pour les lecteurs qui peuvent rencontrer un maximum d’auteurs en peu de temps, pour les auteurs qui peuvent se faire une idée de leur public et pour les éditeurs, qui doivent vendre une quantité non négligeable de livres. Il ne faut pas omettre le fait que lorsque l’auteur est là, le livre a beaucoup plus de chance d’être acheté !
Et parmi tous les lecteurs, auteurs et éditeurs, des hybrides existent : les blogueurs. Ils viennent des quatre coins des pays francophones, parlent aussi longtemps avec les lecteurs, auteurs et éditeurs mais sont techniquement de la première de ces catégories. Le blogueur type possède un blog où il donne son avis sur ses lectures et connaît un grand nombre d’autres blogueurs. Mais voilà, le blogueur a un problème : il ne peut généralement rencontrer ses amis blogueurs que dans les salons du livre… Alors le blogueur vient au salon ! Il y reste souvent le week-end et fait des rencontres magiques. Il n’a pas peur des files interminables pour une dédicace ou pour acheter son sandwich le midi, il fait connaissance avec ses voisins de file d’attente, il va voir des conférences où il retrouve d’autres blogueurs, il retrouve un peu les mêmes auteurs sur chaque salon, il retrouve aussi certains éditeurs, il explose son forfait parce qu’il ne retrouve pas ses amis blogueurs et se perd… Le blogueur parle de ce week-end des mois avant d’y aller, il en profite un maximum, puis rentre chez lui, loin de toute cette agitation… Le blogueur a un autre problème : dans un article, il lui arrive de parler de lui à la troisième personne…
Le salon du livre de Paris est donc un rendez-vous incontournable pour tous les amoureux des livres, où rencontres et partage sont au rendez-vous. Un lieu où le lecteur peut franchir la barrière du papier et discuter avec l’auteur, ne serait-ce parfois que pour quelques secondes…
Je viens saluer des connaissances sur le stand Robert Laffont. Alors on me présente Amy Gordon, grande agente littéraire YA (Young Adult) aux Etats-Unis qui va accompagner Glenn Tavennec (directeur de la collection R) au festival du livre de Bologne. Impressionné. Bredouillant. Anglais difficilement assemblé. Et la conversation qui devient un peu plus facile. Plus fluide. On échange livres, coups de cœur, édition, traduction, films… l’heure tourne et les minutes s’enchaînent. C’est ça un salon du livre : une rencontre, une discussion, les livres, une photo, une carte de visite glissée dans la poche et le sourire, l’impression de repartir enrichi, comblé par le simple contact humain. – Nathan
Parce que le salon c’est une rencontre inoubliable. Parce que le salon c’est la possibilité de rencontrer personnellement une auteure, de l’interviewer. De passer un moment seul à seul, unique. Avec le rire et la joie de Simone Elkeles, c’est oublier un moment la foule du salon et n’avoir plus que quelques visages avec soi et discuter. Une rencontre humaine riche et l’occasion de découvrir derrière les livres une personne, un humain, tout comme l’occasion d’avoir une vision plus riche, plus large, plus sensible des romans. Plus qu’un livre, l’imagination et l’univers d’une personne. -Tom
Mais un lieu mondain et commercial
Pourtant, nous ressortons de ces deux jours passionnants avec un (léger) ressentiment qui ajoute au bilan de cet évènement un point négatif non négligeable.
Pour les courageux qui veulent profiter de façon matinale des allées encore peu encombrées du salon, il est possible d’arriver au salon dès 10h. Le spectacle qui s’offre alors est saisissant : un attroupement de professionnels à l’entrée qui leur est dédiée. Petit moment d’égarement pour qui ne sait pas de quel côté affronter la bête. Le parc des Expositions n’est pourtant colonisé par le salon que dans un seul pavillon. Un peu plus loin, l’entrée des visiteurs, déjà assaillie de centaines de lecteurs. Là on nous fait patienter dans le désordre, on nous demande de déposer nos sacs à dos si on y transporte des livres : le comble. Les entrées à 10€, les sacs de toile au même prix et la somme exorbitante que doivent dépenser les éditeurs ne leur rapportent-ils pas assez ? Il faut en plus que nous payions tous les livres que nous voudrons faire dédicacer ?
C’est un tableau étonnant qui s’offre alors à vous ; autant dire qu’il s’agit d’une librairie géante ! Des livres à perte de vue, des stands qui regorgent d’inventivité pour décorer… ou d’ingéniosité pour optimiser au mieux l’espace. Seulement, on est bien loin de l’ambiance agréable des petits salons ou du côté chaleureux et riche en partage du salon du livre jeunesse de Montreuil. Les plus gros stands se battent les meilleures places –centrales–, les banderoles les plus hautes possibles et les plus gros évènements : Katherine Pancol, Pierre Lemaître et Amélie Nothomb pour Albin Michel, Douglas Kennedy ou Gilles Legardinier chez Pocket, Marc Lavoine et William Boyd chez le Seuil… la liste est longue. Dans leurs coins, les plus modestes éditeurs voire éditeurs indépendants –qui sont tout de même nombreux !– se partagent des stands qui ne font même pas la moitié des plus gros et se trouvent un petit espace où vendre.
On exhibe les derniers best-sellers, on en imprime des affiches géantes et on est parfois bien plus proche de la vitrine de librairie que la librairie elle-même.
Et baladez-vous un peu et vous croiserez nombre de personnalités… Marc Lavoine dédicace sa biographie, Ségolène Royal fait son entrée, on croise Jean Rochefort et quelques acteurs connus. Tout ce beau monde a peut-être publié, ou quelque connaissance à rencontrer, il n’empêche que le côté mondain est bien net : ils posent, les flashs crépitent, les smartphones sont dégainés. On les repère de loin les attroupements et si la curiosité l’emporte d’abord, on a aussitôt envie de repartir profiter… des livres. Car c’est pour ça que nous sommes là, non ?
Enfin, il y a la présence médiatique… parfois écrasante. Les stands radio, casés dans un coin, sont un lieu d’échanges dont peuvent profiter les Français qui n’ont pas eu la chance –ou l’envie– de venir. Mais les journalistes, micros et caméras se baladent… aussi à la dédicace d’Edouard Louis, jeune auteur phénomène qui fait polémique ces derniers temps, ils deviennent étouffants, filment et enregistrent les rencontres –personnelles…– et insistent désespérément pour pouvoir l’interviewer. En vain.
Il fait chaud, il y a à gauche William Boyd qui dédicace James Bond, à droite Marc Lavoine et des dizaines de fans. Derrière, quelques personnes qui commencent à s’ajouter à la file d’attente pour la dédicace d’Edouard Louis. Ça grandit, ça augmente, la télévision attend, les gens poussent, c’est oppressant. Certains doublent violemment. D’autres essayent de conserver leur place. Dans tout ça, j’arrive à me retrouver face à lui. Charmant garçon, sensible, visiblement gêné par l’ambiance, touché par mes mots, il glisse quelques-uns des siens sur le livre que j’ai apporté et presqu’aussitôt, le temps d’une photo ratée que je viendrais refaire plus tard, je suis comme éjecté de la foule. Et me voilà les jambes tremblantes, ému par cette rencontre et choqué par l’attitude des gens et celles des journalistes qui insistent, quitte à le mettre terriblement mal à l’aise. – Nathan
Nous sommes dimanche, il est l’heure de partir. Les au revoir ont déjà été faits, mais les allées sont toujours aussi pleines. Malgré tout, le métro se remplit immédiatement lorsqu’il entre dans la station. Un week-end qui se termine, des rencontres merveilleuses, une page qui se tourne… Je pars heureuse et des souvenirs plein la tête. Je ne vais pas tarder à m’écrouler de fatigue dans le train et la journée de cours va être très difficile demain, mais si c’était à refaire je n’hésiterais pas une seule seconde ! – Clémentine








