Depuis la révolution de 2011, l’Égypte connaît une situation de crise. Malgré le fait que l’ancien dictateur Hosni Moubarak ait été renversé et remplacé par Mohammed Morsi, le pays continue de connaître une période de chaos, avec comme apothéose le putsch qui a eu raison du nouveau Président le 3 juillet 2013. Cependant, l’origine et le devenir de ce chaos restent complexes et branlants. En voici quelques explications.
Après la chute de Hosni Moubarak, Mohammed Morsi lui succède en gagnant les élections présidentielles de 2012 avec 51,73 % des voix au second tour. Il représente alors le Parti Liberté et Justice, issu des Frères Musulmans, parti donc islamiste. Il est investi le 30 juin 2012 pour être renversé le 3 juillet 2013.
Mohammed Morsi débute dans la confrérie des Frères Musulmans comme responsable des relations avec le Soudan, puis directeur de la section des Affaires étrangères, pour devenir enfin membre du Conseil de guidance, la plus haute autorité du parti. Durant les élections législatives de 2010, dont il est directeur, Mohammed Morsi dénonce les fraudes électorales et les arrestations de Frères musulmans commises par Hosni Moubarak. Celui-ci a en effet confisqué les résultats en espérant faire élire son fils Gamel à sa succession.
Après ses débuts en complète opposition au régime dictatorial de Moubarak, Mohammed Morsi prend la tête du pays en juin 2012. Il essaye en premier lieu de cohabiter avec l’armée mais la première rupture se fait en août 2012 lorsqu’il destitue le chef des armées Tantawi. Il en profite pour s’accorder plusieurs pouvoirs législatifs, le Parlement ayant été dissous par un ordre confirmé par la Haute Cour constitutionnelle. Les premières fortes contestations se font entendre à partir du 22 novembre 2012, lorsque Morsi promulgue une déclaration constitutionnelle qui lui permet non seulement de légiférer par décret mais aussi d’annuler des décisions judiciaires déjà en cours. En accumulant le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, plusieurs le comparent alors à Hosni Moubarak et les manifestations commencent à faire rage au nom de la « défenses du principe de laïcité ».
Comprenant que sa position de président est mise à mal, Mohammed Morsi annonce qu’il soumet son projet d’une nouvelle Constitution à un référendum le 9 novembre 2012. Un mois plus tard, le 15 décembre 2012, les égyptiens votent et le « oui » l’emporte. Cette nouvelle Constitution, permettant des interprétations rigoristes de l’Islam et empiétant sur certaines libertés comme celle de la femme, reste très critiquée par l’opposition laïque. Ce fossé, qui se creuse de plus en plus entre les opposants à la politique de Mohammed Morsi et ses partisans, résulte en violences dans plusieurs grandes villes comme au Caire ou à Alexandrie.
Cette opposition a fait naître un important mouvement protestataire, qui a éclaté le 30 juin 2013 et qui réclame la démission du président. Des millions d’Égyptiens, 17 millions selon l’Agence France-Presse, descendent dans les rues pour protester contre ce qu’ils considèrent être une nouvelle dictature islamiste. À ces manifestants se joignent plusieurs ministres ainsi que les porte-paroles du gouvernement et de Mohammed Morsi, qui démissionnent.
Après certains hauts responsables du gouvernement, c’est au tour de l’armée de se joindre au mouvement contestataire en posant un ultimatum au président : démissionner ou être renversé. Mohammed Morsi refuse cet ultimatum et l’armée le renverse le 3 juillet 2013.
Le même jour, à 21h (heure française), le général Abdel Fatah Al-Sisi, annonce publiquement aux millions de manifestants la destitution de l’ex-président Morsi ainsi que la suspension de la nouvelle Constitution. Il en profite pour confirmer sa volonté de vouloir donner plus de pouvoir aux jeunes, source de cette seconde révolution. Mohammed Morsi dénonce quant à lui un « coup d’État complet » sur sa page Twitter. En attendant les prochaines élections anticipées législatives et présidentielles, Adli Monsour, président de la Haute Cour constitutionnelle, est nommé Président par intérim le 4 juillet 2013.
Les manifestants ont ainsi fait savoir leur force d’engagement, accusant Morsi de trahir les objectifs humanistes de la révolution de 2011 portant sur la justice sociale et le respect des libertés individuelles. D’autres en profitent aussi pour faire entendre leur mécontentement face à la détérioration de leur condition de vie, qui s’est dégradée depuis 2011. En plus de cette trahison, ils accusent les Frères musulmans de dérive autoritaire et de vouloir accaparer tous les pouvoirs en vue de l’instauration d’une république islamiste, non laïque et non démocratique.
D’autres partis politiques, comme le salafiste Nour, guidé par Younis Makhyoun, jugent que les manifestants sont en tort d’avoir demandé le départ de Morsi mais appellent celui-ci à faire des concessions. Appel qui n’aura pas suffi, car au lendemain de cet appel, Morsi est déchu de son poste de président.
Toutefois, la destitution de Mohammed Morsi ne signifie par l’arrêt des violences. Depuis le début des manifestations, la situation de crise ne fait que continuer : on dénombre au moins 30 morts et plus de 600 blessés, le quartier général des Frères musulmans a été attaqué et incendié faisant deux morts et 43 femmes, dont une journaliste étrangère, ont été agressées sexuellement sur la place Tahrir. Bien que Mohammed Morsi a été officiellement déchu de son titre, les partisans de celui-ci continuent de se rassembler par milliers devant une mosquée proche du palais présidentiel : ils accusent les manifestants d’être instrumentalisés par des partisans de l’ancien régime de Hosni Moubarak et de remettre en cause la légitimité électorale de Mohammed Morsi.
Cette situation proche de la guerre civile a permis à plusieurs groupes islamistes de monter au créneau, dont le groupe « Ansar al Charia », actif dans le Sinaï, qui a annoncé vendredi soir vouloir rassembler des armes et entraîner ses membres en vue de la mise en place de la charia. L’instabilité politique, même brève, a laissé une opportunité à ces groupes terroristes de trouver public en vue d’actions militaires.
Le pays est donc scindé entre les partisans de Mohammed Morsi, ses opposants et les groupes islamistes qui gagnent de l’ampleur. L’odeur de guerre civile se fait de plus en plus sentir dans les rues du Caire et des autres villes, grandes ou petites, d’Égypte. Avec la nomination très prochaine de Mohamed ElBaradeï comme premier ministre, peut-être Abdil Monsour arrivera à calmer le jeu et à ramener le calme démocratique dans le pays.