SOCIÉTÉ

Haro sur la réforme !

La réforme des rythmes scolaires rétablissant la semaine de quatre jours et demi en maternelle et en primaire est entrée en application à la rentrée 2013 pour les écoliers de près de 4 000 écoles françaises. Une évolution qui ne se fait pas sans accrocs.

C’était une des réformes emblématiques proposées par François Hollande lors de sa prise de fonction : le retour à la semaine de quatre jours et demi, avec école le mercredi matin, sans que cela change les 24 heures de cours hebdomadaires proposées précédemment. La volonté était de répondre aux injonctions de nombreux scientifiques qui appelaient à une meilleure répartition du temps scolaire pour réduire la fatigue des élèves et donc améliorer la qualité des apprentissages, tout en assurant un meilleur équilibre entre temps scolaire et périscolaire. La journée d’école est ainsi réduite en moyenne de 45 minutes, les élèves terminant en général vers 15h45 au lieu de 16h30 auparavant. Puis, jusqu’à 16h30, les élèves doivent en toute logique être pris en charge dans le cadre d’activités périscolaires liées aux projets éducatifs. Autre objectif : aligner le nombre de journées d’école sur nos voisins européens. Ainsi, au lieu d’une année scolaire de 144 jours, la réforme Peillon la fait monter à 180 jours, à l’exemple de la Grande-Bretagne où elle fait 190 jours, ou de l’Allemagne (208 jours).

Mais, dans la réalité, les situations sont plus complexes. En de nombreux endroits, les principes se heurtent à la réalité. C’est le cas de la ville d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), qui a focalisé l’agitation médiatique. C’est une ville pauvre, où la quasi-totalité des quartiers se trouve en Zone d’Education Prioritaire (ZEP). Les grèves s’y sont prolongées : d’abord celle des animateurs demandant de meilleures conditions de travail ; puis ce sont les professeurs qui leur ont emboîté le pas en dénonçant le bazar mis par la réforme. Enfin, ce sont les parents qui ont poursuivi la contestation, par l’occupation de plusieurs écoles. L’établissement à la pointe de la contestation a été l’école primaire Robespierre. Là-bas, le souci vient du manque de locaux qui ne permet d’organiser que 12 des 26 activités périscolaires prévues. Mais les professeurs refusent de laisser leurs classes, du fait qu’ils y réalisent le lundi du soutien scolaire et le jeudi le rassemblement de l’équipe pédagogique. Les activités se font donc de manière improvisée, dans la salle informatique ou bien dans le réfectoire.

Par ailleurs, l’exemple inverse existe aussi. C’est le cas de la petite ville de Chambray, dans le département de l’Eure, de ses 11 000 habitants et de ses 800 élèves, dont l’exemple a été mis en avant par le quotidien Le Monde. Là-bas, on y a mis en place un dispositif plus modeste, avec quatre activités, quatre soirs par semaine. La commune arrive à mettre l’argent suffisant pour lancer le dispositif. Cela lui coûte 241€ par enfant et par an, moins 50€ grâce au fonds « d’amorçage » mis en place par l’Etat et de 53€ versés par la Caisse d’Allocations Familiales (CAF). 85 % des écoliers participent aux activités, ce que la commune souhaite voir comme un succès. Cela fait d’ailleurs émerger une première conclusion : plus la commune est d’une taille importante, plus les accrocs dans l’application de la réforme se font nombreux. Et cela est encore plus prégnant quand la grande taille d’une commune s’ajoute à une relative pauvreté, comme dans le cas d’Aubervilliers.

Globalement, le point noir à la réforme mis en avant par la communauté éducative et par les syndicats enseignants se trouve en maternelle. Elle provoque une réduction du temps de la sieste, les enfants ont tendance à être envoyés d’un adulte vers un autre et les activités proposées sont souvent peu adaptées aux 3-6 ans. Le gouvernement n’est pas resté sourd aux critiques et a réagi par le biais du ministre de l’Education Nationale, Vincent Peillon. Celui-ci a déclaré lors d’un déplacement le 14 octobre dernier que « la réflexion se poursuivait sur des directives concernant les enfants de maternelle » ajoutant qu’il fallait pour ces derniers « sortir d’un certain productivisme  » et leur « donner le temps de souffler ».

La grande fatigue des enfants est aussi mise en avant. L’organisation de la journée mise en place par de nombreuses communes causerait un rythme plus saccadé. Les enfants auraient ainsi perdu leurs repères d’une part temporels, avec des changements d’horaire quotidiens, d’autre part humains avec des enseignants qui succèdent aux animateurs, et spatiaux, où la classe est tour à tour un lieu d’apprentissage régi par des consignes sanctuarisées et un espace de jeu et de détente où d’autres règles sont appliquées pour une même activité.

Les enseignants sont nombreux à plaider pour un retour des cours le samedi matin au lieu du mercredi. Mais cette hypothèse, évoquée un temps par les communes enrôlées dans la réforme dès 2013, a été évacuée en un clin d’oeil : impopulaire auprès des parents et trop chère pour les communes qui devraient ouvrir leur école une matinée de plus. Et cela ne réglerait pas le problème de l’accueil des activités périscolaires : où les enfants seraient-ils accueillis si de nouvelles structures d’accueil ne sont pas ouvertes ? Et par qui, puisqu’il n’y a pas assez d’animateurs, surtout dans les communes peu attractives ou isolées ?

Mais, en attendant que de véritables corrections soient apportées, certaines mairies socialistes se sont mises à communiquer à tout-va, à grands coups de campagnes d’information. À Paris, où les moyens ne manquent pas, on a sorti l’artillerie lourde. Sur Paris.fr, l’internaute peut s’abonner à des alertes d’informations ciblées sur les rythmes éducatifs (un thème plébiscité, avec près de 6 700 abonnés). Via une newsletter, un site dédié et force mails, le programme des activités organisées dans les écoles est largement diffusé. 

Bref, le principe de la réforme est globalement accepté mais son application est très largement inégale.

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