On connait tous le nom de Keith Haring. Malgré tout, beaucoup se méprennent. Ce n’est pas seulement le créateur de petits bonhommes et de chiens colorés, que l’on voit régulièrement décorer stylos, tee-shirts et autres accessoires. C’est bien plus que cela !
Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris (MAMVP), allié avec le CENTQUATRE, propose du 19 avril au 18 août la plus grande rétrospective jamais consacrée à cet incontournable artiste de la culture pop. En plus de 250 œuvres, les deux musées, complémentaires, retracent l’engagement politique de l’artiste. The Political Line nous fait ouvrir les yeux, et (re)découvrir la vie trépidante de Haring, trop courte (1958-1990), mais pourtant très riche ! Toiles immenses, bâches, statuts, rames de métro ou son Pop Shop, c’est un foisonnement de supports que nous présentent ces deux expositions.
Le CENTQUATRE ne couvre que de très grandes œuvres, comme les Dix commandements, panneaux de sept mètres de haut, criant de vérité dans leur réinterprétation. Cette œuvre a été réalisée en trois jours au CAPC de Bordeaux, en 1985, relevant ainsi d’une performance incroyable, étant donné le travail titanesque réalisé. Pourtant, ce n’est qu’une mise en bouche ! Il existe des objets encore plus impressionnants, parfois choquants, toujours étonnants, colorés ou bichromes, mais surtout engagés. LE CENTQUATRE est frustrant, tant on veut en savoir plus.
Le MAMVP permet d’assouvir cet appétit intellectuel qui a été grandement ouvert. La visite commence par ses premières œuvres, où ses figures récurrentes prennent forme. C’est comme cela que l’on découvre ce que chacune symbolise, ce que chacune défend. Car effectivement, Haring avait un code que l’on découvre au fil de la visite. Peu à peu, on comprend mieux le personnage. Keith Haring est homosexuel, atteint du Sida, et concerné par la politique, mais c’est surtout sa grande sensibilité aux horreurs quotidiennes qui nous touche. Il dénonce sans concessions des régimes liberticides et inégalitaires comme l’apartheid en Afrique du Sud. Sa vie a aussi été animée par une lutte sans relâche contre le crack, les rapports sexuels non protégés, le racisme ou les horreurs de la guerre. La consommation et les médias de masse en prennent aussi pour leur grade, avec Andy Mouse, figure hybride d’Andy Warhol et de Mickey Mouse plutôt inquiétante. C’est le capitalisme qu’il attaque dans sa lucidité : bien qu’il soit son ami, Andy Warhol est présenté comme un homme d’affaire. L’hégémonie des Etats-Unis et de leur monnaie, le dollar, réalisée sur le dos des autres, le répugne, comme en témoigne de grands aplats de peinture. Il y aussi la religion, considérée comme restrictive pour l’individu, car le contrôlant. Il vise spécifiquement extrémistes religieux et fondamentalistes, et considère que : “Les gens qui font le
plus de mal sont ceux qui prétendent connaître les réponses”, tout ceci dans le respect de la foi individuelle. Serpents ou croix étouffantes (qui s’immiscent dans les corps, voire dans les cerveaux) sont souvent présents. Si l’on doit résumer, Keith Haring a une vision apocalyptique de la société. La fin du monde est d’ailleurs un thème omniprésent, la mort est toujours là, c’est une fatalité, elle est inévitable.
Après des heures passées à observer, à disséquer le travail du street artiste, c’est une certaine violence, une vision sanguinaire et pessimiste du monde que l’on peut retenir. Assoiffés de liberté totale et d’égalité, allez-y, vous découvrirez un homme qui a donné corps et âme pour des causes auxquelles il croyait. La protestation passait, passe et passera toujours par l’art. Tel est le message de Keith Haring, personnage torturé.