SOCIÉTÉ

Quelle réussite scolaire pour la France ?

Qu’est ce que la réussite scolaire ? Ce concept fait référence à l’acquisition de savoirs : les résultats scolaires et diplômes sont les indicateurs de cette réussite. On nous parle sans cesse d’un système éducatif français peu productif, pas assez performant ou encore mal organisé. L’éducation demeure un secteur où les réformes satisfont difficilement car elles concernent la formation des générations. On retrouve un conflit d’intérêts entre différents lobbies (professeurs, entreprises, parents…). La réussite scolaire passe par l’apprentissage des connaissances essentielles pour pouvoir évoluer dans la société et participer à la vie active. Il faut savoir qu’un pays a besoin d’une main d’œuvre formée pouvant porter son innovation et donc entraîner de la croissance. La France obtient des scores moyens dans le rapport PISA 2009 (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) concernant l’éducation dans les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Le test PISA prend en compte la compréhension de l’écrit, les mathématiques et les sciences : la France totalise 496, 497 et 498 points pour une moyenne de l’OCDE de 493, 496 et  501. On peut voir que les résultats sont moyens et que des pays ont des résultats similaires (Irlande) voire supérieurs (Pologne) avec des PIB inférieurs à celui de la France.

Tout d’abord, pour mieux comprendre le système éducatif français et ses difficultés actuelles, il faut prendre en compte une donnée importante : un des facteurs de réussite à l’école est l’origine sociale. A partir des années 1960, l’école s’est comportée en ascenseur social grâce à l’augmentation des effectifs (génération du baby boom), la volonté du gouvernement (la durée de scolarisation passe de 14 à 16 ans pour augmenter la formation d’élite) et à la volonté des familles (poussée par l’augmentation du niveau de vie durant les trente glorieuses). Cependant, l’école ne joue plus ce rôle dès les années 70 et tend à devenir un outil de reproduction sociale. Le phénomène s’accentue dans les années 90. Ce sont les sociologues Bourdieu et Passeron qui en font le sujet central d’une étude, Les Héritiers, les étudiants et la culture, et mettent ainsi en évidence l’inégalité des chances. La question est « quelle est son origine ? » Une des bases de cette reproduction sociale, et donc de l’inégalité des chances, est l’origine sociale de l’élève : elle détermine son capital culturel (ensemble des connaissances amassées par un individu) expliquant ainsi l’inégalité entre les élèves de différents milieux sociaux. Cette « culture » est nécessaire dans le milieu scolaire et le niveau de qualification des parents influe souvent sur les résultats des enfants.

Ainsi  75.3 % d’enfants de cadres accèdent à un baccalauréat général contre 33.2 % des enfants d’ouvriers en 2009. Cependant, il faut nuancer ces données avec l’évolution de l’obtention du BAC des générations avant 1929 et des années 1980. En effet, 35 % des enfants de cadres nés avant 29 obtiennent le bac contre 1 % des enfants d’ouvriers alors que pour la génération de 80, 90 % des enfants de cadres obtiennent le BAC contre 49 % pour les enfants d’ouvriers. Ainsi, on observe une augmentation de 20 % des écarts. Cependant, les enfants d’ouvriers ont rattrapé les enfants de cadres de la génération 39-48 qui avaient pris une grande avance. Bien que l’origine sociale soit importante, elle peut être dépassée par les élèves si les méthodes pédagogiques prennent en compte ces différences.

classe

Ainsi, la mise en place des Zones d’Éducation Prioritaire, crées en 1981 par M.Savary, ont pour objectif  “la lutte contre l’échec scolaire et les inégalités sociales devant l’école” et “la démocratisation de la formation scolaire”  (circulaire du 1er juillet 1981). Après avoir subi plusieurs modifications en Réseaux d’Ambition Réussite et Réseaux de Réussite Scolaire, les ZEP bénéficient surtout d’heures d’enseignement en plus, ce qui permet de baisser les effectifs dans les classes. On assiste à un succès mitigé. Tout d’abord, dans une partie des ZEP, l’homogénéité sociale s’est accrue : en effet certains collèges sont fuis par 30 voire 40 % de la population scolaire et sont constitués de 80 à 90 % d’élèves issus de l’immigration (Éducation & formations -n° 61-octobre-décembre 2001). Cette partie des ZEP est en difficulté avec un personnel éducatif qui change souvent (50 % chaque année dans certains collèges). Cependant il existe une autre catégorie de ZEP qui engrange de très bons résultats, dont la recette du succès est « une taille plutôt modeste, un style de vie scolaire plutôt convivial, une bonne discipline et un bon climat, des exigences fermes, une forte exposition à l’apprentissage, des dispositifs de soutien importants, des pratiques pédagogiques innovantes et une direction attentive à la cohérence de ces pratiques » (A. Grisay). On assiste donc à un bilan mitigé mais il faut cependant noter que la création des ZEP est le premier pas dans la politique de lutte contre les inégalités des chances. Un autre exemple de ce combat est l’ouverture et la facilitation d’entrée dans des grandes écoles pour les élèves issus de milieux défavorisés, telles que Science Po Paris.

En France subsiste l’idée selon laquelle l’enseignement privé serait meilleur que le public. Il y a trois formes d’enseignement privé : l’enseignement sous contrat d’association (les enseignants sont rémunérés par l’État et l‘établissement reçoit des subventions de la collectivité régionale concernée), sous contrat simple (les professeurs sont rémunérés par l’État) et hors contrat (contenu de l’enseignement libre avec la limite de l’obligation scolaire). Les facteurs  motivant les changements du public vers le privé (ou l’inverse) sont les difficultés de l’élève, la recherche d’un meilleur enseignement, les affinités culturelles ou religieuses. Ils se situent souvent à la fin du CM2 et à la fin de la troisième (Éducation & formations – n°69 – Juillet 2004). Cependant, s’il est prouvé qu’un élève ayant passé tout son secondaire dans un établissement privé a 78.4 % de chances d’obtenir  son BAC contre 67.8 % dans le public (panel 1995 de l’éducation nationale) ; il n’en demeure pas moins que si l’élève a des difficultés au départ du public, il aura du mal à les combler même après son changement d’établissement. En fait, la principale raison pour laquelle l’école privée a de meilleurs résultats est qu’elle est principalement constituée d’élèves provenant de populations aisées avec un fort capital culturel. On retombe donc sur le même problème de reproduction sociale évoqué plus haut.

Ainsi en France l’enseignement, diffuseur des valeurs républicaines, ne fonctionne plus en ascenseur social mais en reproducteur d’inégalités. Nous pouvons cependant noter des initiatives (contrats de réussite, conventions prioritaires) luttant contre les différences entre les élèves. Pour rétablir l’égalité des chances en France ne faudrait-il pas chercher à régler le problème en profondeur, c’est-à-dire passer par une réduction des écarts sociaux, plutôt que d’essayer de combler les disparités entre les élèves ?

Étudiante àSciences Po Lille.

You may also like

More in SOCIÉTÉ