LITTÉRATURE

Voyage au centre de la terre – Jules Verne

La nouvelle année prend ses aises, apportant son lot de promesses et de réussites, comme ce fut le cas en 1863 pour le professeur Lindenbrock qui s’apprêtait à vivre là une aventure qui allait bouleverser son existence. Et si vous n’êtes pas destinés à descendre au cœur du monde, le roman que Jules Verne écrivit au XIXème siècle pourra néanmoins vous permettre de vous évader dans un monde caché, un monde intérieur où tout reste encore à découvrir.

Le combats des Titans sur la mer intérieure du globe, par

Le combats des Titans sur la mer intérieure du globe, par Riou

La roche caressée par les vents froids, les ombres légères luttant pour le retour de la nuit retenue en otage par un soleil austral qui jamais ne disparaît alors que l’été s’installe, et surtout, la colossale silhouette du Sneffels qui se détache sur l’horizon pierreux et volcanique. Géant endormi ou veillant, tout juste visité par quelques âmes téméraires dont l’une d’elles s’est ingéniée à tracer ses découvertes dans un message codé récupéré des siècles plus tard par l’impossible Mr Lindenbrock, le volcan Sneffels offre un décor idéal à Jules Verne pour plonger ses personnages dans une quête qui s’ancre parfaitement dans les découvertes de son temps. Car Le Voyage au centre de la terre est avant tout une discussion avec les théoriciens géologues sur l’origine de la terre et de son cœur supposé en fusion. Le champ scientifique se confond avec le littéraire dans ce roman à la trame initiatique que doivent traverser le savant Lindenbrock et son jeune neveu, Axel, alors qu’ils se lancent sur les traces d’Arne Saknussemm, cet alchimiste islandais du XVIème siècle prétendant s’être glissé jusqu’au centre de la terre en pénétrant dans un volcan éteint d’Islande. Otto Lindenbrock, cet excentrique géologue faisant carrière à l’université de Johannaenum, voit en le cryptogramme trouvé par hasard dans un très vieux livre écrit en finnois, une occasion en or pour couronner sa carrière et bien entendu, pour assouvir sa soif de connaissance, puisqu’au XIXème siècle, nul n’a encore pénétré les mystères du globe terrestre.

Quittant sans hésitation sa bonne vieille Allemagne pour la terre australe, il part donc, fort de la théorie d’Humphry Davis qui soutient que plus l’on pénètre au cœur de la terre, moins la température est élevée, contrairement à ce que suppose Axel, son neveu, beaucoup moins enclin que lui à partir dans une aventure qu’il juge mortelle. S’appuyant sur les réflexions de Sinméon Denis Poisson, Axel pense en effet le cœur de la terre comme un espace en fusion d’où la vie est absente mais à cela, le professeur avide de reconnaissance et de découvertes, fait la sourde oreille, et exige au jeune homme de l’accompagner, quoi qu’il en coûte ! Laissant bien au regret sa fiancée GraüBen derrière lui –  qui contre toutes attentes, le pousse avec empressement dans cette aventure – Axel emboîte donc le pas à son oncle et s’offre au labyrinthe volcanique sitôt les calendes de juillet atteintes, ce qui correspond aux derniers jours de juin. Le chemin des deux explorateurs va alors croiser celui d’Hans, un Islandais incarnant la force tranquille mais dont l’aide sera précieuse, à tel point qu’il deviendra le mentor d’Axel.

Voyage au centre de la terre par Riou

Voyage au centre de la terre par Riou

 Cette descente au cœur des profondeurs implique de même une incursion dans l’intériorité des personnages, qui se dévoilent et se révèlent dans cet espace synonyme de matrice, d’origine. Franchissant par degrés l’accession au monde inconnu et autarcique qu’abrite jalousement la croûte terrestre, les trois explorateurs se doivent de franchir eux-même des étapes de maturation personnelle, de s’ouvrir à ce qui est autre. Ainsi le jeune Axel condamnant cette expédition avant même qu’elle ne commence, voit sa vision du monde transformée à mesure qu’il évolue entre les pierres, témoins des âges éloignés. Il se découvre alors une curiosité affûtée par des situations limites, c’est-à-dire par des dangers qui le poussent dans ses retranchements et l’incitent à trouver des réponses à des phénomènes qui en temps normal, lui auraient échappé. Son égarement dans une galerie obscure qui manque de le perdre à jamais tout en lui promettant une mort douloureuse en est un exemple probant, où seule l’ingéniosité et la perspicacité scientifique du jeune homme parviennent à le sortir de ce mauvais pas. Prise de confiance en soi, comme en l’autre, ce n’est que grâce aux forces conjuguées des trois hommes Lindenbrock représentant la force intellectuelle, Hans, la force physique et Axel, la force de la jeunesse que l’avancée se voit couronnée par la découverte du monde primaire, ce monde intérieur, régi par des lois sensiblement éloignées de celles régnant sur terre. L’aventure prend donc un tour tout à fait surprenant pour ces trois esprits désormais prêts à accepter l’improbable, puisqu’en effet, contrariant toute pensée rationnelle, la descente au cœur de la terre tend à valider la théorie de Davis, la chaleur n’augmentant que faiblement. Confrontés à un véritable cosmos intra-terrestre, les explorateurs vont alors se trouver en présence de formes animales, végétales et humaines issues d’âges immémoriaux parmi lesquelles il leur faudra se frayer un chemin sous les caprices d’un climat gouverné par d’étranges phénomènes électriques. Éclairant les lecteurs par des explications sur les phénomènes physiques et chimiques rencontrés au fil de cette aventure, Jules Verne parvient à emmener qui le lit aux côtés des personnages, sans jamais perdre l’attention du novice, qui du même fait, s’initie, du moins en théorie, aux découvertes souterraines.

Mêlant plusieurs découvertes notoires de l’époque comme la cryptologie, ou bien les recherches paléontologiques ainsi que les thèses géologiques, Jules Verne parvient à condenser dans les quarante-cinq chapitres de ce roman de science-fiction, un scénario qui aurait pu tout à fait se dérouler à l’époque de son écriture, détail important, puisque l’histoire parut en 1964, soit un an après le déroulement des événements. Cette vraisemblance théorique ne retrouve malheureusement pas son pendant avec les découvertes actuelles mais Voyage au Centre de la la Terre reste tout de même un classique à lire !

Maître ès lettres. Passionnée par la littérature et les arts | m.roux@mazemag.fr

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