Spring Breakers aurait pu sûrement repousser plus d’un spectateur à la cinéphilie avertie vers d’autres salles obscures.
En effet, malgré le fait que ce film sorte du circuit indépendant, à priori l’aperçu des jeunes pouliches de l’écurie Disney, à savoir Selena Gomez et Vanessa Hudgens, ainsi qu’Ashley Benson de Pretty Littles Liars et l’épouse du réalisateur Harmony Korine en personne fouettant l’air de leur chevelure teintées de rose, habillées sobrement de bikinis aux couleurs multiples d’un pastel agressif, dans un univers paradisiaque de plage, de soleil, de fête, de drogues, de débauche sans limites, LE RÊVE AMERICAIN ! , peut avoir de quoi déconcerter, appelant à un film pour un public teen anesthésié.
Après un générique court, la première scène nous présente le fameux Spring Break sur un strident Skrillex. Des jeunes qui sautent et dansent sur une plage écrasée de soleil et de ciel bleu. Des filles aux seins nus, des garçons qui les couvrent d’alcool comme si ils leur pissaient dessus. Puis l’instant d’après, une fac où 5 demoiselles déprimées se tordent d’ennui et rêvent de vivre leur rêve de vacances et de vie intense. L’argent manque ? Pas de problème ! Braquons un fast-food avec un marteau et des pistolets à eau et partons !
Arrivées sur place, elles vont vivre tellement fort ce qu’elles fantasment depuis si longtemps, qu’elles se retrouveront (toujours en bikini, je ne crois pas qu’elles soient venues avec d’autres vêtements) face au juge qui les enverra en prison, sous peine qu’elles ne puissent payer leur caution. C’est là qu’intervient James Franco en sauveur, si absurde, tellement déplacé, les sortant du pétrin dans lequel elles se sont fourrées, leur proposant de devenir ses biches, ses amies, ses compagnes de deal.
Mais une pieuse Selena Gomez, qui exprimait pourtant un peu plus tôt le vœu de vivre ici pour toujours se rétractera et retournera à la maison.
Débutera alors une descente ; au bras d’un James Franco, aberrant, malsain, puis malgré tout, étrangement attachant et tendre ; dans l’effroi d’un monde pervers, violent, où les muscles roulent et les cabots se mordent.
Dans une danse aveugle et narcissique, mélangeant un univers enfantin, sucré, plus girly et Lolita que jamais et la brutalité du trafic, des armes, de la drogue, des vanités et des possessions qui s’heurtent durement, Korine nous entrave au cœur d’un bordel bigarré et complètement égocentré. Spring Breakers touille son intrigue, avec un montage et un sens de l’image très réussi, mais en occultant totalement le spectateur. Une distance évidente s’installe et pourtant il est difficile de détacher son regard de ce fil un peu fou qui se déroule. C’est un film pour lui-même, qui se répète sans cesse “Spring Break pour la vie”, autiste, au scénario creux, une choucroute, une oeuvre polychrome et musicale.
Et puis, au détour d’une scène, les 4 filles cagoulées de rose, armées de mitraillettes, dansant volupteusement, rêveusement, sur Everytime de Britney Spears, joué au piano par James Franco. Un film boiteux, avec des morceaux de poésie gros comme ça.
Une douceur un peu idiote, un peu bancale, pleine de sucre et de poudre aux yeux, une errance en puissance, un peu de chaleur, un peu de désespoir.