Julien Fournié, “Premières Chimères”
Entre le 30 juin et le 5 juillet se tenait la semaine de la Haute-Couture à Paris, saison Fall Winter 2013/2014. Comme à l’accoutumée, on pouvait admirer sur les podiums les taffetas, les satins, les tulles, les fourrures, les rubans de plumes, les broderies et pluie de perles de Lesage, les cristaux Swarovski, l’or, le noir … et beaucoup d’autres merveilles, attributs de la Haute-Couture. Dans la jeune génération, Yiqing Yin a su se démarquer grâce à ses étonnantes recherches expérimentales autour du corps féminin et de la matière. Le résultat est spectaculaire mais aussi d’une extrême délicatesse. Sur le thème de l’univers marin, elle dévoile comme des chercheurs dévoileraient des trouvailles sous-marines et autres étrangetés enfouies, des matières habituellement cachées : ouate, gaze, tissus déchirés, mousse … Dans un autre genre, le couturier libanais Elie Saab a proposé un défilé sur le thème de la cérémonie royale. Dans un écrin couleur rubis, les robes se transforment en joyaux précieux et brillants, les fourreaux scintillent et le silence s’impose. On rentre alors dans une danse folle de paillettes, pierres, cristaux, sequins et strass. Cette collection hiver 2013/2014 nous donne une grande leçon de somptuosité.
Un défilé a fait particulièrement couler l’encre, et pour cause l’inégalable travail du créateur Julien Fournié. Membre invité de la Haute-Couture parisienne, le jeune couturier a fait ses armes auprès de grandes marques telles que Jean-Paul Gaultier, Dior ou Céline, avant de créer sa propre maison en 2009. Depuis, il se distingue grâce à son travail toujours innovant, poétique et sensible. Il avait déjà marqué les esprits avec la collection “Premier Hiver”, traitant des violences faites aux femmes, avec des formes très anatomiques et un maquillage d’ombre. Lors de la semaine de la Haute-Couture, le couturier a présenté sa dernière collection “Premières Chimères“, inspirée par les silhouettes élancées de Modigliani et une palette signée Klimt. Dans une démarche lente, des corps hybrides, entre animalité et extrême féminité, nous plongent dans un univers fantastique mais toujours moderne. Dans des teintes chocolat, bronze, ou encore ivoire, les robes subliment le corps en serrant les tailles et en allongeant les cous. Un univers étrange soutenu par une coiffure et un maquillage très graphiques, où les cils deviennent des tubes d’or. Au-delà de la justesse du panel de couleurs et de la contemporanéité des silhouettes, le styliste propose des matières et des systèmes innovants, des associations subtiles, caractéristiques de son travail. Les taffetas de soie rencontrent le vison ou le renard, les paillettes noires deviennent or lorsqu’on les caresse, les broderies sont des fleurs dégoulinantes et des circuits électroniques. Le travail sur cette collection fait presque écho aux pièces riches d’antiquaires, entre marqueterie et enluminure, et à l’art japonais par ses robes kimono et origami. Lorsqu’on demande au couturier comment est la femme Julien Fournié, il répond qu’elle est vulnérable, et c’est ce qui fait sa force. Cette particularité décrit justement la finesse et l’intelligence des collections signées JF. Être faible ou vulnérable aujourd’hui est un luxe, à l’heure où réussite et force sont les maîtres mots de notre société.