SOCIÉTÉ

Vive les mariés !

Mardi 24 avril dernier, l’Assemblée Nationale a entériné le vote du texte autorisant le mariage pour les couples homosexuels. Un vote qui met fin à un parcours législatif émaillé par les contestations des anti-mariage pour tous et des parlementaires de l’opposition, tout en venant concrétiser une des promesses phares du candidat Hollande.

Le contexte était particulièrement tumultueux, le moment solennel, mais le suspense quasiment inexistant. Sans surprise, le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels a été voté à une large majorité – 331 voix pour, 225 voix contre et 10 abstentions – par l’Assemblée Nationale, le mardi 24 avril dernier, mettant ainsi fin à un parcours législatif débuté en janvier. Le texte a été voté « conforme », c’est-à-dire qu’il l’a été sans qu’y soit apporté de modifications par rapport au texte approuvé par le Sénat la semaine passée. La France devient ainsi le quatorzième pays au monde à ouvrir le mariage pour les couples de même sexe, le neuvième en Europe.

Un climat tendu autour du vote.

La tension était forte autour de ce vote au Palais Bourbon. En effet, au même moment, les opposants au projet de loi, réunis sous la bannière du collectif « La manif pour tous », avaient organisé un rassemblement pour manifester leur refus de l’adoption du texte. La séance s’est elle-aussi déroulée dans un climat délétère, entre les protestations bruyantes de l’opposition et les intimidations subies par certains députés les jours ayant précédé le vote. Ainsi, le président de l’Assemblée, Claude Bartolone, a reçu une lettre contenant de la poudre de munition, lui demandant de « surseoir au vote définitif de la loi ». Cette agitation a eu comme point d’orgue l’intervention impromptue d’opposants au mariage pour tous, qui s’étaient installés sur les bancs réservés aux spectateurs, ayant souhaité s’exprimer en brandissant une banderole appelant à l’organisation d’un référendum. Ce à quoi la sécurité de l’Hémicycle a répondu en les expulsant manu militari.

Une forte opposition dans la rue.

La fronde organisée pour lutter contre l’engagement 31 du programme de François Hollande a été menée en particulier par le collectif « La manif pour tous », dont la porte-parole la plus emblématique est devenue Frigide Barjot. Le mouvement s’est structuré autour d’une coalition hétéroclite d’associations peu ou prou proches de l’Église catholique, comme Alliance Vita, le collectif fondé par Christine Boutin au début des années 1990. L’activisme des « anti » a été très intense depuis le mois de novembre et l’adoption en conseil des ministres du principe de ce projet de loi, porté par la garde des Sceaux Christiane Taubira. Il a pris de multiples formes : sit-in, veillées, happenings et bien sûr défilés dans les rues. Une mobilisation qui a culminé le 13 janvier dernier quand le collectif « La manif pour tous » est parvenu à mobiliser entre 340 000 et 1 million de personnes dans les rues de la capitale, donnant lieu à une intense polémique, la police ayant été accusée d’avoir minimisé les chiffres de la mobilisation. La manifestation n’a eu comme seule victoire que le retrait du projet de loi de la Procréation Médicalement Assistée (PMA), permettant ainsi au Parti Socialiste de sauver la face tout en privant les opposants d’un angle d’attaque.

Ce à quoi a répondu l’organisation de manifestations de défense du projet de loi gouvernemental à l’initiative de l’inter-LGBT, qui a réuni jusqu’à 400 000 personnes dans les rues de Paris le 27 janvier dernier.

Une opposition aussi législative.

L’opposition, UMP et FN en tête, s’est fortement mobilisée pour obtenir le retrait du texte. De nombreux parlementaires, comme Jean-François Copé (UMP) ou Gilbert Collard (FN) ont rejoint les rangs des différents cortèges anti-mariage pour tous. L’opposition a justifié son refus d’un projet de loi qui atteindrait à l’institution que constitue le mariage et à la filiation, donc à deux piliers de la cellule familiale. L’UMP défendait plutôt la mise en place d’une solution de compromis, instaurant une union civile, donnant les mêmes droits à tous les couples, mais réservant le mariage aux seuls couples hétérosexuels. Le refus du gouvernement d’accéder à cette requête a nourri l’accusation d’un passage en force de la part de la majorité. Ce qui a nourri le souhait de 115 parlementaires UMP d’avoir recours à un référendum, le 12 janvier dernier.

Malgré le vote de la loi, l’opposition n’a pas désarmé et elle a déposé un recours devant le Conseil Constitutionnel, mettant notamment en avant le manque de travaux préparatoires en commission avant le débat parlementaire. Parmi les argument figurent également le fait que la définition du mariage ne peut être modifiée par une loi simple et que l’organisation d’un référendum s’impose, ce qui a peu de chances d’aboutir à une censure du texte par les Sages.

Un projet de loi qui a exacerbé l’intolérance.

Le débat au Parlement a été houleux à de nombreuses reprises. Le projet de loi constituant un sujet de clivage important entre la majorité et l’opposition, les joutes verbales ont été nombreuses, mettant aux prises certains parlementaires de droite avec les membres du cabinet ministériel. Des séances tardives, des amendements en pagaille, la fatigue aidant, quelques dérapages verbaux ont été à déplorer, comme lorsque le député UMP de l’Aube, Nicolas Dhuicq, a osé, à la tribune de l’Assemblée Nationale, un rapprochement entre les terroristes qui « n’ont jamais rencontré l’autorité paternelle » et le projet de loi concernant le mariage pour tous, « qui va jusqu’à rayer le mot « père » du Code Civil ».

Tout ce tumulte autour du mariage pour tous a entraîné une augmentation brusque des agressions à caractère homophobe ces derniers mois. Comme ce fût le cas le 16 avril à Lille, quand un bar gay fût vandalisé par quatre individus ayant crié leur volonté de « casser du pédé » selon plusieurs témoins. Des chaises avaient été lancées sur la vitrine et le gérant du bar s’était fait agresser. L’agitation médiatique autour du projet de loi a favorisé l’apparition de ce genre d’actes répréhensibles, alors que la contestation menée par « La manif pour tous » s’est toujours voulue pacifique et dans un cadre légal.

Le texte ayant été voté le 23 avril dernier, le Conseil Constitutionnel a jusqu’au 23 mai pour se prononcer sur sa conformité. Le président de la République devra ensuite procéder à la promulgation de la loi, qui sera publiée au Journal Officiel. Les bans devant être publiés dix jours avant le mariage, le gouvernement table donc sur l’organisation des premières unions en mairie entre la mi-juin et la fin juin. Une promulgation que les “anti” ont toujours bon espoir de repousser, eux qui organisent une nouvelle grande manifestation nationale le 26 mai prochain.

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