MUSIQUE

Here’s Willy Moon – Atypie ou pastiche ?

Willy-Moon-Shakin-VideoC’est non sans amour propre, mais bien avec un tapage médiatique parfois trop excessif, que le petit Willy a dévoilé son premier album Here’s Willy Moon. Pour faire court, c’est après avoir quitté sa Nouvelle -Zélande natale qu’il s’est installé à 18 ans à Londres, dans une laborieuse quête de l’Eldorado musical. On l’avait repéré sous son pseudonyme Willy Moon en 2010, avec l’énergie débordante de I Wanna Be Your Man. Il s’était ensuite progressivement immiscé dans le champ médiatique, sous les ailes du fameux label Third Man Record de Jack White, infiltration qui fut couronnée par l’interprétation de la bande sonore de la pub d’Apple. Et c’est sous ce même nom que William Sinclair a sorti son premier album.

 

C’est avec les cheveux gominés, les souliers vernis et un costume trois-pièces impec’ que le jeune Willy Moon se dévoile aux yeux des terriens dans une grande pluralité musicale. Globalement, il nous renvoie aux sources du rock des fifties, le pur, celui d’avant toute la sauce psychédélique. Mais avec Willy on prend du vieux, le rock’n’roll et la soul de nos aïeux pour les mêler à des touches electro et hip hop actuelles, tout ça dans une ambiance punk-moribonde. Son album c’est donc un mélange des prestations jazz des thirties, du rock pré-psychédélique des fifities et de l’electro de notre ère 2.0. Dans une interview au webzine Openminded, à la question de la qualification de son style musical il répond : « An alien attempting to synthesise rock and roll  music  »(Un alien qui tente de synthétiser le rock’n’roll). Et bim, dans le mille. Avec Willy on prend le vieux pour faire du neuf et ce syncrétisme a de quoi charmer. Sauf qu’à coup de références et d’utilisations des clichés fifties, il y a toujours le risque que la personnalité du crooner s’efface derrière de trop multiples identités. L’atypisme Woonien pourrait être menacé par ce référencement trop automatique, même si sa volonté de faire du neuf avec le vieux reste son antienne. Mais je n’en dis pas trop, il est temps de lancer le disque …

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Notre court album s’amorce avec Get Up (What You Need), un titre qui surprendra ceux qui connaissaient le Willy sous sa verve plus rock’n’roll. Ici, ça sent à plein nez la volonté d’insérer des samples hip-hop. Sauf que ce morceau n’est pas réellement convaincant. L’utilisation usante de violons, de chœurs répétitifs et une surproduction harassante font que ce morceau, malgré un rythme et une voix à la Willy, pue la soumission au dictat de la musique commerciale. Quand on connaît ses capacités, on se dit que ce morceau amorce bien mal l’album. Mais pas besoin de sauver Willy car le Railroad Track qui suit vient nous ramener au génie le plus pur de notre néo-zéolandais. Dans un univers sombre, cette track offre un rythme méchamment entraînant, cadencé par des chœurs musclés, empruntés aux voix a capella du Jesus Walk de Kanye West. Ce morceau fait finalement réellement démarrer l’album. D’ailleurs, avec son calme mystérieux et son énergie saisissante, il aurait fait une bien meilleure exorde à l’album que Get Up. Et puis, il y a quelque chose de puissant et de poignant dans ce morceau qui mêle l’univers des Western à celui des chants negro spirituals des travailleurs, dans les plantations du sud de la vieille Amérique. Avec le dynamique Yeah Yeah Yeah, édifié sur le sample de Ain’t Nuthing Ta Fuck Wit du Wu-Tang C269230_10151426674534793_1878019461_nlan, il manie avec élégance un beat massif et des choeurs samplés. Ce titre fait danser et remémore le temps des rock’n’roll blues endiablés. Ces rythmes frénétiques se retrouvent tout particulièrement dans les refrains du morceau suivant, What I Want, auquel la basse apporte une consistance et une présence à côté de chœurs sur-aïgus parfois fastidieux. Mais Willy Moon semble apporter une pause à ce rythme effréné, avec Fire, où le mystère règne, même si ce calme est entrecoupé par des refrains énergiques de chœurs menaçants et grondants, voire usants. Alors que plus tard dans l’abum Willy Moon fera une reprise d’un morceau de Little Willie John, on sent dans Fire la trame de Fever, morceau de ce même artiste. I Wanna Be Your Man, premier titre de notre monsieur, remet à jour avec l’élégance d’un dandy, ce rythme particulier. Ce morceau respire une classe indéniable. Des riffs de guitare apportent des touches rétro et se mêlent à un beat puissant qui s’inscrit dans une réelle filiation avec le Diddley Beat de Bo Diddley. Suit alors un morceau surprenant au sein de cet album. Working For The Company a quelque chose de loufoque, sortant tout droit d’un cabaret ou d’un bon vieux cartoons (suis-je la seule à voir le génie d’Aladin ou le jazz endiablé des aristochats ?). A la première écoute on le trouve surprenant, décalé. Mais en fait, dans ce morceau Willy Moon mêle son univers gothique et mystérieux aux joies, à l’outrance et aux excès du cabaret. Derrière son aspect cinoque, ce morceau semble élever l’album vers quelque chose de singulier, dans de nouvelles errances musicales conduites par une voix plus rauque. Autre démarche originale au sein d’un si court album, celle de reprises. La première de Shakin de Little Willie John (oui oui, encore lui), déjà reprise par son maître Jack White, semble bien intégrée à un univers garage-rock où les frottements de guitare règnent en maîtres. Il les mêle à des samples de type de ceux de Wu-Tung Clang. Cette reprise est peut être d’ailleurs plus efficace et pertinente que celle effectuée du fameux titre I Put a Spell on You de Screamin Jay Hawkins. She Loves Me qui amorce la fin de cet album tente de réitérer les saccades et les hoquets d’unWilly Moon Buddy Holly, en utilisant les moyens d’aujourd’hui. Mais il en résulte quelque chose d’agaçant et de surfait où les riffs de guitares sont recouverts d’un voile de superficialité musicale. Après un My Girl énergique et dansant, Murder Ballad met un terme à cet album. Une instru et des crépitements électroniques qui nous rapprochent d’ailleurs de rythmes guitareux psychés moins fifties, donnent à ce morceau une crédibilité nouvelle. Cette péroraison clôt ainsi à la perfection un album pourtant inégal.

Cet album accrocheur plaît donc par ses errances musicales, par une instru et un beat qui décoiffent et finalement même par la concision de ses morceaux qui fait que Willy Moon, c’est le gars qui n’utilise pas des détours inutiles pour se présenter à nous. Mais son errance ennuie parfois (malgré un album bien court) et l’identité de notre crooner peine à se fixer, existant davantage sous l’égide de grands noms. Il s’agit en même temps d’un premier album, il faut espérer que le Willy se fixe et fasse de son atypie et de son énergie déconcertante une ligne de conduite pour que l’on puisse se dire avec certitude : Here is Willy Moon !

 

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