CINÉMA

Restless, funestement romantique

Une admiratrice de Darwin, des enterrements pour passer le temps et un jeune homme ayant pour meilleur ami un kamikaze japonais imaginaire : voilà qui pourrait résumer Restless, film sorti en France en 2011 et produit par Gus Van Sant, réalisateur américain dont les lettres de noblesse et la notoriété ne sont plus à faire, avec des films cultes tel Paranoid Park ou Elephant. Mais cela resterait néanmoins relativement simpliste et réducteur face à ce chef-d’œuvre.
Restless, c’est la rencontre improbable et extraordinaire de deux personnages : Enoch, joué par Henry Hopper, peu connu mais qui gagne à l’être, et Anabel, Mia Wasikowska, l’Alice du film de Burton tiré de l’œuvre de Carol.
Cherchant à compenser le fait qu’il n’ait pu assister aux obsèques de ses parents durant son coma, un jeune homme – Enoch – se rend aux funérailles de nombreux inconnus, et y fait la connaissance de la pétillante Anabel, qui lui sauve la mise face à un employé des pompes funèbres. Bien sûr, les deux jeunes protagonistes tombent amoureux l’un de l’autre. Mais comme souvent au cinéma … il serait bien trop facile et bien peu intéressant de suivre le plan « la rencontre – le mariage – la fin » … Réunis tant dans la proximité de la mort – Enoch ayant perdu ses parents dans un accident de voiture et étant passé quelques minutes « de l’autre côté » et Mia souffrant d’un cancer du cerveau qui ne lui laisse que quelques mois à vivre – que dans l’amour, les deux jeunes gens décident de vivre au jour le jour leur passion sans se lamenter sur la noirceur funeste de leur court futur, auxquel ils ne peuvent échapper. Totalement déconnectés de la réalité, dans une splendide acceptation de l’inévitable, la force de leur couple est dans leur incroyable et permanente positivité joyeuse.De splendides scènes nous illustrent de très beaux moments d’intimité entre Enoch et Anabel – qui, consciente de l’ultimatum qui est le sien n’a pour mot d’ordre que de profiter de la vie et de tout ce que cette dernière peut lui apporter. Les dialogues empreints de poésie ne peuvent qu’émouvoir les plus réfractaires au sentimentalisme d’entre nous et font preuve d’un bel humour.
Les deux personnages sont tout à la fois : ordinaires et extraordinaires. Restless est un hymne au caractère éphémère de la vie.

Restless

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« On me fait une transfusion demain, donc si tu veux tu peux me rejoindre ! » « J’adore quand les filles me demandent ça ! »

Au risque d’en décevoir certains, Restless ne se regarde pas pour sa trame scénaristique : aucun événement majeur n’apparaît durant l’histoire, et on sait très rapidement qu’Anabel va mourir. Vous le dire ne dévoile pas l’intrigue. Mais ce film se regarde pour sa philosophie qui n’est pas sans nous rappeler celle des épicuriens, et pour la belle leçon de vie qu’il nous apporte, outre bien sûr quatre vingt minutes de plaisir visuel.

Un film qui traite à la fois de l’amour et de la mort (thème récurrent dans l’œuvre du réalisateur), c’est peu original me direz-vous : des thèmes usés jusqu’à la corde, tant par des grands classiques que par des productions télévisuelles plus casuelles. Mais l’attrait de Restless est dans l’approche que Van Sant a eu de ces deux thèmes. Au lieu d’opposer l’un à l’autre, avec un magnifique happy end hollywoodien, le réalisateur préfère imprégner totalement son film de ces thèmes sans jamais tomber dans le pathos (le couple va jusqu’à imaginer la mort romanesque d’Anabel) pour mieux toucher son public, et clore son film sur une fin troublante où chacun fait sa propre hypothèse. L’ami imaginaire d’Enoch, le kamikaze japonais Hiroshi joue par ailleurs le rôle d’allégorie durant tout le film pour nous rappeler que pour le couple, la mort fait partie du quotidien.

La réalisation du film est quant à elle particulièrement ‘académique’, tout en restant rafraichissante et conférant au film un esthétisme correct mais peu innovant : les cadrages sont serrés, les visages sont illuminés, les scènes d’extérieur bien éclairées. Bien fait et plaisant.

Jouant la carte du décalé pour dédramatiser la mort, Restless est pour moi un monument du cinéma, qui arrive à concilier les deux mondes totalement opposés que sont la mort et l’adolescence grâce à la patte experte de Van Sant, sans toutefois faire tomber le spectateur dans une dépression totale. Restless, un film triste dont on sort le sourire aux lèvres.

Vous détestez m'aimer, vous aimeriez me détester. Philosophe du dimanche (mais seulement du dimanche), on m'appellera bientôt le Claude Lantier du XXI° siècle. Sinon wallah moi ça va tranquille.

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