La 22ème édition du festival des Vieilles Charrues avait lieu du 18 au 21 Juillet à Carhaix, dans le Finistère en Centre-Bretagne. L’événement, l’un des plus gros d’Europe a su, comme à l’habitude, offrir une programmation équilibrée et éclectique malgré le manque criant de grosses têtes d’affiche “jeunes” comparé à la précédente édition où nous étions déjà présents !
Jeudi 18 Juillet
Il fait très chaud. Nous nous rendons sur le site assez facilement, tout est bien organisé car il y a des navettes dans tout le département et des trains “spéciaux” en Bretagne. Tout le village est mobilisé, animé, il y a de la bière et de la musique. Le public est exclusivement venu pour Rammstein (d’où de nombreuses moqueries sur Raphael programmé ce même jour), beaucoup de festivaliers venus le jeudi avaient juste un pass un jour.
Raphael ouvre le festival, mais ce concert est assez mal placé, le public n’est pas conquis et pas réellement attentif, le son est plutôt mauvais et le chanteur en lui même n’est pas agréable et communicatif. La conclusion de ce concert n’est pas glorieuse.
Suit le groupe suédois The Hives qui a été élu meilleur groupe de scène du monde en 2006, leur concert est toujours aussi bon (en comparaison avec Beauregard et les Papillons de Nuits les années passées), ils ont leur propre public et cela se ressent. Certains festivaliers venus uniquement pour Rammstein ont aussi été convaincus par cette prestations magnifique et entraînante.
Mais ce concert est “innocent” à côté de celui de Rammstein qui nous a préparé un concert fantastique, grandiose. L’utilisation de la pyrotechnie était impressionnante, très bien exécutée, avec toujours de grosses surprises et un effet impressionnant. Le groupe a monopolisé la scène Glenmor toute la journée pour pouvoir préparer tout le décor et ce qui en suit. C’est en voyant le concert que nous avons compris pourquoi ! Sont venus une dizaine de camions rien que pour le groupe et 70 personnes pour leur “Staff “. Ce concert correspond à leur tournée Best Of, les chansons jouées venaient de tous leurs albums. Certains dans le public n’étaient pas des “métalleux” ni même des personnes qui écoutent ce genre de musique, pourtant beaucoup ont découvert et aimé ce groupe et leur belle prestation. En effet il se passait toujours quelque chose, il y avait un “pénis géant” qui lançait de la mousse sur Pussy, il y avait des feux d’artifices, et le groupe nous a fait le célèbre (pour les fans) spectacle du chaudron sur Mein Teil. A la fin du concert, un homme (équipé) se fait lancer des flammes dessus et prend littéralement feu sur la scène sur Benzin.
Pour finir cette journée, le groupe Vitalic entre en scène, et le public est motivé après l’énorme concert de Rammstein, même si beaucoup ont quitté le site directement des étoiles pleins les yeux. C’est un bon choix d’avoir mis ce groupe électro pour finir le premier jour. Pour conclure cette première journée, Rammstein reste le groupe qui est dans tous les esprits. Ce concert a eu un énorme succès ; le camping avait été ouvert la veille alors que ce n’était pas prévu car certains fans de Rammstein sont arrivés bien plus tôt pour obtenir les places au premier rang dès le matin.
Vendredi 19 Juillet
Nous sommes arrivés alors que jouait Rokia Traoré, concert qui avait l’air sympathique mais que nous n’avons pas vu avec attention.
Ensuite, Lilly Wood and The Prick monte sur scène, c’était un super bon concert, tout le monde s’est pris au jeu et est entré dans l’ambiance. Nous avons adoré la super présence de la chanteuse Nilli sur scène, ainsi que le lancé de paillettes sur Down the Drain.
Nous sommes ensuite allés au stand Ubuntu, où nous avons rencontré un responsable Ubuntu FR ainsi que nos camarades de Culturennes, ce qui a mené à une discussion sur le logiciel libre. En réalité il y a de très nombreux stands sur le site des Vieilles Charrues, comme par exemple celui des cours de breton… Nous avons rencontré le membre d’un groupe à l’entrée du festival, groupe qui s’appelle Good but Stupid, il était cool & le groupe a fait notamment la première partie de Bad Religion au Bataclan.
Puis commence le concert de Patrick Bruel, on aimerait bien en dire du mal parce que nous étions sceptiques mais en fait c’était cool et intergénérationnel, tout le monde chantait les même refrains, il y avait du monde d’une scène à l’autre. Nous avons profité de l’excellente ambiance de communion. Les fans de “Patriiiiiiiiiiick” se mêlaient aux jeunes, aux enfants, aux parents… pour danser sur tout le site, surtout pour “Casser la voix” où Patrick chante à la fin “Merci pour ça“. Nous pouvons aussi noter un petit hommage à Elton John qu’il a remplacé, car il a repris la chanson “Your Song“.
Interview de Patrick Bruel.
Toi qui est un homme d’émotion, je pense que tu as été servi ce soir ?
Ah c’est le moins qu’on puisse dire ouais ! C’était comme tu l’as dit… Lui ( le présentateur) est entré dans ma loge et j’en menais pas large c’est vrai je ne savais pas ou je mettais les pieds, j’avais jamais fait les Vieilles Charrues. J’en avais envie depuis longtemps, j’en avais entendu parler, tout un tas d’artistes qui m’en parlent comme Benjamin Biolay le premier en disant que ça allait être incroyable, Cali qui m’a dit “Tu vas prendre une claque monumentale”, et je me disais “Je ne suis pas programmé, je remplace une icône, je passe avant -M- bon, je me suis dit que c’était un terrain favorable, les gens qui écoutent -M- ou Elton John sont pas forcément éloignés de ce que je peux faire. Mais c’est sûr qu’on n’aborde pas un concert comme celui là comme les autres, j’avais vraiment les jetons et c’était incroyable. J’ai été submergé par une vague d’émotion, de ferveur, de folie. C’était un très bon moment, les Vieilles Charrues sont ce que les artistes qui l’ont fait décrivent, et c’est ce que je vais décrire, c’est vraiment unique.
Quel est ton souvenir des premières notes de quand tu étais enfant ?
De ce qu’on écoutait à la maison ? Le premier souvenir c’est Brel, très tôt j’avais 5 ou 6ans, j’aimais bien Amsterdam puis j’ai découvert Jeff, j’ai dû l’écouter 1000 fois. J’ai eu beaucoup de chance de grandir dans un éclectisme extraordinaire : Brassens, Barbara, Ferré, l’opéra, la musique classique, ensuite sont arrivés les années 1970 avec la musique que j’écoutais avec mes copains : Led Zepplin, Génésis, les Floyd, toute cette musique anglo-saxonne. Il y a aussi eu le rap arrivé très tôt dans ma vie, j’ai suivi Chagrin d’amour le premier groupe de rap français, on a produit ça en se disant qu’il n’y avait pas de rap en France. Le monde du hip-hop ne m’a jamais quitté, et c’est la première fois que j’en met dans un album. La chanson avec La Fouine comme invité est inspirée du suicide de 7 ou 8 enfants victimes de harcèlement.
Quel est le plus beau concert pour toi en tant que spectateur ?
Il y a eu 3 concerts fondateurs pour moi : Stevie Wonder en 1980 au Palais des Sports, c’est un spectacle fondateur, c’est quelque chose. Ensuite il y a Barbara que j’ai vu partout depuis que j’ai 7ans, c’est une grande dame qui arrive sans rien, se pose et là un frisson nous traverse tout le corps. Et il y a aussi U2 et son premier grand tour avec pour les premières fois des vidéos dans les concerts. J’ai vu ce tour une dizaine de fois dans des pays différents ! Mais ce n’est pas tout il y a aussi Higelin aux Francofolies… C ‘est à la fin de ce concert qu’est née “Casser la voix” dans ma chambre d’Hotel.
Vous vous considérez plus chanteur-acteur ou acteur-chanteur ?
Les deux, je travaille beaucoup pour ça, j’ai été récompensé par les metteurs en scène qui m’ont choisi pour les films. Je souhaite que les gens oublient que je suis chanteur en me voyant à l’écran.
Question polémique, est-ce vrai que vous avez donné un gala pour l’armée israélienne et est-ce qu’au nom de l’universalisme juif vous feriez pareil pour les palestiniens qui manifestent pacifiquement ?
C’est une bonne question, mais je n’ai jamais donné un seul centime à l’armée israélienne, c’est une rumeur lancée par des gens qui veulent une polémique. Jamais je ne donnerais de l’argent à une armée mis c’est vrai que j’ai fait un concert pour une association israélienne qui ramasse les corps après les affrontements et aussi à une jeune fille handicapée à Jérusalem. Je suis investigateur de la conférence de Genève, je me bats pour la création d’un état Palestinien ; merci pour la question je sais à quoi elle fait référence. Je sais qu’il y aura un état Palestinien et je redirais ça en Israël quand j’irais pour un concert car là-bas tout le monde peut donner son opinion.
Face à une industrie musicale qui change, quel conseil pouvez-vous nous donner ?
Il faut très vite aller sur scène car le disque a un avenir limité, on est passé au digital. Mais on est plus dans une approche de chanson, le meilleur moyen est de se montrer sur scène car c’est là que se fait la différence.
S’en suit le concert de -M- qui SE fait plaisir, il y a beaucoup de monde mais aussi de poussière ce qui n’a pas empêché de passer un très bon moment. Pendant le concert, -M- rend hommage à Jean-Philippe Quignon, mort il y a quelques mois, fondateur du festival et co-programmateur qui était aussi son ami. Pour lui rendre hommage il a chanté “Ma belle étoile“, c’était assez émouvant, tout le monde levait son briquet ou son téléphone. Il a fait monter des enfants sur scène et comme à chaque fois, on se demande d’où ils viennent…
La soirée se termina avec Two Door Cinema Club, un bon concert et bonne ambiance que certains ont trouvé décevant car le groupe serait mieux en salle qu’en festival. Il y avait moins de monde mais c’était plus agréable à écouter et pour profiter.
Enfin, Paul Kalkbrenner monte sur scène pour clôturer la journée avec de l’électro, comme la veille.
Samedi 20 Juillet
Nous avons commencé cette avant dernière journée avec l’interview de The Red Goes Black car leur manager nous a contacté la veille. C’est un groupe breton qui participait au tremplin des Jeunes Charrues, et qui l’a finalement remporté ! C’est donc ce groupe qui sera sur scène l’année prochaine ! Ils nous ont donné leur vinyle violet, qui est vraiment pas mal.
Interview de The Red Goes Black.
D’où vient votre groupe ?
De Douarnenez (dans le Finistère).
Est-ce que c’est la première fois que vous jouez ici ?
– Ouais !
– Non pas pour moi, j’ai gagné le tremplin de Jeunes Charrues avec The Octopus en 2010. (Pete, guitariste)
Donc là c’est une nouvelle tentative avec un projet différent.
Oui, il y a 3 ans c’était la victoire des Jeunes Charrues puis l’année suivante la grande scène !
Comment pouvez-vous définir votre univers musical ?
Du rock vintage, mais c’est assez dur à décrire, en nommant des influences on peut dire du rock avec un peu de blues, la fin des années 60 et le début des années 70.
Au niveau de votre production, pourquoi avoir choisi ce support (vinyle), est-ce pour vous ancrer dans cette période ou parce que les artistes sortent de plus en plus de CD mais aussi vinyles ?
– Le marché du CD s’est cassé la gueule, on a voulu marquer les esprits, mais on a aussi sorti des objets marrant comme des cassettes, le but pour nous est de retourner au support, on voulait un truc concret comme un objet quoi !
– A l’heure de la dématérialisation on voulait un objet, on peut aussi chopper la musique sur internet mais c’est plus sympa d’avoir l’objet !
Qu’est-ce que vous pensez de la musique en ligne, vous avez mis votre catalogue musical sur internet ?
Oui il faut savoir vivre avec son temps, ça serait bête de se priver de ce genre de moyen. Avec un vinyle tu ne peux pas démarcher.
Tout le monde n’a pas un lecteur vinyle !
C’est pour ça qu’on a fait des cassettes ! (Rires) Et on a aussi un code de téléchargement, après c’est pas grave je sais que ma platine de vinyle ne marche plus depuis presque 1 an mais j’achète encore des vinyles, le support est intéressant, lui il est mauve il est rigolo, c’est un objet quoi !
On peut même acheter le vinyle et aller écouter la musique sur internet…
Oui, exactement !
Pouvez-vous citer des groupes qui vont ont influencés ?
C’est très dur… On aime la vague club rock anglaise, après on a tous de groupes différents dans l’esprit, soul et blues, c’est vraiment un mélange d’influences !
En fait toutes vos influences personnelles se réunissent !
Exactement voilà mais on est aussi liés par des goûts communs.
Qu’est-ce que ça fait de jouer ici à Carhaix ? C’est un parcours difficile les Jeunes Charrues, qu’est-ce que ça fait ce petit accomplissement ?
C’est très bien on ne paye pas nos coups ! (Rires) Non c’est génial, on passe de festivalier à l’autre côté !
Vous avez rencontré d’autres groupes des Jeunes Charrues ?
Oui, on nous a payé une formation de 4 jours et cela nous a permis de rencontrer quelques autres groupes et c’était sympa.
Même si vous ne remportez pas le tremplin, vous avez de l’expérience .
– C’est fou on existe depuis un an et demi et être là c’est vraiment chouette !
– La médiatisation due aux vieilles charrues est vraiment positive !
Est-ce que vous vivez de votre musique ?
Lui il vend des slips (Rires) Non mais c’est vrai ! Il y en a un autre qui fait des cours de guitare, on a des petits jobs mais si on peut être intermittents c’est sûr on ne va pas cracher dessus c’est l’idéal, espérons !
Ce jour aura été le plus pluvieux, il y a eu des averses mais comparé à la forte chaleur des autres jours cela n’a pas été très désagréable ! & cette pluie a été de courte durée.
La journée commence avec Féfé, il est proche de son public et profite de bains de foule. Il chante “J’veux du soleil” sous la pluie… mais cela ne change rien à la super bonne ambiance. A la fin de son concert il prend bien le soin de remercier tout le monde, même les techniciens. Ce concert reste une bonne surprise.
Puis joue Gentleman reggae, un trio assez sympathique composé d’un homme et de deux femmes, il y a toujours une bonne ambiance, et c’est assez rare de voir un groupe comme celui-ci aux Vieilles Charrues sur la grande scène.
Asaf Avidan est un grand concert assez attendu qui a su nous conquérir, le chanteur était comme en transe sur scène, les chansons même si on ne les connait pas sont entraînantes, le public se réjouit même en entendant les premières notes de “One Day” qui était comme inespérée car elle n’est pas toujours jouée. C’est une belle surprise pour tout le monde !
Nous allons ensuite au concert vraiment bon de The Red Goes Black sous le chapiteau des Jeunes Charrues.
S’en suit le concert de Neil Young qui ne nous a pas enthousiasmés au début même si il faut admettre que c’était intense, et qu’il a pu tenir deux heures sans interruption ! Il a su monter sur scène en toute humilité sans prise de tête ni de sur-jeu. C’était impressionnant de voir en face de nous ce grand homme sur scène (décorée d’un cheval rappelant Crazy Horses), sachant qu’il a traversé la seconde partie du siècle dernier, accompagné les plus grands et joué à Woodstock avec les Crosby, Stills, Nash (and Young). De plus il a joué plus longtemps que prévu (20 minutes tout de même) ce qui montre son amour du partage, sa générosité envers le public. Même si le début a été long, la fin s’est faite dans une excellente ambiance.
Pour finir cette journée nous avons rencontré Emilie Mazoyer qui était présente à l’espace presse pour les émissions de Radio France en direct des Vieilles Charrues, avec pour fond sonore le concert des Roots, non pas électro mais Hip-Hop, ce qui change par rapport aux habitudes des festivals.
Dimanche 21 Juillet
Nous voyons Charles Bradley pour commencer cette dernière journée sous un soleil étouffant et parfois même dangereux, l’organisation a mis en place des jets d’eau et des préventions pour les festivaliers.
Marc Lavoine monte sur scène et interprète ses plus gros tubes, l’ambiance est comparable à celle de Patrick Bruel, c’est-à-dire que le public est très familial. Il y a une grande cohésion et une bonne ambiance générale, il commence à faire moins chaud car nous sommes un peu en retrait de la foule, il est donc possible de profiter à fond du concert. Pour le bonheur de profiter de ces dernières heures !
Le concert de Alt-J était vraiment bien, mais moins bien orchestré qu’à Beauregard. Le public qui est allé voir ce concert connaissait généralement déjà quelques chansons du groupe, ce qui permettait encore une fois une bonne ambiance générale car tous veulent vivre un bon moment en ce dernier jour. Cependant le groupe commence par erreur les premières notes d’une chanson attendue, Breezeblocks, et en commence donc une autre en s’excusant, mais le public reste frustré jusqu’à ce que celle-ci commence, magnifique. Mais le concert se termine sur un bémol car en effet, le groupe a joué moins longtemps que prévu…
S’en suit Santana, un concert vraiment génial, entraînant, le public sent que le festival se termine et profite à fond. Carlos partage avec son public, tout est bien interprété, aucune déception ne peut ressortir de ce concert assez hors-norme par son énergie et sa bonne humeur.
Lors de la conférence de presse du bilan des Vieilles Charrues qui a eu lieu ce dimanche, l’équipe du festival est revenue sur la disparition fin 2012 du co-président des Charrues et sur le départ de Loïck Royan de la direction du festival. L’objectif de fréquentation n’a pas été atteint, en effet, ils visaient 180 000 personnes et “seulement” 160 000 étaient présentes avec des entrées payantes, c’est donc une déception même si ils savaient que le contexte économique actuel est défavorable pour le monde de la musique en général. Tout se termine par une surprise, on annonce le retour d’Elton John l’année prochaine à Kerampuil après l’annulation de dernière minute cette année, l’artiste lui-même a tenu à venir. Merci !
Le dernier concert est celui de Phoenix. C’est un concert parfait, génial, c’est LE groupe qu’il faut programmer pour clôturer le festival. Rien n’est laissé au hasard, les jeux de lumière sont originaux, intéressants et captivants. Le groupe partage avec son public, il y a une sorte d’osmose, jusqu’à la fin où le chanteur traverse littéralement la foule de la scène jusqu’à la régie, ce qui mène à des mouvements de foule pour pouvoir l’approcher. Le concert passe trop vite, toutes les meilleures chansons sont jouées. C’est des étoiles pleins les yeux que se termine cette édition 2013 du festival. A l’année prochaine !