MUSIQUE

Live Report : Granville + Aline – Entre ciel et mer, la Pop made in France frétille

John Lennon dans un élan de chauvinisme musical avait dit que « le rock français, c’était comme du vin anglais ». Comparer la qualité œnologique anglaise au rock français de telle sorte, ça blesse l’orgueil hexagonal. Si John Lennon était encore parmi nous, il se repentirait à la vue d’une scène française en ébullition, qui dépasse les frontières du diktat du rock pour varier ses influences. Le syncrétisme est à la mode et nos deux têtes d’affiches françaises, qui se partageaient la scène du Grand Mix le 20 avril, en sont la preuve. Mais l’objet de cet article n’est pas de contredire John ou de faire l’éloge de ces deux groupes qui ont enflammé ce soir là la qualité du public nordiste. Non, c’est surtout pour trouver une occasion de mettre un terme au déchirement entre les groupies des deux groupes (comme l’a fait un article d’un grand magazine musical ou comme je l’ai beaucoup entendu ce soir là). On a deux générations qui partent d’une base pop mais qui flirtent avec des styles distincts. Leur gros point commun, c’est que le public, dans une ambiance familiale, a pris plaisir à danser sur leurs morceaux. Dans un contexte français où l’hiver tarde à faire ses valises, Aline de par leurs origines marseillaises et Granville de par leur air californien, c’était un coup de chaleur assuré.

Devant Aline, on boit et puis on danse

Aline.Le Grand Mix Non Marseille ce n’est pas que le pastis, la Canebière, Plus belle la vie ou la pétanque. Et non les nouveaux talents pop français n’ont pas tous éclos au sein de la côte Ouest française. Car nos marseillais de Aline (ex-Young Michelin), qui ne se la jouent pas farniente provençal, ont offert ce soir là une pop énergique et décoiffante. La belle Aline est un quatuor marseillais qui a décidé de troquer ses boules de pétanque (mais pas le Pastis), contre une musique érudite. Ils puisent dans les seventies françaises de Daho, Taxi Girl ou Gamine mais aussi et surtout dans la pop british des Smiths, des Cure ou de New Order. Les sonorités anglaises semblent avoir davantage séduit Aline que l’influence musicale électro hip-hop de laRomain Guerret Aline Grand Mix ville de la Bonne-Mère. Romain Guerret, Arnaud Pilard, Romain Leiris et Vincent Pedretti, nos quatre compères ont donc débarqué sur scène avec Léon leur super vautour, le regard tourné vers le ciel, exhibant lunettes de soleil, vestes et Doc Martens. Et c’est avec une réelle classe, sans pourtant tomber dans la frime, qu’ils ont démarré en toute légèreté avec Les copains, morceau intégralement instrumental, avec lequel Young Michelin avait remporté le concours CQFD en 2010. Leur instru impose un respect certain. On serait bien à genoux si on ne dansait pas. Le ton est d’emblée posé : leur prestationArnaud G. Aline. Grand Mix sera dansante et émouvante (mais pas larmoyante). Aline va alors nous raconter en musique des vies, des morceaux d’histoires de types blessés ou repentis. Mais leur live, c’est surtout le moment de fait chauffer une voix de dandy à la Morrissey et de faire gratter les guitares à la manière d’un Johnny Marr (vous l’aurez compris, la parenté avec les Smiths est frappante). Les riffs de guitare et l’épaisseur de la basse (malgré un petit problème pendant la soirée) nous font décoller. Aline alterne morceaux de son premier album, reprises et virées vers leur passé de Young Michelin (avant que Bibendum revendique le nom). Leur son qui respire les eighties puise dans des références variées, d’une pop tendue et nerveuse proche d’un rock post-punk avec Obscène, Elle m’oubliera et Regarde le Ciel, à une pop plus mélodique de Elle et Moi , Deux Hirondelles et Teen Whistle. Des paroles simples et élégantes se déplient sur un fond mélodieux qui font danser un public lillois en forme, tout particulièrement sur le funky Je bois et puis je danse. Leur prestation et leurs cordes furent amplement probantes et ont conquis un public fasciné. Christophe avait finalement raison car depuis dans le Nord on crie Aline pour qu’ils reviennent.

Granville, souffle de chaleur californienne

2013 04 20_Concert Granville + Aline_4709-001On quitte la Provence pour la Normandie, on perd 10 ans et on prend les Voiles avec Granville. C’est parti pour un voyage fantasmé à coup de chocs météorologiques. Nos normands, Mélissa Dubourg, Sofian El Gharrafi, Arthur Allizard et Emmanuel Dupont (membre des All Cannibals) vont nous transporter sur des rivages plus doux, près du soleil californien, près de leur Hawaï à eux. Issus d’une scène musicale caennaise en ébullition, Granville flirte avec une pop naïve sixties remémorant l’époque Yéyé et puisant donc à la fois dans la musique ricaine des Drums et de Best Coast mais aussi française de Françoise Hardy ou de Gainsbourg, tout ça sur un fond visuel à la Wes Anderson. Granville, c’est donc des images de soleil, de plages de sable fin, de surf, mais aussi de nostalgies et de premières plaies adolescentes. Nos normands touchés par le syndrome de Peter Pan on fait un chemin fou 2013 04 20_Concert Granville + Aline_4917-001depuis la sortie de leur album. J’avais eu la chance de les voir en décembre à la Péniche à Lille, et ce qui saute aux yeux c’est la manière dont ils ont pris de l’assurance dans la maîtrise de la scène. Mélissa, à l’allure délicate et candide, peinant à faire entendre sa voix, dompte progressivement la scène avec un naturel attendrissant et arrive, malgré sa timidité que sa risette ne peut camoufler, à danser librement, à créer une complicité avec le public. Au rythme d’un batteur énergique et foufou, le groupe s’éclate sur scène, suivant parfaitement ce vers rimbaldien : « On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans ». Granville a grandi. Pourtant, plus jeunes que Aline, ils déversent une énergie dansante sur laquelle comme le disait Mélissa, tu peux bouger les fesses, les bras ou les jambes. Alors sur du Granville tu n’as pas d’autres choix, tu sautilles. Leur spontanéité va même jusqu’à l’invitation de deux petites filles à danser sur scène sur le fameux Jersey. Leur pop californienne et légère, vogue ce soir là entre les riffs surfs de Jersey, la pop sucrée du Slow ou de la Robe Rouge, les slows Adolescents, Tic Boum et Nancy Sinatra et les sons plus garage-rock de Macadam qui sonne d’ailleurs comme du Véronique Samson passé à la sauce des Black Keys. Le public siffle et chante en yaourt sur cette poésie naïve et ces refrains mélancoliques désormais incontournables.

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Si on fait le compte, on voit bien qu’il n’est pas nécessaire d’arborer une marinière pour dire que le secteur musical français n’est pas malade. Aline et Granville prouvent comme d’autres qu’aujourd’hui la langue de Molière peut être un atout en musique (ce qui redore la fierté du coq). Ces deux groupes, aux influences temporellement et musicalement différentes, ont ainsi offert ce soir là une musique énergique et talentueuse, qui touche sans larmoyer et qui brille sans superficialité.

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