SOCIÉTÉ

Merkel dans un fauteuil

La victoire est éclatante. À l’issue du scrutin du 22 septembre dernier, Angela Merkel a été reconduite au poste de Chancelière pour un troisième mandat, avec un score éclatant de 42,5 % des suffrages. Mais cela reste insuffisant pour gouverner seule, d’où l’obligation de former une coalition.

Angela Merkel vient de réaliser une prouesse : être la première chef d’État européenne à être réélue en temps de crise. Le score de son parti, la CDU, est éloquent : 42,5 %. Mais cela ne lui permet pas de gouverner seule, d’où la nécessité de nouer une coalition. Celle-ci ne passera pas par le parti libéral (FDP) qui a été mis en déroute lors de ce scrutin, avec un score inférieur aux 5 % permettant d’accéder à la représentation au Bundestag, le parlement allemand. Les alliances traditionnelles s’avèrent donc impossibles, mais le pays doit absolument conserver une majorité stable, étant donné que l’Allemagne constitue la première puissance économique européenne.

Ce score très élevé de la CDU s’explique par le nombre important de partis restés sous cette barre des 5 %. C’est le cas de l’allié libéral d’Angela Merkel, le FDP, balayé après 40 ans de présence continue au Bundestag en raison de promesses populistes de baisse d’impôts faites lors du scrutin de 2009 qui n’ont pas été tenues. Le parti libéral a aussi été impliqué dans la plupart des couacs de la dernière majorité gouvernementale, tirant à plusieurs reprises sur la politique de son allié. Ce score calamiteux s’explique par la montée en puissance d’un nouveau parti, l’AfD, un parti anti-euro qui réalise un score de 4,5 %. Les premières enquêtes ont montré que 400 000 électeurs traditionnels du FDP avaient reporté leur vote sur ce nouveau parti, faisant du retour au Deutschemark une priorité absolue.

Une gauche à la dérive

À gauche de l’échiquier politique, on peut parler de véritable débâcle. Avec 25,3 %, le score du parti social-démocrate (SPD) est meilleur qu’en 2009 (23 %), mais l’écart se creuse avec la CDU. Le parti a été miné non pas par un mauvais positionnement politique, mais par un déficit de personnalité pour incarner le programme. Peer Steinbruck n’a été qu’un candidat par défaut, en particulier après le désistement du président du parti, Sigmar Gabriel. Se positionner sur le thème de la justice sociale était judicieux, mais le candidat a multiplié les gaffes durant la campagne, notamment en déclarant dans une discussion sur les allocations familiales « qu’il n’achèterait jamais une bouteille de vin à moins de 5€ ». Le genre de déclarations qui fait tâche, à quoi s’ajoute le fait que le candidat SPD a accumulé près de 1,25 million d’euros grâce à des conférences grassement rémunérées par de grandes multinationales, lors des trois dernières années. De quoi créer une image d’homme d’argent pour un programme du SPD ancré bien à gauche.

Quant aux alliés naturels du SPD, les Verts, ils ont aussi connu un véritable camouflet, avec un score de 8,4 %, loin de l’objectif des 15 % affiché en début de campagne ! En même temps, le parti a perdu son cheval de bataille historique avec l’annonce par Angela Merkel de la fin des centrales nucléaires d’ici 2022.

Maintenant, se pose la question de s’allier avec la CDU d’Angela Merkel pour le SPD. Refuser serait créer une crise politique au sein du pays, ce qui nourrirait des accusations d’irresponsabilité. Accepter et c’est la préparation de l’alternance en 2017 qui s’en trouvera complexifiée.

Un gouvernement qui sera confronté à des pièges d’importance.

Le pays fait figure d’exception dans une Europe en plein marasme. Mais des écueils guettent. Le premier d’entre eux tient au vieillissement de la population. En effet, le taux de fécondité n’est que d’1,4 enfant par femme, alors qu’il devrait être de 2,1 pour assurer un renouvellement des générations. Le pays abrite la population la plus vieille d’Europe, ce qui va irrémédiablement peser sur les comptes publics et sur la force de travail disponible. Et ce n’est pas l’immigration de travail qui parviendra à compenser ce problème structurel, car elle n’est souvent que ponctuelle : les travailleurs étrangers ne s’établissent pas de manière pérenne en Allemagne.

De même, le pays n’investit pas assez dans ses infrastructures : seulement 17 % de son Produit Intérieur Brut (PIB) contre 20 % en 1999, ce qui entraîne une dégradation de leur qualité.

Enfin, le coût de l’énergie est en constante augmentation. Il est déjà l’un des plus élevés en Europe et devrait continuer à augmenter dans les prochaines années suite à la décision de fermer les centrales nucléaires d’ici 2022. Pour transporter l’énergie produite par les champs d’éoliennes proches de la mer du Nord, il faudra tirer des lignes à haute tension sur 4 000 km, pour un coût estimé à 56 milliards d’euros ; ce qui va représenter pour le consommateur une augmentation du coût de l’énergie de 20 % d’ici 2020 selon l’agence de l’énergie allemande. En somme, de grands défis en perspective pour la future coalition au pouvoir.

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