MUSIQUE

Juveniles prend un bain de jouvence

Les auditeurs se séparent en deux catégories. Ceux pour qui We are Young fait référence au titre phare du groupe méga FUN, et ceux pour qui il s’agit surtout du premier single de Juveniles, titre qui a amorcé leur succès. Si vous faites partie de la première catégorie, il est encore de temps de se frotter à la cure de jouvence que nous offre le groupe rennais.

A Rennes, il pleut de l’eau et des talents. Il y a quelques mois, on vous parlait du premier album des Popopopos et c’est au tour 2013 06 15_VoixduRock13_5804-001de Juveniles de sortir un premier album, éponyme, confirmant cette prédestination musicale de la terre rennaise. Le groupe est d’abord une affaire entre Jean-Sylvain, Thibaut et Pierre (qui a quitté l’aventure), issus de formations rennaises différentes telles que les Wankin’ Noodles et les Russian Sextoys. Ce projet pimpant a décollé avec l’aventure des Transmusicales en 2011. Chez Kistuné puis AZ, le groupe s’est progressivement agrandi, accueillant par la suite Ousseynou et Thibaut. Depuis plus d’un an, ils nous comblent ainsi avec des pépites pop-rock présents dans leurs différents EP tels que We are Young ou Hard Working Girl et alimentent un univers à l’aide de clips rêveurs, dingues et extravagants comme pour Strangers, Fantasy ou Through The Night. Ce nouvel album, produit par le grand Yuksek signe ainsi l’accomplissement d’un travail qui s’est crée aussi avec la scène et qui fait de cet opus un reflet d’un groupe construit et accompli, d’une identité musicale bien affirmée.

2013 06 15_VoixduRock13_5838-001

Juveniles à l’origine plus rock prend dans cet album un tournant davantage pop tout en l’agrémentant de touches électroniques. Musicalement, le groupe s’ancre dans la tradition des groupes mancuniens en subissant l’influence d’une synth-pop sombre et élégante, comme celle des Smiths, de New Order ou plus récemment de Cut Copy et The Maccabees. Leur touche musicale nous remémore les grands temps de la pop new wave et des synthétiseurs glaciaux des eighties, de par une basse entêtante à la Peter Hook et un chant planant unissant spleen et ivresse débordante. Oui, cet album c’est bien la voix d’une jeunesse, et pas juste de celle qui boit, veut enflammer le monde et briller plus fort que le soleil (comme nous l’invite Fun). Non cette jeunesse ne flirte pas avec la délinquance juvénile. Elle est élégante et fantasmatique et les dandys de Juveniles nous plongent dans les mouvements d’âme d’une belle jeunesse, dès le premier morceau, We are Young, qui annonce la teinte de l’album tant musicalement avec ses accents eighties sonnant kitsch, que thématiquement. Cette jeunesse qui se déploie se veut dansante et passionnée de synthétiseurs sur des morceaux comme Fantasy où l’énergie se mêle à une rythmique séduisante ou sur Through The Night. Mais cette jouvence n’est pas que danse, rêve et fantasme. Elle est aussi énervée sur le prodigieux et vif Summer Nights qui démarre sur un rythme vif et oppressant, presque suffocant, pour finir par nous libérer en flirtant avec une envolée électro-pop où les synthétiseurs nous servent d’ailes, comme sur le final aérien de Void (In & Out Of The). On retrouve cette même énergie dans le rythme entêtant de All I ever wanted was your Love ou dans le délicieux Strangers où le solo final nous fait littéralement décoller.

Mais cet album explore aussi une jeunesse pleine de spleen, une jeunesse qui s’épanche. Nos rennais dégainent de nouvelles armes qui les éloignent de l’étiquette initiale d’un groupe pop. Dans certains morceaux originaux, loin de ce qu’ils avaient fait pour leur EP, on se sent transporter dans une langueur 2013 06 15_VoixduRock13_5866-001spleenétique et voluptueuse comme pour Adriatique où des guitares aériennes nous font planer ou sur Elisa où la jeunesse poétiquement nostalgique est menée par une voix élégante et ténébreuse, à la Dave Gahan, ici étirée et presque plaintive. Ce spleen se retrouve dans Washed Away où l’alanguissement vaporeux nous enterre dans une nostalgie infaillible. Juveniles nous plonge donc dans les mouvements d’âme une jeunesse élégante mais pas pleinement sereine. Ce plongeon dans une fontaine de jouvence presque aérienne est guidée par des synthétiseurs qui font office de narcotiques, propres à nous faire décoller. Peut-être atteint du syndrome de Peter Pan, ces rennais nous donnent envie dans cet album de ne plus vieillir et goûter à cette jeunesse éternelle, distinguée et mélancolique.

You may also like

More in MUSIQUE